Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société BPCE Assurances a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 19 juin 2019 par laquelle l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser le licenciement de Mme C....
Par jugement n° 1918502/3-1 du 23 juin 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée les 24 août et 7 septembre 2020, la société BPCE Assurances, représentée par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1918502/3-1 du 23 juin 2020 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler la décision du 19 juin 2019 par laquelle l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser le licenciement de Mme C... ;
3°) d'enjoindre au ministre du travail d'autoriser le licenciement pour inaptitude de Mme C..., dans un délai raisonnable à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'une erreur de droit, les premiers juges ayant considéré à tort que la décision du 19 juin 2019 de l'inspecteur du travail était suffisamment motivée en droit alors que ne s'impose à l'employeur qu'une obligation de moyens et non de résultats ;
- le jugement attaqué est entaché d'une erreur de droit dès lors que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que s'imposait à elle une obligation de résultats ;
- elle justifie d'une recherche effective, loyale et sérieuse de postes de reclassement.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 novembre 2020, Mme C..., représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la société BPCE Assurances au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
La procédure a été communiquée à la ministre du travail qui n'a pas produit d'observations en défense.
Par ordonnance du 15 octobre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 16 novembre 2020 à midi.
Un mémoire a été enregistré le 8 avril 2021 pour la société BPCE Assurances, après la clôture de l'instruction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public,
- les observations de Me D..., avocat de la société BPCE Assurances,
- et les observations de Me E..., avocat de Mme C....
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... occupait les fonctions de télégestionnaire indemnisation en portefeuille au sein de la société BPCE Assurances depuis le 6 juin 2011. Elle était représentante syndicale au sein du comité du groupe " Natixis Intégrée ", auquel appartient la société BPCE Assurances, depuis le 6 juillet 2016. Après avoir été placée en arrêts de maladie, elle a été examinée par un médecin du travail dans le cadre d'une visite de pré-reprise le 22 janvier 2018 puis de reprise le 2 février 2018 qui a déclaré que son " état de santé ne permet pas de proposer un éventuel reclassement dans l'entreprise ". A la suite de l'impossibilité de proposer à Mme C... un poste de reclassement dans l'entreprise et dans l'ensemble des entités du groupe BPCE, la société BPCE Assurances a sollicité, le 5 juillet 2018, de l'inspecteur du travail l'autorisation de la licencier pour inaptitude. Par une décision du 7 septembre 2018, l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser ce licenciement. La société BPCE Assurances a décidé de recommencer la procédure et a saisi le médecin du travail qui a émis un avis le 25 octobre 2018 dans lequel il a considéré que l'état de santé de Mme C... " lui permet d'occuper un poste similaire dans un autre établissement ou une autre entité juridique ". Les nouvelles recherches de reclassement ayant été infructueuses, la société BPCE Assurances a sollicité l'autorisation de licencier Mme C... le 23 avril 2019 et un refus lui a été opposé par l'inspecteur du travail par une décision du 19 juin 2019. Par jugement n° 1918502/3-1 du 23 juin 2020 dont la société BPCE Assurances relève appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande d'annulation de la décision de l'inspecteur du travail du 19 juin 2019.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 1226-2 du code du travail, " Lorsque le salarié victime d'une maladie ou d'un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel. / Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce. / Cette proposition prend en compte, après avis du comité social et économique lorsqu'il existe, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur la capacité du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté. / L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail ". L'article L. 1226-2-1 du même code dispose que : " lorsqu'il est impossible à l'employeur de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent à son reclassement. / L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi. / L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail. / S'il prononce le licenciement, l'employeur respecte la procédure applicable au licenciement pour motif personnel prévue au chapitre II du titre III du présent livre ".
3. En vertu du code du travail, les salariés protégés bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement de l'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par l'inaptitude du salarié, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge, si cette inaptitude est telle qu'elle justifie le licenciement envisagé, compte tenu des caractéristiques de l'emploi exercé à la date à laquelle elle est constatée, de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé, des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi et de la possibilité d'assurer son reclassement dans l'entreprise. En revanche, dans l'exercice de ce contrôle, il n'appartient pas à l'administration de rechercher la cause de cette inaptitude. Toutefois, il appartient en toutes circonstances à l'autorité administrative de faire obstacle à un licenciement en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par un salarié ou avec son appartenance syndicale. Par suite, même lorsque le salarié est atteint d'une inaptitude susceptible de justifier son licenciement, la circonstance que le licenciement envisagé est également en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale fait obstacle à ce que l'administration accorde l'autorisation sollicitée.
4. Il ressort des pièces du dossier que, comme l'a relevé l'inspecteur du travail dans sa décision du 19 juin 2019, la société BPCE Assurances a effectué des recherches de reclassement auprès de l'ensemble des entités du groupe en leur adressant un courriel collectif le 15 novembre 2018, puis de relance les 26 novembre et 6 décembre 2018. Par ailleurs, Mme C... a informé la société BPCE Assurances qu'elle était disposée à effectuer une mobilité en Nouvelle Aquitaine, en Occitanie et en Auvergne sur des postes d'activités commerciales, de gestion des opérations support clientèle, logistique et assistance, de marketing, d'organisation qualité et des activités ressources humaines et juridiques et, le 15 janvier 2019, qu'elle était intéressée par trois emplois vacants dans le groupe qui figuraient sur des listes qui lui avaient été communiquées. La société BPCE Assurances a sollicité les trois entités concernées, mais deux d'entre elles ont répondu que les postes de technicien back office à la Banque populaire d'Auvergne Rhône Alpes et de juriste à la Caisse d'épargne Pays de Loire avaient été pourvus les 11 février et 14 mars 2019, postérieurement au lancement de la procédure de reclassement mais sans qu'ils aient été proposés à Mme C... et, s'agissant du troisième poste, celui de gestionnaire contentieux à la Caisse d'épargne de Normandie, la société n'a pas reçu de réponse à sa demande. La société BPCE Assurances a envoyé une nouvelle demande auprès de l'ensemble des entités du groupe par un courriel collectif du 18 mars 2019, avec des relances les 16 avril et 10 mai suivants, pour rechercher des solutions de reclassement, ce qui a conduit à ce que deux offres soient particulièrement signalées à Mme C..., à savoir un poste de conseiller en ligne en contrat à durée indéterminée à la BP Nord et un poste de conseiller clientèle multimédia en contrat à durée déterminée au sein de la société Metz Direct Ecureuil, mais sans que les entités concernées proposent directement ces postes vacants à l'intéressée. Il résulte de ce qui précède que la société BPCE Assurances, qui devait, en tant qu'employeur, rechercher une solution de reclassement pour Mme C... mais uniquement, selon l'avis du médecin du travail du 25 octobre 2018, dans un autre établissement ou une autre entité juridique, a ainsi sollicité à plusieurs reprises les entreprises du groupe, qui au demeurant n'avaient aucune obligation de proposer un poste à l'intéressée, lesquelles ont soit indiqué qu'elles ne disposaient pas de poste vacant soit préféré recruter une autre personne. Par suite, compte tenu de l'ensemble des démarches précitées effectuées par la société BPCE Assurances et bien que celles-ci n'aient pas été couronnées de succès, cette dernière doit être regardée comme n'ayant pu, malgré une recherche effective et sérieuse, trouver un emploi approprié aux capacités de Mme C... et ayant donc satisfait à son obligation de recherche de reclassement. Par suite, c'est à tort que les premiers juges ont considéré que l'inspecteur du travail a pu légalement estimer que la société BPCE Assurances n'avait pas procédé à une recherche sérieuse de reclassement de Mme C....
5. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, la société BPCE assurances est fondée à demander l'annulation du jugement n° 1918502/3-1 du 23 juin 2020 du tribunal administratif de Paris et de la décision du 19 juin 2019 par laquelle l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser le licenciement de Mme C....
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. L'exécution du présent arrêt implique que l'inspecteur du travail de la DIRECCTE d'Ile-de-France procède à un nouvel examen de la demande d'autorisation de licenciement présentée par la société BPCE Assurances dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés au litige :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société BPCE Assurances, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à verser à Mme C... la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner Mme C..., par application des mêmes dispositions, à verser à la société BPCE Assurances la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1918502/3-1 du 23 juin 2020 du tribunal administratif de Paris et la décision du 19 juin 2019 par laquelle l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser le licenciement de Mme C... sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint à l'inspecteur du travail de la DIRECCTE d'Ile-de-France de réexaminer la demande d'autorisation de licenciement présentée par la société BPCE Assurances concernant Mme C... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société BPCE Assurances est rejetée.
Article 4 : Les conclusions de Mme C..., présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société BPCE Assurances, à Mme A... C... et à la ministre du travail.
Délibéré après l'audience du 12 avril 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Luben, président de la formation de jugement,
- Mme B..., premier conseiller,
- Mme Larsonnier, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 avril 2021.
Le président de la formation de jugement,
I. LUBEN
La République mande et ordonne à la ministre du travail en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA02425