Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 21 juillet 2022 par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de carte de résident.
Par une ordonnance n° 2212529 du 31 août 2023, le président de la 11ème chambre du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 29 octobre 2023, M. B..., représenté par Me Landoulsi, demande à la Cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du président de la 11ème chambre du Tribunal administratif de Montreuil du 31 août 2023 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 21 juillet 2022 par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de carte de résident ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer une carte de résident valable dix ans, dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'ordonnance contestée est irrégulière au regard des dispositions du 7°) de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, dans la mesure où son moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 426-17 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'était pas inopérant ;
- le premier juge aurait dû soulever d'office le moyen tiré de l'erreur de droit commise par le préfet, tenant à ce qu'il n'a pas examiné sa situation au regard de l'accord franco-tunisien, pourtant applicable ;
- la décision contestée a été prise par une autorité incompétente ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle, qui relevait de l'accord franco-tunisien ;
- elle est entachée d'une erreur de droit et méconnaît les dispositions du e) de l'article 10 de l'accord franco-tunisien ; en tout état de cause, il justifie de ressources et d'un niveau de maîtrise de la langue française suffisants pour se voir délivrer un certificat de résidence.
La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ;
- la code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Niollet,
- et les observations de Me Landoulsi, pour M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant tunisien né le 12 août 2002 à La Marsa (Tunisie), entré en France le 22 mars 2005, a, le 5 avril 2022, sollicité, dans le cadre du renouvellement de son titre de séjour délivré le 25 mai 2021 et valable jusqu'au 24 mai 2022, la délivrance d'une carte de résident. Il a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 21 juillet 2022 par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer une carte de résident. M. B... fait appel de l'ordonnance du 31 août 2023 par laquelle le président de la 11ème chambre du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande pour irrecevabilité.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
2. D'une part, aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours (...) peuvent, par ordonnance : (...) 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé (...) ".
3. D'autre part, aux termes de l'article 11 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 en matière de séjour et de travail stipule : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord. / Chaque Etat délivre notamment aux ressortissants de l'autre Etat tous titres de séjour autres que ceux visés au présent Accord, dans les conditions prévues par sa législation ". Aux termes du troisième alinéa de l'article 3 du même accord : " (...) Les autres ressortissants tunisiens ne relevant pas de l'article 1er du présent Accord et titulaires d'un titre de séjour peuvent également obtenir un titre de séjour d'une durée de dix ans s'ils justifient d'une résidence régulière en France de trois années. Il est statué sur leur demande en tenant compte des moyens d'existence professionnels ou non, dont ils peuvent faire état et, le cas échéant, des justifications qu'ils peuvent invoquer à l'appui de leur demande (...) ". Ces stipulations ne créent toutefois pas de droit acquis à l'obtention dudit titre de séjour pour les ressortissants tunisiens du seul fait qu'ils justifient d'une résidence régulière en France de trois années. Pour l'examen de leur demande, le préfet peut notamment tenir compte des conditions d'exercice de leurs activités professionnelles et de leurs moyens d'existence.
4. Enfin, aux termes de l'article L. 426-17 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui justifie d'une résidence régulière ininterrompue d'au moins cinq ans en France au titre d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle ou d'une carte de résident, de ressources stables, régulières et suffisantes pour subvenir à ses besoins et d'une assurance maladie se voit délivrer, sous réserve des exceptions prévues à l'article L. 426-18, une carte de résident portant la mention "résident de longue durée-UE" d'une durée de dix ans. (...) / Les ressources mentionnées au premier alinéa doivent atteindre un montant au moins égal au salaire minimum de croissance. Sont prises en compte toutes les ressources propres du demandeur, indépendamment des prestations familiales et des allocations prévues à l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles ainsi qu'aux articles L. 5423-1, L. 5423-2 et L. 5423-3 du code du travail (...) ".
5. L'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 renvoie, sur tous les points qu'il ne traite pas, à la législation nationale, en particulier aux dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour autant qu'elles ne sont pas incompatibles avec les stipulations de l'accord ou qu'elles sont nécessaires à sa mise en œuvre. Les dispositions précitées de l'article L. 426-17 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne sont ainsi applicables à la demande d'un ressortissant tunisien, tendant à la délivrance d'un titre de séjour d'une durée de dix ans, que dans la mesure où elles précisent les conditions d'appréciation des moyens d'existence mentionnées par les stipulations précitées de l'article 3 de l'accord franco-tunisien, qui ne les précisent pas elles-mêmes.
6. A l'appui de sa demande de première instance, M. B... faisait valoir, d'une part, un moyen de légalité externe tiré de l'insuffisance de la motivation de l'arrêté litigieux du 21 juillet 2022, d'autre part, deux moyens de légalité interne tirés du défaut d'examen de sa situation personnelle et de la méconnaissance, par ce même arrêté, de l'article L. 426-17 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. L'ordonnance attaquée a rejeté sa demande sur le fondement des dispositions précitées du 7°) de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, aux motifs, d'une part, que le moyen tiré de l'insuffisance de la motivation de l'arrêté attaqué était manifestement infondé, d'autre part, que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 426-17 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile était inopérant, M. B..., étant étudiant, ne travaillant pas, et ne disposant donc pas des ressources stables et suffisantes. Toutefois, l'appréciation du caractère stable et suffisant des ressources de M. B... est relative au bienfondé du moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 426-17 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que le premier juge ne pouvait donc écarter comme inopérant. Ainsi, la demande de M. B... n'entrait pas dans le champ d'application des dispositions du 7°) précité de l'article R. 222-1 du code de justice administrative.
7. Il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que l'ordonnance attaquée a irrégulièrement rejeté sa demande, et à en demander l'annulation.
8. Il y a lieu de renvoyer l'affaire devant le Tribunal administratif de Montreuil pour qu'il soit statué sur la demande de M. B....
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de M. B..., présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : L'ordonnance n° 2212529 du 31 août 2023 du président de la 11ème chambre du Tribunal administratif de Montreuil est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant le Tribunal administratif de Montreuil pour qu'il soit statué sur la demande de M. B....
Article 3 : Les conclusions de M. B..., présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 16 janvier 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Bonifacj, présidente de chambre,
M. Niollet, président-assesseur,
M. Pagès, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 janvier 2024.
Le rapporteur,
J-C. NIOLLETLa présidente,
J. BONIFACJ
La greffière,
Z. SAADAOUI
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 23PA04502