Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 1er décembre 2021 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée à l'issue de ce délai.
Par un jugement n° 2209361/8 du 7 juillet 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des pièces complémentaires enregistrées les 1er décembre 2022 et 20 avril 2023, Mme C... représentée par Me Angliviel, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Paris du 7 juillet 2022 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté du préfet de police du 1er décembre 2021 ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour en tant qu'accompagnant d'enfant malade et ce dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa situation, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de la mettre immédiatement en possession d'une autorisation provisoire de séjour ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il a omis de répondre au moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant refus de séjour est entachée d'un vice de procédure en ce que le caractère collégial de l'avis émis par les médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) n'est pas établi ;
- elle méconnaît les dispositions des articles L. 425-9 et L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 février 2024, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 24 octobre 2022, envoyée le 2 novembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme d'Argenlieu a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., de nationalité ivoirienne née le 10 mars 1981 à Dabou (Côte d'Ivoire) et entrée en France le 11 mars 2017, selon ses déclarations, a sollicité la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour pour accompagner son enfant malade. Elle a bénéficié en 2019 d'une autorisation de six mois en sa qualité de parent d'enfant malade, renouvelée une première fois jusqu'au 17 novembre 2021, et dont elle a, le 18 août 2021, sollicité le renouvellement. Par un arrêté du 1er décembre 2021, le préfet de police a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite. Mme C... relève appel du jugement du 7 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions d'annulation :
2. Aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
3. Il est constant que Mme C... est mère d'un enfant mineur A... B..., né le 15 novembre 2012, qui a souffert d'une encéphalopathie anoxo-ischémique périnatale ayant entrainé de lourdes séquelles dont une cécité corticale, une déficience intellectuelle sévère et une épilepsie compliquée de polyhandicaps moteurs. Il ressort des certificats médicaux et des nombreux comptes rendus d'hospitalisation produits que l'enfant bénéficie, depuis son entrée en France en 2017, d'une prise en charge multidisciplinaire, d'une part, en neurologie pour le traitement de son épilepsie, d'autre part, en orthopédie pour le traitement de ses difficultés articulaires liées à sa pathologie neurologique et la surveillance de son appareillage, lequel du fait de sa croissance doit encore être régulièrement adapté, et enfin en rééducation fonctionnelle et nutritionnelle. L'enfant rencontre de graves difficultés pour s'alimenter qui ont justifié la mise en place d'une gastrostomie par voie chirurgicale. Par suite, dans les circonstances très particulières de l'espèce, eu égard au caractère récent de la dernière opération subie par l'enfant laquelle nécessite encore une surveillance régulière, il serait contraire à son intérêt d'interrompre à ce stade son parcours de soins. Par suite, le préfet de police, en refusant de renouveler l'autorisation provisoire dont disposait l'appelante, a méconnu les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant. Mme C... est donc fondée, pour ce motif, à en demander l'annulation.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement et sur les autres moyens, que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris, par son jugement, a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution (...) ".
6. Eu égard au motif d'annulation retenu au point 3, il y a lieu d'enjoindre au préfet de police de délivrer à Mme C... une autorisation provisoire de séjour d'une durée de six mois sur le fondement de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés à l'instance :
7. Mme C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Angliviel, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de ce dernier le versement à Me Angliviel de la somme de 1 000 euros.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2209361/8 du 7 juillet 2022 du tribunal administratif de Paris et l'arrêté du 1er décembre 2021 du préfet de police sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de délivrer à Mme C... une autorisation provisoire de séjour d'une durée de six mois sur le fondement de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Angliviel la somme de 1 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Angliviel renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat .
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à Me Angliviel et à Mme D... C....
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 5 mars 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Bonifacj, présidente,
- M. Niollet, président-assesseur,
- Mme d'Argenlieu, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 mars 2024.
La rapporteure,
L. d'ARGENLIEU
La présidente,
J. BONIFACJLa greffière,
E. TORDO
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 22PA05113