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29/04/2024 | FRANCE | N°23PA04092

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 8ème chambre, 29 avril 2024, 23PA04092


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Art Déco Bat a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 30 juin 2022 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a mis à sa charge les contributions spéciales et forfaitaires représentatives de frais de réacheminement pour un montant total de 18 848 euros.



Par jugement n° 2218565/3-3 du 11 juillet 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
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Procédure devant la cour :



Par une requête et un mémoire rectificatif enregistrés les 1...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Art Déco Bat a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 30 juin 2022 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a mis à sa charge les contributions spéciales et forfaitaires représentatives de frais de réacheminement pour un montant total de 18 848 euros.

Par jugement n° 2218565/3-3 du 11 juillet 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire rectificatif enregistrés les 18 et 26 septembre 2023, la société Art Déco Bat, représentée par Me Fischer Bertaux, demande à la cour :

1°) à titre principal, d'annuler le jugement n° 2218565 du 11 juillet 2023 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision du 30 juin 2022 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a mis à sa charge les contributions spéciales et forfaitaires représentatives de frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine pour un montant total de 18 848 euros ;

3°) à titre subsidiaire, de la décharger partiellement de la contribution spéciale mise à sa charge en la limitant à 1 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12 du code du travail ;

4°) de mettre à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision du 30 juin 2022 est insuffisamment motivée faute de préciser les motifs de minoration de la contribution prévue aux 1° et au 2° de l'article L. 8253-1 du code du travail ;

- elle méconnaît le principe général des droits de la défense et les articles R. 626-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et R. 8253-3 du code du travail, dès lors que la décision attaquée ne se réfère pas aux observations qu'elle a présentées dans le délai qui lui était imparti ;

- l'absence de réception du courrier en recommandé avec avis de réception du 5 novembre 2021 que lui aurait adressé l'inspectrice du travail compétente afin qu'elle communique une copie d'un certain nombre de pièces faisait obstacle à ce que soient mises à sa charge la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail et la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration s'est abstenu à tort de l'informer des possibilités de minoration de la contribution spéciale, de sorte qu'elle est fondée à demander subsidiairement que la contribution spéciale mise à sa charge par la décision attaquée soit limitée à 1 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12 du code du travail.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 février 2024, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, représenté par Me de Froment conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la société Art Déco Bat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par la société Art Déco Bat ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Collet,

- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Le 23 septembre 2021, les services de l'inspection du travail, de police et de l'URSSAF ont contrôlé un chantier de construction des Tours Duo, situé 51, rue Bruneseau dans le 13ème arrondissement de Paris sur lequel intervenait la société Art Déco Bat et ont constaté la présence de deux ressortissants de nationalité tunisienne dépourvus de titres les autorisant à exercer une activité salariée en France. Un procès-verbal d'infraction a été dressé et transmis à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) en application de l'article L. 8271-17 du code du travail. Par une décision du 30 juin 2022, le directeur général de l'OFII a appliqué à la société Art Déco Bat, à raison de l'emploi de ces deux ressortissants étrangers, la contribution spéciale mentionnée à l'article L. 8253-1 du code du travail pour un montant de 14 600 euros et la contribution forfaitaire alors prévue par l'article L. 822-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour un montant de 4 248 euros. Par jugement du 11 juillet 2023, dont la société Art Déco Bat relève appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

2. D'une part, aux termes des dispositions de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France (...) ". Aux termes de l'article L. 8253-1 de ce même code dans sa version alors en vigueur : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger non autorisé à travailler, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger non autorisé à travailler mentionné à l'article R. 8252-6. Il est alors, au plus, égal à 2 000 fois ce même taux. Il peut être majoré en cas de réitération et est alors, au plus, égal à 15 000 fois ce même taux. (...) ". Aux termes de l'article R. 8253-2 du même code : " I.- Le montant de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 est égal à 5 000 fois le taux horaire, à la date de la constatation de l'infraction, du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. / II.- Ce montant est réduit à 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti dans l'un ou l'autre des cas suivants : 1° Lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne pas d'autre infraction commise à l'occasion de l'emploi du salarié étranger en cause que la méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 ; 2° Lorsque l'employeur s'est acquitté des salaires et indemnités mentionnés à l'article L. 8252-2 dans les conditions prévues par les articles R. 8252-6 et R. 8252-7. / III.- Dans l'hypothèse mentionnée au 2° du II, le montant de la contribution spéciale est réduit à 1 000 fois le taux horaire du minimum garanti lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne l'emploi que d'un seul étranger sans titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. / IV.- Le montant de la contribution spéciale est porté à 15 000 fois le taux horaire du minimum garanti lorsqu'une méconnaissance du premier alinéa de l'article L. 8251-1 a donné lieu à l'application de la contribution spéciale à l'encontre de l'employeur au cours de la période de cinq années précédant la constatation de l'infraction ". Aux termes de l'article R. 8253-3 du même code : " Au vu des procès-verbaux qui lui sont transmis en application de l'article L. 8271-17, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration indique à l'employeur, par lettre recommandée avec avis de réception ou par tout autre moyen permettant de faire la preuve de sa date de réception par le destinataire, que les dispositions de l'article L. 8253-1 sont susceptibles de lui être appliquées et qu'il peut présenter ses observations dans un délai de quinze jours ". Aux termes de l'article R. 8253-4 de ce même code : " A l'expiration du délai fixé, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration décide, au vu des observations éventuelles de l'employeur, de l'application de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1. (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 822-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Sans préjudice des poursuites judiciaires qui peuvent être engagées à son encontre et de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, l'employeur qui a occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquitte une contribution forfaitaire représentative des frais d'éloignement du territoire français de cet étranger ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 5221-8 du code du travail : " L'employeur s'assure auprès des administrations territorialement compétentes de l'existence du titre autorisant l'étranger à exercer une activité salariée en France (...) ". Selon l'article L. 5221-9 du même code : " L'embauche d'un salarié étranger titulaire de la carte de séjour temporaire prévue aux articles L. 422-1, L. 422-2, L. 422-4 ou L. 422-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut intervenir qu'après déclaration nominative effectuée par l'employeur auprès de l'autorité administrative. ".

4. Enfin, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 2° Infligent une sanction ".

5. En premier lieu, dès lors que la décision du 30 juin 2022 contestée, mettant à la charge de la société appelante les contributions spéciale et forfaitaire, mentionne expressément les textes applicables, notamment les dispositions de l'article R. 8253-2 du code du travail explicitant les modalités de calcul du montant de la contribution spéciale et le procès-verbal établi à la suite du contrôle effectué le 23 septembre 2021 au cours duquel les infractions ont été constatées, la nature des sanctions infligées ainsi que le montant des sommes dues au titre de chaque contribution, elle comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et répond aux exigences de motivation des dispositions précitées. La circonstance que le directeur général de l'OFII ait, compte tenu des circonstances de l'espèce, accordé une minoration, prévue au II de l'article R. 8253-2 du code du travail, de la contribution infligée à la société Art Déco Bat en lui appliquant 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti au lieu du seuil maximum de 5 000 fois ce taux horaire sans en expliciter les motifs est sans incidence sur le caractère suffisant de la motivation de la décision du 30 juin 2022 qui n'avait pas à être détaillée sur ce point.

6. En deuxième lieu, la société Art Déco Bat reconnait avoir effectivement transmis ses observations dans le délai de quinze jours prévu par les dispositions précitées de l'article R. 8253-3 du code du travail. Or, l'OFII n'est pas tenu de répondre, dans sa décision, aux arguments développés au cours de la procédure contradictoire par la personne qui fait l'objet de la sanction. Par suite, la circonstance que le directeur général de l'OFII n'ait pas mentionné l'existence de ces observations et leur contenu dans la décision du 30 juin 2022 contestée ne permet pas de considérer, contrairement à ce que soutient la société requérante, qu'elle aurait été prise en méconnaissance du principe général des droits de la défense et des articles R. 626-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, repris à l'article R. 822-4 de ce code, et R. 8253-3 du code du travail. Ce moyen ne peut ainsi qu'être écarté.

7. En troisième lieu, la société Art Déco Bat n'est, en tout état de cause, pas fondée à soutenir qu'elle n'aurait jamais reçu le courrier en recommandé avec avis de réception du 5 novembre 2021 que lui aurait adressé l'inspectrice du travail afin qu'elle communique une copie d'un certain nombre de pièces, ce qui ferait, selon elle, obstacle à ce que les contributions contestées soient mises à sa charge, alors qu'il résulte de l'instruction que ce pli lui a été distribué le 9 novembre 2021 comme l'atteste cette mention sur l'accusé de réception versé au dossier.

8. En quatrième lieu, à supposer que la société requérante ait entendu soutenir qu'il ne serait pas établi qu'elle employait les deux étrangers en cause, le procès-verbal d'infraction, dont les mentions font foi jusqu'à preuve du contraire, mentionne en page 3 que la consultation du site CIRSO sur lequel sont enregistrées les déclarations préalables à l'embauche a révélé que les deux étrangers en question avaient été déclarés par la société requérante le jour même du contrôle. La société requérante n'apportant aucun élément de nature à établir qu'elle n'aurait jamais employé ces deux personnes, sa contestation doit être écartée sur ce point.

9. En dernier lieu, il résulte de l'instruction que dans le courrier du 22 avril 2022, la société Art Déco Bat a été informée de la possibilité de mettre à sa charge la contribution spéciale prévue par les dispositions de l'article L. 8253-1 du code du travail en raison de l'emploi de deux étrangers dépourvus de titres les autorisant à exercer une activité salariée en France et des conditions prévues aux points II et III de l'article R. 8253-2 du code du travail dans lesquelles peut s'appliquer la minoration de cette contribution. La société requérante s'est vu appliquer le taux réduit de 2 000 fois le taux horaire et n'aurait pu prétendre au bénéfice de la réduction supplémentaire du montant de la contribution spéciale à 1 000 fois le taux horaire prévue au II de l'article R. 8253-2 du code du travail que si le procès-verbal d'infraction ne mentionnait l'emploi que d'un seul étranger sans titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. Or, le procès-verbal d'infraction dressé et transmis à l'OFII en application de l'article L. 8271-17 du code du travail mentionnait l'emploi par la société Art Déco Bat de plus d'un seul étranger sans titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France, circonstance qui faisait obstacle à ce qu'elle puisse bénéficier de cette minoration. Il s'ensuit que la société Art Déco Bat n'est pas fondée à soutenir qu'en l'absence d'information relative à la possibilité de bénéficier d'une minoration de la contribution spéciale, elle serait fondée à demander subsidiairement que la contribution spéciale mise à sa charge par la décision attaquée soit limitée à 1 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12 du code du travail.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la société Art Déco Bat n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 30 juin 2022 par laquelle le directeur général de l'OFII a mis à sa charge les contributions spéciales et forfaitaires représentatives de frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine prise pour un montant total de 18 848 euros. Ses conclusions à fin d'annulation de la décision du 30 juin 2022 du directeur général de l'OFII et de décharge ne peuvent qu'être écartées.

Sur les frais liés à l'instance :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'OFII, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la société Art Déco Bat au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de la société Art Déco Bat, par application des mêmes dispositions, la somme de 2 000 euros que demande l'OFII au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Art Déco Bat est rejetée.

Article 2 : La société Art Déco Bat versera à l'Office français de l'immigration et de l'intégration la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Société Art Déco Bat, à l'Office français de l'immigration et de l'intégration et au directeur départemental des finances publiques de Paris.

Délibéré après l'audience du 25 mars 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Menasseyre, présidente,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- Mme Collet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 avril 2024.

La rapporteure,

A. Collet La présidente,

A. Menasseyre

La greffière,

N. Couty

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA04092


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA04092
Date de la décision : 29/04/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme MENASSEYRE
Rapporteur ?: Mme Aude COLLET
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : FISCHER BERTAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 05/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-29;23pa04092 ?
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