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10/06/2024 | FRANCE | N°23PA03602

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 8ème chambre, 10 juin 2024, 23PA03602


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. F... B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle le préfet de Seine-et-Marne a refusé de lui délivrer le titre de séjour qu'il a sollicité au titre de l'admission exceptionnelle au séjour.



Par un jugement n° 2211786 du 22 juin 2023, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête et

des pièces complémentaires enregistrées les 7 août et 18 octobre 2023, M. B..., représenté par Me Aymard, demande à la cou...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle le préfet de Seine-et-Marne a refusé de lui délivrer le titre de séjour qu'il a sollicité au titre de l'admission exceptionnelle au séjour.

Par un jugement n° 2211786 du 22 juin 2023, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des pièces complémentaires enregistrées les 7 août et 18 octobre 2023, M. B..., représenté par Me Aymard, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 22 juin 2023 du tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle le préfet de Seine-et-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour ;

3°) d'enjoindre au préfet de Seine-et-Marne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement de l'article L. 423-23 ou de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les premiers juges ont entaché leur jugement d'erreur de fait, de droit et d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision contestée est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur de fait ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle.

La requête a été communiquée au préfet de Seine-et-Marne qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par ordonnance du 2 octobre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 10 octobre 2023 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Jayer a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant ivoirien né le 1er mars 1988 et entré en France le 6 juin 2019 sous couvert d'un visa de court séjour, a sollicité par courrier du 3 août 2022 réceptionné le 5 août suivant par les services de la préfecture de Seine-et-Marne, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. M. B... relève appel du jugement du 22 juin 2023 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet née du silence gardé pendant quatre mois par le préfet de Seine-et-Marne sur sa demande de titre de séjour.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., qui est entré régulièrement en France le 6 juin 2019 muni d'un visa de court séjour et dont la résidence habituelle sur le territoire français est établie à compter du mois de janvier 2020, est père d'un enfant né le 16 décembre 2020 à Jossigny (Seine-et-Marne) issu de sa relation avec Mme E... A..., ressortissante ivoirienne, titulaire d'une carte de séjour pluriannuelle valable jusqu'au 5 décembre 2023 et mère d'un premier enfant de nationalité française, C..., né le 31 octobre 2016. Il ressort également du relevé de situation établi par la caisse d'allocations familiales que M. B..., qui a conclu le 25 mars 2022 un pacte civil de solidarité avec Mme A..., réside depuis le mois de juin 2021 à l'adresse de cette dernière et que, par un avenant du 4 juillet 2022, le bail relatif à ce logement a été porté aux deux noms. De même, il ressort des pièces du dossier, en particulier des nombreuses photographies de famille produites par le requérant qui établissent, tant sa présence auprès de son fils dès la naissance, que sa présence auprès du jeune C..., des tickets de caisse au nom de M. B... faisant état d'achats réguliers de vêtements et d'équipements à destination des deux enfants, de l'attestation établie le 16 juin 2022 par la directrice de l'école dans laquelle est scolarisé le jeune C... indiquant que M. B... le dépose et le récupère chaque jour, ainsi que de celles établies le 14 juin 2022 par la pédiatre qui suit les deux enfants et qui mentionnent que ceux-ci sont régulièrement vus en consultation en compagnie de M. B..., que l'intéressé est fortement impliqué dans l'éducation de ces derniers. En outre, il ressort des pièces du dossier que le requérant, qui expose garder quotidiennement son fils en l'absence de place en crèche, afin de permettre à sa conjointe de se consacrer à la préparation de son diplôme d'accompagnant éducatif et social, témoigne depuis 2022 d'un engagement bénévole auprès du centre social municipal de sa commune en participant activement à des actions à destination des familles. Enfin, il ressort de la déclaration de grossesse de Mme A... produite pour la première fois en appel, postérieure à la décision contestée mais révélant le caractère sérieux de la relation entretenue par M. B... avec sa concubine à la date de la décision en litige, que le couple attend un nouvel enfant. Par suite, dans les circonstances très particulières de l'espèce, compte tenu de l'intensité des liens familiaux dont justifie M. B... sur le territoire français, de l'impossibilité pour la cellule familiale de se reconstituer en Côte d'Ivoire et même si l'intéressé, dont la présence en France reste relativement récente à la date de la décision en litige, n'est pas démuni d'attaches familiales dans son pays d'origine où réside notamment sa première fille, celui-ci est fondé à soutenir que la décision par laquelle le préfet de Seine-et-Marne lui a implicitement refusé la délivrance d'un titre de séjour porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise et qu'elle méconnaît ainsi les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. B... est ainsi fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

5. Eu égard au motif d'annulation de la décision contestée ci-dessus retenu, et alors qu'il résulte de l'instruction que la situation de M. B... n'a pas évolué, en fait ou en droit, le présent arrêt implique nécessairement que l'autorité administrative lui délivre un titre de séjour. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet de Seine-et-Marne ou à tout préfet territorialement compétent de délivrer à M. B... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés à l'instance :

6. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. B... de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2211786 du 22 juin 2023 du tribunal administratif de Melun et la décision implicite par laquelle le préfet de Seine-et-Marne a refusé de délivrer un titre de séjour à M. B... sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de Seine-et-Marne de délivrer à M. B... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. B... la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de Seine-et-Marne et, par application de l'article R. 751-11 du code de justice administrative, au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Créteil.

Délibéré après l'audience du 23 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Menasseyre, présidente de chambre,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- Mme Jayer, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 juin 2024.

La rapporteure,

M-D... La présidente,

A. Menasseyre

Le greffier

P. Tisserand

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23PA03602 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA03602
Date de la décision : 10/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MENASSEYRE
Rapporteur ?: Mme Marie-Dominique JAYER
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : AYMARD

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-10;23pa03602 ?
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