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09/07/2024 | FRANCE | N°22PA03538

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 6ème chambre, 09 juillet 2024, 22PA03538


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision implicite de rejet née du silence conservé par le centre hospitalier de Saint-Denis (CHSD) sur sa demande indemnitaire préalable du 18 juillet 2019, et de condamner le CHSD à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation des préjudices qu'il aurait subis du fait d'actes de harcèlement moral.



Par un jugement n° 1911998 du 30 mai 2022, le tribunal administratif de Mont

reuil a rejeté sa demande.





Procédure devant la Cour :



Par une requête, en...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision implicite de rejet née du silence conservé par le centre hospitalier de Saint-Denis (CHSD) sur sa demande indemnitaire préalable du 18 juillet 2019, et de condamner le CHSD à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation des préjudices qu'il aurait subis du fait d'actes de harcèlement moral.

Par un jugement n° 1911998 du 30 mai 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 29 juillet 2022, M. A..., représenté par Me Oulad Bensaid, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montreuil du 30 mai 2022 ;

2°) d'annuler la décision implicite de rejet née du silence conservé par le CHSD sur sa demande indemnitaire préalable ;

3°) de condamner le CHSD à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation des préjudices qu'il aurait subis du fait d'actes de harcèlement moral ;

4°) de mettre à la charge du CHSD une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens.

Il soutient que :

-le jugement du tribunal administratif a, à tort, écarté l'existence de faits de harcèlement moral qui ont conduit à une dégradation de ses conditions de travail et à une altération de sa santé mentale ;

-il a subi des préjudices du fait du harcèlement moral dont il a fait l'objet, à raison desquels il doit être indemnisé à hauteur 30 000 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 14 décembre 2022, le CHSD, représenté par Me Yahia, conclut au rejet de la requête, et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Niollet,

- les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique,

- et les observations de Me Rousseau, pour le centre hospitalier de Saint-Denis (CHSD).

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., fonctionnaire titulaire du grade d'ouvrier principal, a été recruté par le centre hospitalier de Saint-Denis (CHSD) en 1982. S'estimant victime d'actes de harcèlement moral de la part de deux de ses supérieurs hiérarchiques, il a, le 18 juillet 2019, demandé au CHSD de l'indemniser à raison des préjudices qu'il aurait subis. Puis, il a demandé au tribunal administratif de Montreuil de condamner le CHSD à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation de ces préjudices. Il fait appel du jugement du 30 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

2. Aux termes du premier alinéa de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, alors en vigueur : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (...) ". Aux termes du IV de l'article 11 de cette loi, alors en vigueur : " IV.-La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté ".

3. Pour l'application de ces dispositions, il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

4. Si M. A... affirme avoir fait l'objet à partir de 2015 d'agissement répétés de harcèlement moral de la part de deux de ses supérieurs hiérarchiques, respectivement directeur des services techniques et technicien supérieur hospitalier, qui auraient formulé à son égard des " reproches permanents et des griefs infondés ", notamment en raison de retards récurrents dans l'exécution des tâches qui lui incombaient, les témoignages de trois anciens agents du CHSD, qui reprochent au directeur des services techniques un " management agressif " et des " méthodes malsaines " que M. A... produit, et dont un seul mentionne sa situation, ne sont pas suffisants pour faire présumer l'existence d'actes de harcèlement. Les plaintes déposées contre ses supérieurs hiérarchiques, qui ont été classées sans suite pour " infraction insuffisamment caractérisée ", et la demande préalable présentée par M. A... lui-même le 18 juillet 2019 ne peuvent pas davantage faire présumer l'existence de tels actes.

5. Si M. A... fait aussi état des nombreux rapports disciplinaires qui ont été rédigés à son encontre par ses deux supérieurs hiérarchiques à partir de 2016, et des sanctions dont il a fait l'objet à plusieurs reprises après avis du conseil de discipline du CHSD, et conteste les faits qui les ont motivées, il résulte des pièces produites par le CHSD, notamment de nombreux courriels, qu'il ne réalisait pas, ou seulement avec retard, en dépit de relances, certaines tâches qui lui incombaient, et qu'il refusait régulièrement de prendre en compte les instructions de sa hiérarchie, en s'abstenant de se présenter à certaines réunions où sa présence avait été requise. S'il se prévaut également de la dégradation de sa notation, il résulte de l'instruction que ses fiches d'évaluation pour les années 2015 et 2016, qui n'ont pas été remplies par les deux supérieurs hiérarchiques qui se seraient livrés aux actes de harcèlement dont il fait état, comportaient déjà certaines appréciations négatives concernant la rapidité d'exécution des tâches demandées ainsi que le respect des instructions. Enfin, les circonstances qu'une journée de rémunération lui a été retenue en mars 2017 pour service non fait, qu'il n'a pas perçu son traitement pendant la durée de son exclusion temporaire de fonctions en décembre 2018, et que sa prime de fin d'année a été supprimée en 2019, ne sont pas non plus en lien avec les actes de harcèlement dont il fait état.

6. La circonstance que M. A... aurait dû travailler dans un ancien bloc opératoire non désamianté, n'est en tout état de cause pas établie.

7. Par ailleurs, le changement d'affectation de M. A..., décidé par la direction du groupement hospitalier de territoire en janvier 2019, dans le but de mettre un terme aux tensions persistantes avec ses supérieurs, qui s'inscrit dans les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique et ne peut être regardé comme une sanction déguisée, n'est pas de nature à faire présumer l'existence d'actes de harcèlement.

8. Enfin, si les documents médicaux que M. A... produit au dossier démontrent une altération de sa santé mentale, du fait d'un état dépressif, ils n'établissent pas que cette évolution serait la conséquence d'actes de harcèlement.

9. Il résulte de ce qui précède que les éléments fournis par le requérant ne sont pas de nature à démontrer l'existence de faits de harcèlement moral, et que M. A... n'est donc pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du CHSD qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par le CHSD sur le fondement de ces dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du CHSD présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au centre hospitalier de Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 24 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Bonifacj, présidente,

- M. Niollet, président-assesseur,

- M. Pagès, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 juillet 2024.

Le rapporteur,

J-C. NIOLLETLa présidente,

J. BONIFACJ

La greffière,

E. TORDO

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA03538


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA03538
Date de la décision : 09/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BONIFACJ
Rapporteur ?: M. Jean-Christophe NIOLLET
Rapporteur public ?: Mme NAUDIN
Avocat(s) : YAHIA AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 20/09/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-09;22pa03538 ?
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