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09/07/2024 | FRANCE | N°24PA01942

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 6ème chambre, 09 juillet 2024, 24PA01942


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :





M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 4 juillet 2022, par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné.

Par un jugement n° 2212403 du 13 décembre 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.





Procédure devant la Cour :



Par une requête, enregistrée le 29 avril 2024, M. A..., représenté pa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 4 juillet 2022, par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné.

Par un jugement n° 2212403 du 13 décembre 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 29 avril 2024, M. A..., représenté par Me Charles, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montreuil du 13 décembre 2023 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 4 juillet 2022, par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de renouveler sa carte de séjour temporaire, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être renvoyé à l'issue de ce délai ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour, ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour dans le délai d'un mois sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve pour Me Charles de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.

Il soutient que :

-l'arrêté attaqué est entaché d'un défaut de motivation et d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

-il méconnait les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

-il méconnait le droit au séjour du parent d'un enfant citoyen de l'Union européenne ;

-il méconnait les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

-il méconnait l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire méconnait les dispositions de l'article L. 611-3, 9°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration

- les arrêts de la Cour de justice de l'Union Européenne C-413/99 du 17 septembre 2002, C-200/02 du 19 octobre 2004, C-34/09 du 8 mars 2011, C-86/12 du 10 octobre 2013 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour administrative d'appel de Paris a admis M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale le 28 mars 2024.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Niollet,

- et les observations de Me Charles, pour M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant gambien né le 23 juin 1991 à Misera ba Mariama (Gambie), qui a déclaré être arrivé en France le 4 janvier 2018, a obtenu un titre de séjour pour raisons de santé valable du 29 janvier 2021 au 28 janvier 2022. Il a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 4 juillet 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office. Par un jugement du 13 décembre 2023, dont M. A... fait appel, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, en l'absence de tout élément nouveau, les moyens tirés de l'insuffisance de la motivation de l'arrêté attaqué et de l'absence d'examen approfondi de la demande de M. A... doivent être écartés, par adoption des motifs retenus par les premiers juges aux points 3 et 4 de leur jugement.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / (...) ". L'article R. 425-11 du même code dispose " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ".

4. Par un avis du 22 mars 2022, dont le préfet s'est approprié les termes, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a estimé que, si l'état de santé de M. A... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il pouvait, eu égard aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, y bénéficier d'un traitement approprié.

5. Il ressort en effet des certificats médicaux produits en première instance que M. A... souffre d'un diabète de type 1 nécessitant un traitement quotidien, consistant en quatre injections d'Abasaglar et de Novorapid (insuline). M. A... fait valoir qu'il ne peut, en aucun cas, obtenir ce traitement dans son pays d'origine, et que l'interruption de son traitement pourrait entrainer pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité. A l'appui de ses affirmations, le requérant produit deux certificats médicaux, des comptes rendus d'hospitalisation et des ordonnances. Toutefois, si ces éléments confirment la gravité des conséquences que pourrait avoir pour M. A... l'interruption de son traitement, ils n'établissent pas qu'il ne pourrait recevoir un traitement approprié dans son pays. Or, ni le rapport mondial sur le diabète, établi par l'organisation mondiale de la santé (OMS) en 2016, relatif à la prise en charge du diabète à travers le monde, ni les autres documents généraux émanant de l'OMS que M. A... produit, ne permettent d'apprécier sa situation personnelle, et de retenir qu'il ne pourrait accéder aux soins que son état de santé requiert. Ainsi, les éléments dont se prévaut M. A... ne permettent pas de remettre en cause l'appréciation portée par le collège de médecins de l'OFII, puis par le préfet de la Seine-Saint-Denis, sur la disponibilité effective en Gambie d'un traitement approprié à son état de santé. Dans ces conditions, le moyen tiré d'une violation de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 233-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les citoyens de l'Union européenne ont le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'ils satisfont à l'une des conditions suivantes : 1° Ils exercent une activité professionnelle en France ; 2° Ils disposent pour eux et pour leurs membres de famille de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie (...) ". Aux termes de l'article L. 233-2 du même code : " Les ressortissants de pays tiers, membres de famille d'un citoyen de l'Union européenne satisfaisant aux conditions énoncées aux 1° ou 2° de l'article L. 233-1, ont le droit de séjourner sur le territoire français pour une durée supérieure à trois mois (...) ". Aux termes de l'article L. 233-5 de ce code : " (...) les ressortissants de pays tiers mentionnés aux articles L. 200-4 ou L. 200-5 âgés de plus de dix-huit ans ou, lorsqu'ils souhaitent exercer une activité professionnelle, d'au moins seize ans, doivent être munis d'un titre de séjour. Ce titre, dont la durée de validité correspond à la durée de séjour envisagée du citoyen de l'Union européenne qu'il accompagne ou rejoint dans la limite de cinq années, porte la mention " Carte de séjour de membre de la famille d'un citoyen de l'Union " et donne à son titulaire le droit d'exercer une activité professionnelle ".

7. M. A... qui ne soutient pas avoir demandé une carte de séjour de membre de la famille d'un citoyen de l'Union, ne saurait utilement invoquer le droit de séjour qu'il tient des dispositions des articles 20 et 21 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et de l'article 7 de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, notamment dans les arrêts visés ci-dessus.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

9. M. A... soutient que le centre de ses intérêts privés et familiaux se trouve en France, qu'il y travaille et qu'il contribue à l'entretien et à l'éducation de ses deux enfants, âgés de 4 et de 5 ans. Néanmoins, il ressort des pièces du dossier que la compagne de M. A... ainsi que ses enfants sont de nationalité espagnole, et qu'aucune circonstance particulière ne fait obstacle à ce que leur vie familiale se poursuive en Espagne. Par suite, l'arrêté attaqué ne peut être regardé comme portant à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris, en méconnaissance des stipulations citées ci-dessus.

10. En cinquième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

11. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 9, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaitrait les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ne peut qu'être écarté.

12. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version alors applicable : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. "

13. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaitrait les dispositions précitées de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version alors applicable, ne peut qu'être écarté.

14. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, sa requête, y compris les conclusions à fin d'injonction et les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doit être rejetée.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 24 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Bonifacj, présidente,

- M. Niollet, président-assesseur,

- Mme d'Argenlieu, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 juillet 2024.

Le rapporteur,

J-C. NIOLLETLa présidente,

J. BONIFACJ

La greffière,

E. TORDO

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°24PA01942


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA01942
Date de la décision : 09/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BONIFACJ
Rapporteur ?: M. Jean-Christophe NIOLLET
Rapporteur public ?: Mme NAUDIN
Avocat(s) : CHARLES

Origine de la décision
Date de l'import : 20/09/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-09;24pa01942 ?
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