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07/08/2024 | FRANCE | N°23PA00031

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 8ème chambre, 07 août 2024, 23PA00031


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La Caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française :

- à titre principal, de décliner la compétence de la juridiction administrative pour connaître du litige relatif aux dix-neuf titres exécutoires qui lui ont été notifiés entre le 19 juillet et le 6 décembre 2013 pour un montant global de 625 971,07 euros, et aux commandements de payer portant sur des créances de l'Etat en matière de s

écurité sociale et à la décharge des sommes qui lui sont réclamées par l'Etat et de renvoyer l'af...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française :

- à titre principal, de décliner la compétence de la juridiction administrative pour connaître du litige relatif aux dix-neuf titres exécutoires qui lui ont été notifiés entre le 19 juillet et le 6 décembre 2013 pour un montant global de 625 971,07 euros, et aux commandements de payer portant sur des créances de l'Etat en matière de sécurité sociale et à la décharge des sommes qui lui sont réclamées par l'Etat et de renvoyer l'affaire au Tribunal des conflits ;

- à titre subsidiaire, d'annuler les huit décisions du 10 octobre 2014 par lesquelles l'administrateur général des finances publiques a rejeté les oppositions à exécution et à poursuites, formées les 17 et 20 juin 2014, sous les références " CS-UPUSP-14-00 " : 3095/mr, 3096/mr, 3097/mr, 3098/mr, 3099/mr, 3100/mr, 3102/mr et 3156/mr, et de prononcer la décharge des sommes poursuivies par l'Etat.

Par un jugement n° 2200003 du 29 septembre 2022, le tribunal administratif de la Polynésie française a :

- annulé les huit décisions du 10 octobre 2014 de l'administrateur général des finances publiques en tant qu'il a rejeté les oppositions à exécution formées par la Caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française les 17 et 20 juin 2014 sous les références " CS-UPUSP-14-00 " : 3095/mr, 3096/mr, 3097/mr, 3098/mr, 3099/mr, 3100/mr, 3102/mr et 3156/mr " ;

- rejeté les conclusions de la Caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française à fin de décharge des sommes poursuivies par l'Etat ;

- renvoyé au Tribunal des conflits les conclusions de la demande dirigées contre les décisions du 10 octobre 2014 de l'administrateur général des finances publiques en tant qu'il a rejeté les oppositions à poursuites formées par la Caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française et sursis à statuer sur ces conclusions jusqu'à ce que le Tribunal des conflits ait tranché la question de savoir quel était l'ordre de juridictions compétent pour statuer sur lesdites conclusions.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 janvier 2023, la Caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française, représentée par la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, demande à la cour :

1°) d'annuler les articles 1er et 2 du jugement du 29 septembre 2022 du tribunal administratif de la Polynésie française ;

2°) de décliner la compétence de la juridiction administrative et de renvoyer au Tribunal des conflits, par application de l'article 32 du décret du 27 février 2015, le soin de décider sur la question de compétence concernant le litige portant sur les décisions du 10 octobre 2014 de l'administrateur général des finances publiques en tant qu'il a rejeté les oppositions à exécution qu'elle avait formées les 17 et 20 juin 2014 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les créances en litige constituent des créances de sécurité sociale dès lors qu'elles correspondent à des prestations en nature servies par la caisse, personne morale de droit privé chargée d'une mission de service public, prestations pour lesquelles l'État est subrogé aux droits de l'assuré social ; le juge judiciaire est ainsi compétent pour connaître du litige portant sur de telles créances.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 juin 2024, le ministre des armées conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable pour défaut d'intérêt à agir de la Caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française qui a obtenu satisfaction devant le tribunal administratif ;

- le moyen soulevé par la requérante n'est pas fondé.

La requête a été communiquée au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par une ordonnance du 6 mai 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 14 juin 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son article 74 ;

- la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 ;

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;

- le code de l'aviation civile ;

- le décret n° 80-909 du 17 novembre 1980 ;

- le décret n° 83-927 du 21 octobre 1983 ;

- l'arrêté du 3 juin 1965 relatif aux transports aériens par moyens militaires ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Larsonnier,

- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Le 9 juillet 2001, le ministre de la défense, représenté par le commandant supérieur des forces armées en Polynésie française, le président du gouvernement de la Polynésie française, la Caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française (CPS) et la commune de Rapa ont signé une convention concernant les modes d'utilisation en transport sanitaire des aéronefs de la défense présents en Polynésie française. Cette convention prévoyait notamment que le coût des évacuations sanitaires d'urgence effectuées par ces aéronefs, à défaut de moyens civils disponibles, était pris en charge par la CPS. Conclue pour une période d'un an à compter du 1er janvier 2001, et tacitement reconductible un an, elle est arrivée à expiration le 31 décembre 2002. Postérieurement à l'expiration de la convention, les évacuations sanitaires réalisées par des aéronefs de la défense se sont poursuivies. En 2013, la direction du commissariat des forces armées en Polynésie française, relevant du ministère de la défense, a adressé à la CPS les factures correspondant aux coûts des évacuations sanitaires réalisées entre le 10 novembre 2010 et le 6 novembre 2012. A défaut de règlement, la direction du commissariat des forces armées en Polynésie française lui a notifié, entre le 19 juillet et le 6 décembre 2013, dix-neuf titres de perception pour un montant global de 625 971,07 euros. Les 27 mars et 16 avril 2014, le comptable public de la direction des finances publiques de la Polynésie française lui a adressé dix-neuf commandements de payer en vue du recouvrement de cette somme, augmentée d'une majoration de 10 % pour retard et des frais de poursuite. Par courriers des 17 et 20 juin 2014, le directeur de la CPS a formé opposition aux titres de perception d'une part et aux commandements de payer d'autre part. Ses réclamations ont été rejetées par huit décisions du 10 octobre 2014 de l'administrateur général des finances publiques.

2. La CPS a saisi la juridiction judiciaire en contestation de la validité des titres de perception et de la régularité des actes de poursuites. Par arrêt du 3 juin 2021 (pourvoi n° 19-23.724), la Cour de cassation a déclaré les juridictions judiciaires incompétentes pour connaître des demandes de la CPS aux fins d'annulation des titres exécutoires et commandements de payer et de décharge des sommes litigieuses, et a invité les parties à mieux se pourvoir. Par un jugement du 29 septembre 2022, le tribunal administratif de la Polynésie Française a annulé les huit décisions du 10 octobre 2014 de l'administrateur général des finances publiques en tant qu'il a rejeté les oppositions à exécution formées par la CPS les 17 et 20 juin 2014, rejeté les conclusions de la CPS à fin de décharge des sommes poursuivies par l'Etat et renvoyé au Tribunal des conflits les conclusions de la demande dirigées contre les décisions de l'administrateur général des finances publiques en tant qu'il a rejeté les oppositions à poursuites formées par la CPS et sursis à statuer sur ces conclusions jusqu'à ce que le Tribunal des conflits ait tranché la question de savoir quel était l'ordre de juridictions compétent pour statuer sur ces conclusions. La CPS relève appel de ce jugement en tant que le tribunal s'est reconnu compétent pour statuer sur les conclusions à fin d'annulation des décisions du 10 octobre 2014 de l'administrateur général des finances publiques portant rejet des oppositions à exécution et sur les conclusions à fin de décharge des sommes poursuivies par l'Etat.

Sur l'exception d'incompétence de la juridiction administrative :

3. Aux termes de l'article 3 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances : " Les ressources budgétaires de l'Etat comprennent : / (...) 2° (...) les rémunérations des services rendus par lui (...) ".

4. Aux termes de l'article 1er du décret du 21 octobre 1983 fixant les conditions de remboursement de certaines dépenses supportées par les armées, applicable à l'espèce : " Sans préjudice des cas où des dispositions législatives ou réglementaires prévoient un régime financier particulier pour la participation des armées à des tâches d'intérêt général, toute personne morale autre que l'Etat ou toute personne physique qui obtient la participation de moyens militaires, pour des tâches ne relevant pas directement des missions spécifiques des armées, est tenue de rembourser à l'Etat, dans les conditions prévues au présent décret, le montant des dépenses engagées pour leur exécution. /Les tâches mentionnées à l'alinéa précédent comprennent notamment : la mise à disposition de matériel avec ou sans personnel, le soutien et l'encadrement de manifestations à caractère sportif ou culturel. /Les modalités d'exécution technique et financière du concours apporté par les armées sont déterminées par une convention conclue entre le ministre de la défense et les bénéficiaires de ces prestations ". Aux termes de l'article 2 de ce décret : " Le remboursement est déterminé en tenant compte : /1° Des dépenses courantes telles que : / Soldes, traitements, accessoires de soldes ou de traitements et indemnités ; / Primes d'alimentation ; /Frais d'amortissement du matériel. / 2° Des dépenses supplémentaires résultant directement de la nature de l'activité ou de la prestation fournie telles que : /Majorations de solde, de traitement ou d'indemnité prévues par la réglementation ; / Majorations des primes d'alimentation ; / Frais de déplacement et de transport ; / Dépenses spéciales d'instruction ; / Dépenses de carburants, ingrédients et lubrifiants ; /Une quote-part des dépenses d'entretien et de réparation des matériels mis en œuvre ; /Dépenses du service des transmissions ; / Dépenses de réparation des dommages causés aux tiers ainsi qu'aux personnels et biens meubles et immeubles des armées ".

5. Aux termes de l'article R. 351-2 du code de l'aviation civile : " Dans le cas exceptionnel où des transports aériens par moyens militaires seraient effectués au profit soit de personnes privées, soit de services publics ne relevant pas du ministère chargé de la défense, ces transports donnent lieu à remboursement dans des conditions fixées par un arrêté pris par le ministre chargé de la défense et le ministre chargé du budget. (...) ". Aux termes du II de l'article 9 du décret du 17 novembre 1980 portant révision du code de l'aviation civile : " Les articles (...), R. 351-2 insérés dans le Code de l'aviation civile par le présent décret (...) sont étendus aux territoires d'outre-mer ". Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 3 juin 1965 relatif aux transports aériens par moyens militaires applicables à l'espèce : " Les transports aériens par moyens militaires, effectués au profit des services publics ou de personnes privées extérieures au département des armées doivent faire l'objet d'une demande, établie par l'administration publique qui y est intéressée, ou qui estime devoir prêter son appui à des personnes privées ". Aux termes de l'article 12 de cet arrêté : " Les remboursements effectués par les administrations dans les conditions prévues à l'article précédent et les recettes provenant des versements directs des personnes privées pour acquitter le prix de leur transport sont affectés à la ligne de recettes " Recettes des transports aériens par moyens militaires " et au compte " Dépenses des ministères à annuler par suite de reversement de fonds " respectivement à raison de 30 et 70 p. 100 du prix prévu au tarif pour le transport considéré. (...) ".

6. Il résulte des dispositions de l'article 1er du décret du 21 octobre 1983, de l'article R. 351-2 du code de l'aviation civile, applicable à la Polynésie française en vertu de l'article 9 du décret du 17 novembre 1980 portant révision du code de l'aviation civile, ainsi qu'il a été dit au point précédent, et des articles 1er et 12 de l'arrêté du 3 juin 1965 relatif aux transports aériens par moyens militaires, citées aux points 4 et 5, que la rémunération due en contrepartie de transports sanitaires en cas d'urgence par des aéronefs militaires effectués au profit de personnes privées ou d'autres services publics a la nature d'une rémunération pour services rendus par l'Etat. Ainsi, les créances en litige, portant sur des rémunérations pour services rendus de l'Etat, qui ne saurait être regardé comme agissant tel un prestataire privé contrairement à ce que soutient la requérante, constituent des créances de nature administrative, non fiscales. La circonstance que la délibération n° 74-22 du 14 février 1974 instituant un régime d'assurance maladie invalidité au profit des travailleurs salariés, la délibération n° 94-170 AT du 29 décembre 1994 instituant le régime d'assurance maladie des personnes non-salariées et la délibération n° 95-262 AT du 20 décembre 1995 instituant et modifiant les conditions du risque maladie des ressortissants du régime de solidarité territorial prévoient que les frais de transports des assurés sociaux sont pris en charge par la CPS est sans incidence sur la nature des créances de l'Etat en litige dès lors que ces créances sont nées des relations entre l'Etat et la CPS en vue d'assurer le transport en cas d'urgence sanitaire des assurés sociaux de la CPS et ne concernent donc pas directement les relations entre les assurés sociaux et la CPS régies par ces délibérations. Par suite, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Tribunal des conflits, par application de l'article 32 du décret n° 2015-233 du 27 février 2015, le soin de décider sur la question de compétence soulevée, la juridiction administrative est compétente pour connaître de la contestation par la CPS des titres de perception émis par la direction du commissariat des forces armées en Polynésie française pour le recouvrement des sommes correspondant à la rémunération due en contrepartie de transports sanitaires effectués par des aéronefs de la Défense au profit de la CPS, entre le 10 novembre 2010 et le 6 novembre 2012.

7. La CPS n'a soulevé devant la cour qu'un moyen unique tiré de l'erreur commise par le tribunal sur la compétence de la juridiction administrative, moyen qui, comme il vient d'être dit, doit être écarté. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de la requête opposée par le ministre des armées, que la CPS n'est pas fondée à se plaindre de ce que le tribunal administratif de la Polynésie française s'est estimé compétent pour annuler les huit décisions du 10 octobre 2014 de l'administrateur général des finances publiques portant rejet des oppositions à exécution formées les 17 et 20 juin 2014 et pour rejeter ses conclusions à fin de décharge des sommes poursuivies par l'Etat.

Sur les frais liés à l'instance :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à la CPS la somme qu'elle sollicite au titre des frais exposés dans l'instance.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la Caisse de prévoyance sociale de la Polynésie est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la Caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française, au haut-commissaire de la République en Polynésie française, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et au ministre des armées.

Délibéré après l'audience du 4 juillet 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Menasseyre, présidente de chambre,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- Mme Larsonnier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 août 2024.

La rapporteure,

V. Larsonnier La présidente,

A. Menasseyre

Le greffier

P. Tisserand

La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23PA00031 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA00031
Date de la décision : 07/08/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MENASSEYRE
Rapporteur ?: Mme Virginie LARSONNIER
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : SCP DUHAMEL

Origine de la décision
Date de l'import : 18/08/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-08-07;23pa00031 ?
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