Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société anonyme Axa France a demandé au tribunal administratif de Montreuil de condamner l'Etat à lui verser une somme de 154 672 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 23 juillet 2019 avec capitalisation, en sa qualité de subrogée dans les droits de son assurée, la société BNP Paribas, " propriétaire " d'un immeuble ayant fait l'objet de dégradations commises à l'occasion d'une manifestation qui s'est déroulée le 11 février 2017.
Par un jugement n° 2110075 du 9 mars 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 5 mai 2023, la société anonyme Axa France, représentée par Me Phelip, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 2110075 du 9 mars 2023 du tribunal administratif de Montreuil ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 154 672 euros portant intérêts au taux légal à compter du 23 juillet 2019 avec capitalisation ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la responsabilité de l'Etat est engagée à l'égard de son assurée, la société BNP Paribas, sur le fondement des dispositions de l'article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure, au titre de dégradations de biens et vols survenus de façon spontanée, en marge d'une manifestation qui s'est déroulée le 11 février 2017 ; la préfecture de la Seine-Saint-Denis a reconnu le principe d'une responsabilité en acceptant d'indemniser l'exploitant d'un autre établissement situé dans la zone au titre de dommages causés à l'occasion de la même manifestation ; en tout état de cause, ces désordres n'ont pu avoir lieu qu'en raison de la défaillance des autorités de police qui n'ont pas mis en œuvre les moyens nécessaires afin de les éviter ;
- par les pièces qu'elle produit, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, elle établit être subrogée dans les droits de son assurée, conformément aux dispositions des articles L. 121-1 du code des assurances et 1251 du code civil à hauteur d'une somme de 152 752 euros versée en réparation des dommages, outre celle de 1 920 euros correspondant aux frais d'expertise, qu'elle établit avoir versés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 mars 2024, le préfet de la Seine-Saint-Denis conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Axa France au titre des frais de l'instance.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des assurances ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Jayer,
- et les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. La société BNP Paribas exploite une agence bancaire et d'assurances située 1/3 et 5/7 promenade Jean Rostand à Bobigny (Seine-Saint-Denis), dont est propriétaire la société Accimmo Pierre. Son assureur, la société Axa France, a saisi l'Etat d'une demande tendant au paiement de la somme totale de 154 672 euros, versée à son assurée en réparation de dommages occasionnés dans ces locaux dans la nuit du 11 au 12 février 2017. Elle relève appel du jugement du 9 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande de condamnation de l'Etat à lui verser cette somme.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 121-12 du code des assurances : " L'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur (...) ". Il appartient à l'assureur qui demande à bénéficier de la subrogation prévue par ces dispositions législatives de justifier par tout moyen du paiement d'une indemnité à son assuré, de l'encaissement effectif de l'ensemble des sommes qu'il a réglées en application du contrat d'assurance et de fournir des explications précises et circonstanciées mettant le tribunal à même d'apprécier la subrogation prévue par les dispositions de l'article L. 121-12 du code des assurances ainsi que la correspondance entre les diverses sommes exposées et les prétentions indemnitaires au titre de la subrogation. Cette preuve doit être apportée au plus tard à la date de la clôture de l'instruction.
3. Pour établir le paiement de la somme de 154 762 euros qu'elle soutient avoir versée au propriétaire des locaux occupés par un établissement de la société BNP, objet d'un contrat d'assurance conclu avec cette dernière et assuré par ses soins, la société requérante ne justifie pas d'une quittance subrogatoire portant acceptation sans réserve de l'indemnité proposée valant quittance définitive. Elle se borne à produire les copies de trois chèques établis les 20 décembre 2018, 28 mars et 18 juin 2019 à l'ordre de la société Accimmo Pierre, pour des montants respectifs de 30 000, 30 000 et 92 752,14 euros, outre un document intitulé " éléments financiers : règlements sinistre 2929954673 " correspondant à une extraction de logiciel, qui mentionne que ces chèques ont été " émis " mais ne comporte aucune mention relative à des dates d'encaissement. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que les sommes versées correspondent à l'objet du contrat d'assurance dommages souscrit au sens des stipulations de son article 2.1, à savoir des dommages matériels directement causés au patrimoine immobilier dont la société BNP Paribas est locataire, la moitié environ de la somme réclamée correspondant à des frais de gardiennage évalués à 75 307,84 euros et, les frais matériels, au remplacement de l'ordinateur et de l'écran de l'hôtesse d'accueil, de caméras de surveillance et d'installation de palissades dont il n'est au surplus pas établi qu'ils ont été exposés par le propriétaire des locaux exploités. Il est enfin constant que la somme réclamée ne correspond pas à celle fixée par l'expert. Enfin, l'encaissement par ce-dernier de la somme de 1 920 euros au titre des frais d'expertise amiable n'est pas davantage justifié. Par conséquent, faute pour la société Axa France d'établir être subrogée dans les droits de la société BNP Paribas, c'est à bon droit que le tribunal a écarté sa demande comme irrecevable.
Sur les frais liés à l'instance :
4. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, la somme réclamée par la société Axa France, au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a par ailleurs pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Axa France le versement à l'Etat d'une somme sur le même fondement.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Axa France est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le préfet de la Seine-Saint-Denis sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Axa France et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 17 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Bonifacj, présidente de chambre,
- M. Niollet, président-assesseur,
- Mme Jayer, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 octobre 2024.
La rapporteure,
M-D. JAYERLa présidente,
J. BONIFACJ
La greffière,
A. LOUNIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA01898