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03/10/2024 | FRANCE | N°23PA04340

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 6ème chambre, 03 octobre 2024, 23PA04340


Vu les autres pièces du dossier.



Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.



La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.



Les parties ont été régulièrement

averties du jour de l'audience.



Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme ...

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Jayer,

- et les observations de Me Ozeki, avocate de Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante burkinabé née le 1er décembre 1983, est entrée en France selon ses déclarations courant juin 2011. Le 4 juillet 2022, elle a sollicité son admission au séjour dans le cadre des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 26 janvier 2023, le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi en cas d'exécution de la mesure d'éloignement. Mme A... relève appel du jugement du 20 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Dans le cadre de l'effet dévolutif, le juge d'appel, qui est saisi du litige, se prononce non sur les motifs du jugement de première instance mais directement sur les moyens mettant en cause la régularité et le bien-fondé de la décision en litige. Par suite, Mme A... ne peut utilement soutenir que les premiers juges ont entaché leur jugement d'erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions des articles L. 435-1 et L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour en obtenir l'annulation.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

3. En premier lieu, aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14 ".

4. Afin d'établir qu'elle résidait en France depuis plus de dix ans à la date de la décision contestée, Mme A... produit principalement des bulletins de salaire et autres pièces relatives à la formation ou l'exercice d'une activité professionnelle ou encore à des activités de bénévole, des attestations d'accompagnement, des attestations de présence ou d'hébergement, des pièces de nature médicale ou relatives à l'assurance maladie, des courriers de l'assurance maladie, des relevés bancaires de 2011 à 2023. Toutefois, ainsi que l'ont estimé les premiers juges et en l'absence de pièces complémentaires en cause d'appel, elle ne produit aucun justificatif établissant sa présence en France entre le 30 janvier et le 11 décembre 2014, en conséquence de quoi les pièces produites ne suffisent pas à établir sa résidence habituelle et continue sur le territoire français au titre de la période concernée. Le préfet de police n'était, dès lors, pas tenu de saisir la commission du titre de séjour et le moyen tiré d'un vice de procédure doit, par suite, être écarté.

5. En deuxième lieu, aux termes aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié", "travailleur temporaire" ou "vie privée et familiale", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 (...) ".

6. En présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'autorité administrative doit d'abord vérifier si des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels justifient la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale ", ensuite, en cas de motifs exceptionnels, si la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " est envisageable.

7. Il ressort des énonciations de l'arrêté contesté que le préfet a estimé que, Mme A... n'établissant pas souscrire à la condition d'ancienneté de résidence en France depuis plus de dix ans, l'examen de l'ensemble de sa situation ne relevaient pas de motifs exceptionnels ou de considérations humanitaires permettant une admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Les éléments relatifs à sa situation en France dont fait état la requérante, à savoir : sa durée de présence, son intégration professionnelle et sociale et son état de santé -non invoqué dans la demande de titre- ne caractérisent pas des motifs exceptionnels justifiant que lui soit délivrée une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au titre des dispositions précitées. Par suite, en refusant de délivrer un titre de séjour à Mme A..., sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de police n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation de la situation de l'intéressée.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

8. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français (...) : 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ". Aux termes de l'article R. 611-1 du même code : " Pour constater l'état de santé de l'étranger mentionné au 9° de l'article L. 611-3, l'autorité administrative tient compte d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) " et aux termes de l'article R. 611-2 dudit code : " L'avis mentionné à l'article R. 611-1 est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu : / 1° D'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement l'étranger ou un médecin praticien hospitalier ; / 2° Des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ".

9. Il résulte de ces dispositions que dès lors qu'elle dispose d'éléments d'informations suffisamment précis permettant d'établir qu'un étranger, résidant habituellement en France, présente un état de santé susceptible de le faire entrer dans la catégorie des étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, l'autorité préfectorale doit, lorsqu'elle envisage de prendre une telle mesure à son égard, et alors même que l'intéressé n'a pas sollicité le bénéfice d'une prise en charge médicale en France, recueillir préalablement l'avis du collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII).

10. Au cas d'espèce, aucune pièce versée aux débats ne permet d'établir que Mme A..., ainsi qu'il a été dit, qui s'est bornée à solliciter son admission au séjour en invoquant uniquement sa présence en France pendant plus de dix ans sans faire état de son état de santé, aurait porté à la connaissance du préfet des éléments d'information permettant d'établir qu'elle présentait un état de santé susceptible de la faire relever de la catégorie, prévue au 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, des étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français. La requérante n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que la mesure d'éloignement litigieuse a été édictée à l'issue d'une procédure irrégulière, faute de saisine préalable du collège de médecins de l'OFII.

11. Par ailleurs, l'ordonnance médicale du 7 mars 2023, postérieure à la décision contestée, ainsi que les trois certificats médicaux dont elle se prévaut, dont le dernier est également postérieur à l'arrêté, ne sont pas de nature à établir qu'elle ne pourrait notamment bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Par suite, le moyen doit être écarté.

12. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ". Il ressort des pièces du dossier que Mme A... est entrée pour la première fois en France à l'âge de 28 ans et que, célibataire et sans enfant, ses parents résident dans son pays d'origine. Si la requérante justifie avoir tenté de s'insérer et se prévaut de sa présence en France depuis plusieurs années, elle n'apporte cependant aucun élément de nature à établir la réalité des liens personnels et familiaux sur le territoire national et sa situation était précaire à la date de la décision contestée. A cet égard, la circonstance qu'elle a suivi plusieurs stages de formation professionnelle et qu'elle s'est investie dans des activités associatives ne suffit pas à justifier qu'elle aurait établi le centre de ses intérêts privés et familiaux en France et elle ne démontre pas une insertion sociale particulière. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences du refus de titre de séjour sur sa situation personnelle, doivent être écartés.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 janvier 2023 du préfet de police. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au versement d'une somme sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent être accueillies.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 17 septembre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Bonifacj, présidente de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- Mme Jayer, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 octobre 2024.

La rapporteure,

M-D. JAYERLa présidente,

J. BONIFACJ

La greffière,

A. LOUNIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA04340


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA04340
Date de la décision : 03/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BONIFACJ
Rapporteur ?: Mme Marie-Dominique JAYER
Rapporteur public ?: Mme NAUDIN
Avocat(s) : OZEKI

Origine de la décision
Date de l'import : 06/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-03;23pa04340 ?
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