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03/10/2024 | FRANCE | N°24PA01245

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 1ère chambre, 03 octobre 2024, 24PA01245


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société civile d'exploitation agricole Manuarii et la société en nom collectif Galliot et Cie ont demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'annuler l'arrêté du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie n° 2023-1539/GNC du 28 juin 2023 définissant les conditions de reconnaissance d'une zone sinistrée par un cyclone ou une dépression tropical forte.



Par un jugement n° 2300440 du 14 décembre 2023, le tribunal administratif de Nouvelle

-Calédonie a annulé l'arrêté contesté.



Procédure devant la Cour :



I. Par une re...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile d'exploitation agricole Manuarii et la société en nom collectif Galliot et Cie ont demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'annuler l'arrêté du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie n° 2023-1539/GNC du 28 juin 2023 définissant les conditions de reconnaissance d'une zone sinistrée par un cyclone ou une dépression tropical forte.

Par un jugement n° 2300440 du 14 décembre 2023, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a annulé l'arrêté contesté.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête enregistrée le 14 mars 2024 sous le n° 24PA01245 et un mémoire ampliatif enregistré le 16 avril 2024, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, représenté par la société civile professionnelle d'avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation Meier-Bourdeau Lécuyer et associés, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2300440 du 14 décembre 2023 du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;

2°) de rejeter la demande présentée devant le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie par la société civile d'exploitation agricole Manuarii et la société en nom collectif Galliot et Cie ;

3°) de mettre à la charge de la société civile d'exploitation agricole Manuarii et la société en nom collectif Galliot et Cie le versement d'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les premiers juges ont commis une erreur de droit en subordonnant la définition du caractère exceptionnel de cyclones ou de dépressions tropicales fortes à l'existence des dégâts effectifs prévus à l'article 5 de la délibération n° 71/CP du 10 octobre 1990.

Par ordonnance du 13 mai 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 4 juillet 2024 à 12 heures.

Le 22 août 2024, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la décision de la Cour était susceptible d'être fondée sur le moyen, relevé d'office, tiré de ce que, en édictant les dispositions de l'arrêté litigieux, qui constituent une mesure réglementaire de mise en œuvre du 1) de l'article 5 de la délibération n° 71/CP du 10 octobre 1990, sans y avoir été préalablement habilité par une quelconque délibération du congrès ou de sa commission permanente en méconnaissance de l'article 126 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a excédé sa compétence et a ainsi entaché l'arrêté litigieux d'une illégalité de nature à conduire à son annulation.

Le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a présenté, le 4 septembre 2024, des observations en réponse à la communication faite aux parties en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative. Il fait valoir qu'il n'a pas outrepassé l'habilitation qu'il tenait de la délibération n° 71/CP du 10 octobre 1990, mais au contraire pleinement respecté sa compétence.

Un mémoire en défense a été produit le 5 septembre 2024, soit postérieurement à la date de clôture de l'instruction, par Me Pieux pour La société civile d'exploitation agricole Manuarii et la société en nom collectif Galliot et Cie ; il n'a pas été analysé ni communiqué.

II. Par une requête enregistrée le 16 avril 2024 sous le n° 24PA01763, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, représenté par la société civile professionnelle d'avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation Meier-Bourdeau Lécuyer et associés, demande à la Cour, sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, qu'il soit sursis à l'exécution du jugement n° 2300440 du 14 décembre 2023 du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie.

Il soutient que le moyen retenu par le tribunal n'est pas fondé, que les autres moyens articulés devant les premiers juges ne sont pas fondés et que l'exécution du jugement aurait des conséquences difficilement réparables.

La requête a été communiquée à la société civile d'exploitation agricole Manuarii et à la société en nom collectif Galliot et Cie, qui n'ont pas présenté d'observations en défense.

Par ordonnance du 13 mai 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 4 juillet 2024 à 12 heures.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la loi organique n° 99-209 et la loi n° 99-210 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie ;

- la délibération n° 71/CP du 10 octobre 1990 relative aux conditions d'intervention de la Nouvelle-Calédonie en vue de l'indemnisation des exploitants agricoles victimes de calamités agricoles ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les conclusions de M. Gobeill, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie relève appel du jugement du 14 décembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, saisi à cette fin d'un recours pour excès de pouvoir de la société civile d'exploitation agricole Manuarii et de la société en nom collectif Galliot et Cie, a annulé son arrêté n° 2023-1539/GNC du 28 juin 2023 définissant les conditions de reconnaissance d'une zone sinistrée par un cyclone ou une dépression tropical forte ; il demande également à la Cour de prononcer le sursis à l'exécution de ce jugement.

2. Les requêtes n° 24PA01245 et n° 24PA01763 sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a donc lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt.

3. Dès lors qu'il est statué au fond sur les conclusions de la requête n° 24PA01245, il n'y a plus lieu de statuer sur celles, à fins de sursis à exécution du jugement attaqué, de la requête n° 24PA01763.

4. D'une part, aux termes de l'article 126 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie : " Le gouvernement prépare et exécute les délibérations du congrès et de sa commission permanente. Il prend, sur habilitation du congrès ou de sa commission permanente, les arrêtés réglementaires nécessaires à la mise en oeuvre de leurs actes ".

5. D'autre part, l'article 1er de la délibération n° 71/CP du 10 octobre 1990 relative aux conditions d'intervention de la Nouvelle-Calédonie en vue de l'indemnisation des exploitants agricoles victimes de calamités agricoles dispose que : " La Nouvelle-Calédonie pourra contribuer à l'indemnisation des dommages causés aux exploitants ou exploitations agricoles par les accidents climatiques exceptionnels. Ces interventions seront mises en oeuvre dans les conditions suivantes : ". Aux termes de l'article 5 de la même délibération : " Art. 5. - Peuvent être reconnus comme calamités agricoles, sur une zone déterminée, les accidents climatiques suivants, au regard des dégâts qu'ils ont provoqués sur l'activité agricole de cette zone : / 1) les cyclones et les dépressions tropicales fortes ; / 2) les épisodes pluvieux d'intensité exceptionnelle ; le caractère exceptionnel des précipitations est apprécié sur une période d'au plus trois jours consécutifs ; la reconnaissance du caractère exceptionnel des précipitations est proposée par la commission des calamités agricoles au vu du rapport du service de la météorologie et sur la base des critères de récurrence arrêtés par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie ; / 3) les dégâts provoqués par des débordements de cours d'eau survenus entre avril et novembre ; / 4) les épisodes venteux d'intensité exceptionnelle ou les phénomènes d'embruns d'intensité exceptionnelle en zone côtière, lorsque ces épisodes ou phénomènes surviennent entre avril et novembre ; le caractère exceptionnel des vents prend en compte les critères de vitesse arrêtés par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie ; la reconnaissance du caractère exceptionnel des vents ou des embruns est proposée par la commission des calamités agricoles au vu du rapport du service de la météorologie. / Le caractère de calamité agricole du phénomène naturel considéré est constaté par arrêté du gouvernement la Nouvelle-Calédonie. ".

6. L'article 1er de l'arrêté du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie n° 2023-1539/GNC du 28 juin 2023, dont le jugement attaqué a prononcé l'annulation, disposait que : " Une zone est reconnue sinistrée par un cyclone ou une dépression tropicale forte dès lors que la hauteur des pluies tombées, sur un maximum de trois jours consécutifs, présente une durée de retour d'au moins cinq ans et/ou dès lors que la vitesse du vent estimée en rafale est supérieure ou égale à 100 km/heure. ". En édictant ces dispositions, qui constituent une mesure réglementaire de mise en œuvre du 1) de l'article 5 précité de la délibération n° 71/CP du 10 octobre 1990, et alors que les cyclones et les dépressions tropicales fortes constituent une catégorie d'accidents climatique distincte de celles mentionnées aux 2) à 4) dudit article, sans y avoir été préalablement habilité par une quelconque délibération du congrès ou de sa commission permanente, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a excédé sa compétence et a ainsi entaché l'arrêté litigieux d'une illégalité de nature à conduire à son annulation.

7. Il résulte de tout ce qui précède que le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie n'est pas fondé à se plaindre que c'est à tort que le tribunal administratif a, par le jugement attaqué, annulé son arrêté n° 2023-1539/GNC du 28 juin 2023. Ses conclusions d'appel tendant à l'annulation dudit jugement et au rejet de la demande d'annulation dudit arrêté doivent donc être rejetées ainsi que, par voie de conséquence dès lors qu'il succombe à l'instance, celles fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 24PA01763 du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.

Article 2 : Les conclusions de la requête n° 24PA01245 du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, à la société civile d'exploitation agricole Manuarii, à la société en nom collectif Galliot et Cie et, en application de l'article R. 751-8-2 du code de justice administrative, au président du congrès de la Nouvelle-Calédonie.

Copie en sera adressée au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie aux fins de mise en œuvre des dispositions de l'article R. 751-13 du même code et à la caisse d'assurances mutuelles agricoles contre les calamités naturelles d'origine climatique.

Délibéré après l'audience du 12 septembre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- M. Stéphane Diémert, président-assesseur,

- Mme Irène Jasmin-Sverdlin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 octobre 2024.

Le rapporteur,

S. A...Le président,

I. LUBEN

La greffière,

Y. HERBER

La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°s 24PA01245, 24PA01763


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24PA01245
Date de la décision : 03/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: M. Stéphane DIEMERT
Rapporteur public ?: M. GOBEILL
Avocat(s) : PIEUX

Origine de la décision
Date de l'import : 06/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-03;24pa01245 ?
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