Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 7 avril 2023 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français.
Par un jugement n° 2317076/6-3 du 16 novembre 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 30 novembre 2023 et le 10 juillet 2024, Mme B..., représentée par Me Megherbi, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 16 novembre 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 7 avril 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer sans délai un certificat de résidence en qualité d'étranger malade, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 400 euros sur le fondement
de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :
- elle méconnaît les stipulations de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien ;
- elle méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 juin 2024, le préfet de police conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bories,
- et les observations de Me Megherbi, représentant Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... B..., ressortissante algérienne née le 28 mai 1994, est entrée en France le 10 septembre 2019 sous couvert d'un visa de type D. Elle a sollicité, le 10 octobre 2022, la délivrance d'un certificat de résidence pour soins. Par un arrêté du 7 avril 2023, le préfet de police a rejeté sa demande de titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Par un jugement n° 2317076/6-3 du 16 novembre 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Mme B... demande l'annulation de ce jugement.
2. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays ".
3. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un accès effectif à un traitement approprié dans le pays de renvoi. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dont il peut effectivement bénéficier dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
4. Pour prendre la décision en litige, le préfet de police s'est notamment fondé sur l'avis du 6 mars 2023 du collège de médecins de l'OFII, lequel a estimé que si l'état de santé de Mme B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont elle est originaire, y bénéficier d'un traitement approprié.
5. Pour contester cette appréciation, Mme B... fait valoir qu'elle est atteinte d'épilepsie mal contrôlée et qu'elle bénéficie en France d'un traitement médicamenteux quotidien spécifique, constitué des spécialités Lamical et Vimpat, qui ne sont pas disponibles en Algérie. La requérante fournit à cet effet deux attestations de pharmaciens algériens établis à Tizi-Ouzou, lesquelles indiquent que le Vimpat (Lacosamide) n'est pas disponible dans leur officine, et fait valoir que cette molécule à marge thérapeutique étroite est difficilement substituable. Toutefois, en l'absence de production de tout élément médical précis et objectif de nature à démontrer que la molécule Lacosamide ne serait pas substituable, et que par conséquent l'intéressée ne pourrait pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié à sa pathologie en Algérie, la requérante n'établit pas que le préfet de police aurait méconnu les stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien en refusant de lui délivrer un titre de séjour pour soins.
6. En deuxième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. Mme B..., entrée en France en 2019 sous couvert d'un visa étudiant, se prévaut de son état de santé, de la durée de sa présence en France, des liens qu'elle y a tissés et de la présence régulière d'une de ses sœurs. Toutefois, ainsi qu'il a été exposé au point 5, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle ne pourrait pas bénéficier effectivement d'un traitement médicamenteux approprié à sa pathologie en Algérie. En outre, Mme B... ne justifie pas d'une insertion suffisamment stable et ancienne sur le territoire français et n'établit, ni n'allègue être dépourvue d'attaches dans son pays d'origine et où elle a vécu jusqu'à l'âge de vingt-cinq ans. Dans ces conditions, le préfet de police n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
8. Enfin, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
9. Mme B... soutient qu'en cas de retour en Algérie, elle sera exposée à un risque de traitement inhumain ou dégradant dès lors que, son traitement n'étant pas disponible, le défaut de prise en charge médicale aura des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 5, la requérante n'établit pas qu'elle ne pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui n'est opérant qu'à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire, doit être écarté.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être également rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
Délibéré après l'audience du 9 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Vidal, présidente de chambre,
- Mme Bories, présidente assesseure,
- M. Segretain, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 octobre 2024.
La rapporteure,
C. BORIESLa présidente,
S. VIDAL
Le greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23PA04923 2