Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'une part, d'annuler la décision de rejet par le groupe hospitalier universitaire Paris psychiatrie et neurosciences (GHU) de sa demande de régularisation de situation et la décision implicite de rejet de sa demande indemnitaire du 3 août 2019 et, d'autre part, de condamner le GHU à lui verser, en indemnisation de son préjudice financier, une somme correspondant à la différence entre ce qu'elle a effectivement perçu et le traitement qu'elle aurait dû percevoir depuis le 2 janvier 2017, date de sa nomination, et, en indemnisation de son préjudice moral, une somme de 15 000 euros, sommes assorties des intérêts légaux à compter du 3 juin 2019 avec capitalisation des intérêts échus à compter de cette même date.
Par un jugement n° 1921006/6-2 du 27 septembre 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes.
Par un arrêt n° 21PA06044 du 7 avril 2023, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa demande.
Par une décision n° 474779 du 22 février 2024, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la cour.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 25 novembre 2021, 14 septembre 2022, 24 mars 2023 et 10 avril 2024, Mme A..., représentée par Me Kucharz, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures, enregistrées sous le n°24PA00951 :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 27 septembre 2021 ;
2°) d'annuler la décision par laquelle le GHU Paris psychiatrie et neurosciences a rejeté sa demande de régularisation de situation et la décision implicite de rejet de sa demande indemnitaire du 3 août 2019 ;
3°) de condamner le GHU à indemniser, d'une part, son préjudice financier, en lui versant une somme correspondant à la différence entre ce qu'elle a effectivement perçu et le traitement qu'elle aurait dû percevoir depuis le 2 janvier 2017, date de sa nomination, d'autre part, son préjudice moral, à hauteur de 15 000 euros, sommes assorties des intérêts légaux à compter du 3 juin 2019 avec capitalisation des intérêts échus à compter de cette même date, et, enfin, de lui rembourser la somme de 1 000 euros, correspondant aux frais de l'instance devant la cour, saisie sur son salaire par le GHU le 20 octobre 2023 ;
4°) d'enjoindre au directeur général du GHU de lui verser les sommes demandées et de lui communiquer un bulletin de paie de régularisation ainsi que l'intégralité des bulletins de paie rectifiés dans un délai d'un mois, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
5°) d'appeler en cause le centre hospitalier universitaire (CHU) Amiens Picardie ;
6°) d'enjoindre au CHU Amiens Picardie de corriger son contrat de travail, de reconstituer sa carrière et de lui communiquer l'intégralité de ses bulletins de paie rectifiés à compter de sa nomination ainsi qu'un bulletin de paie de régularisation ;
7°) de mettre à la charge du GHU la somme de 12 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision par laquelle le GHU l'a nommée en qualité de formatrice le 2 janvier 2017, l'a placée à un échelon et lui a attribué un indice de rémunération est créatrice de droits ;
- les juges de première instance ont commis une erreur de qualification juridique des faits et une erreur de droit ;
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé et les premiers juges ont statué
" infra petita " ;
- son préjudice financier s'élève à hauteur de la différence entre les sommes qu'elle a effectivement perçues et le traitement qu'elle aurait dû percevoir à partir du 2 janvier 2017 et jusqu'à la date de l'arrêt à intervenir, en tenant compte des franchissements réguliers d'échelon et en dépit de sa mutation au centre hospitalier d'Amiens le 1er août 2020 ;
- son préjudice moral s'élève à 15 000 euros ;
- elle a supporté des frais de justice à hauteur de 1 000 euros, qui ont fait l'objet d'une saisie à tiers détenteur sur son salaire.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 18 juillet 2022 et 30 septembre 2022, le GHU, représenté par Me Falala, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme A... la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le moyen tiré de ce que les premiers juges auraient statué " infra petita ", soulevé pour la première fois à l'appui du mémoire en réplique, est nouveau en appel et en tout état de cause infondé ;
- les autres moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 16 avril 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 13 mai 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code général de la fonction publique ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le décret n° 82-1105 du 23 décembre 1982 ;
- le décret n° 2010-1139 du 29 septembre 2010 ;
- le décret n° 2016-639 du 19 mai 2016 ;
- l'arrêté du 19 mai 2016 relatif à l'échelonnement indiciaire applicable aux corps paramédicaux de la catégorie A de la fonction publique hospitalière ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bories,
- les conclusions de M. Perroy, rapporteur public,
- les observations de Me Kucharz, représentant Mme A...,
- et les observations de Me Goulard, substituant Me Falala, représentant le GHU.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... qui exerçait les fonctions d'infirmière en soins généraux et spécialisés au sein de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), a poursuivi son activité à compter du 2 janvier 2017 en qualité de formatrice au sein du centre de formation inter-hospitalier Théodore Simon rattaché au groupe hospitalier universitaire Paris psychiatrie et neurosciences (GHU). Estimant ne pas être rémunérée conformément à la décision prononçant sa mutation, elle a, par une demande préalable reçue le 3 juin 2019, sollicité l'indemnisation des préjudices qu'elle estimait avoir subis et la régularisation rétroactive de ses bulletins de paie. Par un jugement n° 1921006/6-2 du 27 septembre 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes tendant, d'une part, à l'annulation de la décision implicite rejetant sa demande préalable et, d'autre part, à l'indemnisation des préjudices résultant de l'inexécution des dispositions financières attachées à la décision du 2 janvier 2017. Mme A... forme appel contre ce jugement.
Sur la légalité de la décision de refus de régularisation de la situation administrative de Mme A... :
2. Sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires contraires, et hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, l'administration ne peut retirer une décision individuelle créatrice de droits, si elle est illégale, que dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision.
3. Il ressort des pièces du dossier que par une décision du 2 janvier 2017, Mme A... a été nommée en qualité de formatrice au sein d'un centre de formation rattaché au GHU. L'article 2 de cette décision prévoit que Mme A... sera rémunérée sur la base du sixième échelon du premier grade du corps des infirmiers, avec un indice brut de 591 et un indice majoré de 498, laquelle rémunération résultait d'une erreur de transposition de la nouvelle grille indiciaire, favorable à l'intéressée. Les circonstances que l'intéressée ne pouvait légalement se voir accorder l'avancement d'échelon prévu par cette décision, que le GHU s'était heurté à des difficultés dans la mise en œuvre de la réforme " parcours professionnels, carrières et rémunérations ", et qu'il n'a jamais rémunéré Mme A... au sixième échelon de la nouvelle grille indiciaire mentionné dans la décision du 2 janvier 2017 ne suffisent pas à faire regarder les mentions de l'échelon et de l'indice de rémunération figurant dans cette décision comme résultant, à l'évidence, d'une pure erreur matérielle, privant ces dispositions de toute existence légale et ôtant à celles-ci tout caractère créateur de droit au profit de l'intéressée. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, Mme A... est fondée à soutenir qu'elle était en droit d'obtenir du GHU la régularisation de sa situation, et de bénéficier de l'échelon et de l'indice de rémunération mentionnés dans la décision la nommant au centre de formation inter-hospitalier Théodore Simon au 2 janvier 2017.
4. Il résulte de ce qui précède que Mme A... est fondée à obtenir l'annulation du jugement attaqué. Il y a lieu pour la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur ses conclusions indemnitaires.
Sur les conclusions indemnitaires :
5. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 3 que Mme A... était en droit de bénéficier, pour la rémunération de son activité de formatrice au centre Théodore Simon, d'un traitement correspondant à son placement par le GHU au sixième échelon de son grade (IB 591, IM 498) à la date du 2 janvier 2017. Les pièces versées au dossier ne permettant pas de déterminer le montant exact de la somme due, il y a lieu de renvoyer l'intéressée devant le GHU Paris psychiatrie neurosciences pour la détermination de la différence entre les traitements perçus au cours de la période courant du 2 janvier 2017 au 31 juillet 2020 et ceux qui auraient dû lui être versés.
6. La somme ainsi fixée portera intérêts à compter du 3 juin 2019, date de réception par l'administration de sa demande préalable, lesquels intérêts seront eux-mêmes capitalisés au 3 juin 2020, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
7. En revanche, Mme A... ne saurait se prévaloir de préjudices consécutifs aux
manquements du GHU au-delà du 1er août 2020, date de sa mutation au centre hospitalier universitaire (CHU) Amiens-Picardie, en absence de lien de causalité direct entre les éléments de sa rémunération prévus par la décision du 2 janvier 2017 et le traitement versé par son nouvel employeur, déterminé par une décision du 28 juillet 2020 de la directrice générale du CHU Amiens-Picardie qui l'a placée à l'échelon 6 de son grade, avec un indice brut de 597, et un indice majoré de 503. Il ne résulte au demeurant pas de l'instruction que la requérante aurait contesté la décision du 28 juillet 2020. Il n'y a ainsi pas lieu d'appeler en la cause le CHU Amiens-Picardie.
8. En second lieu, Mme A... fait état d'un préjudice moral consécutif aux troubles dans ses conditions d'existence et au discrédit subi, dont il sera fait une juste appréciation en mettant à la charge du GHU une somme de 500 euros.
9. Il résulte de tout ce qui précède que le GHU Paris psychiatrie neurosciences doit être condamné à verser à Mme A... une somme de 500 euros ainsi qu'une indemnité calculée dans les conditions fixées au point 5.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
10. Il résulte de ce qui a été dit aux points 5 et 7 qu'il y a seulement lieu d'enjoindre au GHU d'émettre des bulletins de salaires conformes à la situation régularisée de Mme A... pour la période courant du 2 janvier 2017 au 31 juillet 2020, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A..., qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par le GHU au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et sur le fondement de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge du GHU la somme de 4 000 euros à verser à la requérante.
DECIDE:
Article 1er : Le jugement n° 1921006/6-2 du 27 septembre 2021 du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : Le groupe hospitalier universitaire Paris psychiatrie et neurosciences est condamné à verser à Mme A... une indemnité déterminée dans les conditions fixées au point 5, assortie des intérêts au taux légal à compter du 3 juin 2019, avec capitalisation à compter du 3 juin 2020. Mme A... est renvoyée devant le GHU pour liquidation de la somme qui lui est due en application des dispositions du présent article.
Article 3 : Le groupe hospitalier universitaire Paris psychiatrie et neurosciences est condamné à verser à Mme A... une somme de 500 euros en réparation de son préjudice moral.
Article 4 : Il est enjoint au groupe hospitalier universitaire Paris psychiatrie et neurosciences d'émettre des bulletins de salaires conformes à la situation régularisée de Mme A... pour la
période courant du 2 janvier 2017 au 31 juillet 2020.
Article 5 : Le groupe hospitalier universitaire Paris psychiatrie et neurosciences versera à Mme A... une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 7 : Les conclusions du groupe hospitalier universitaire Paris psychiatrie et neurosciences présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au groupe hospitalier universitaire Paris psychiatrie et neurosciences.
Délibéré après l'audience du 9 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Vidal, présidente de chambre,
- Mme Bories, présidente assesseure,
- M. Segretain, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 octobre 2024.
La rapporteure,
C. BORIES
La présidente,
S. VIDAL
Le greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne à la ministre de la santé et de l'accès aux soins en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 24PA00951 2