Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2014, 2015 et 2016.
Par un jugement n° 1903546 du 9 décembre 2022, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 8 février 2023, M. B..., représenté par Me Hebras, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer à titre principal la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2014, 2015 et 2016, ou à titre subsidiaire une décharge, en droits et pénalités, correspondant à un rehaussement en base limité à 291 732 euros ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la proposition de rectification est insuffisamment motivée et ne lui a pas permis de formuler utilement des observations ;
- l'administration n'établit pas, en l'absence notamment de contrôle de la société EPS et de demande au titre de l'article 117 du code général des impôts, que les sommes imposées constituaient des revenus occultes au sens du c) de l'article 111 du même code ni que de telles sommes ne pourraient être regardées comme des revenus d'origine indéterminée ;
- si l'imposition établie par l'administration devait être reconnue comme étant fondée, il conviendrait en tout état de cause de limiter les rehaussements à la somme de 291 732 euros, conformément aux règles relatives à l'autorité de la chose jugée en matière pénale ;
- si l'imposition établie par l'administration devait être reconnue comme étant fondée, il conviendrait en tout état de cause de déduire des rehaussements les sommes engagées dans l'intérêt de la société EPS.
Par un mémoire en défense enregistré le 27 avril 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lellig, rapporteure ;
- et les conclusions de Mme de Phily, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. A la suite d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle portant sur ses revenus perçus au cours des années 2014, 2015 et 2016, l'administration a assujetti M. B... à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de cotisations sociales au titre de ces trois années. M. B... relève appel du jugement du 9 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, de ces impositions.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ". D'autre part, aux termes de l'article L. 76 du même livre applicable dans le cadre d'une procédure d'imposition d'office : " Les bases ou éléments servant au calcul des impositions d'office et leurs modalités de détermination sont portées à la connaissance du contribuable trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions. (...) ".
3. En l'espèce, la proposition de rectification, adressée le 14 décembre 2017 à M. B..., mentionne qu'elle porte sur l'impôt sur le revenu et les cotisations sociales dus par l'intéressé au titre des années 2014, 2015 et 2016 et indique avec suffisamment de précision les motifs sur lesquels elle entendait se fonder pour justifier les rectifications envisagées. La circonstance que l'administration ne rapporterait pas la preuve, qui lui incombe selon M. B..., des avantages occultes octroyés par la société EPS est sans incidence sur le caractère suffisant de la motivation de la proposition de rectification, lequel s'apprécie indépendamment de la pertinence des motifs avancés.
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :
4. Aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré. (...) ". Aux termes de l'article L. 193 du même livre : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ".
5. D'une part, il n'est pas contesté que M. B... s'est abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification du 14 décembre 2017 qui lui a été régulièrement notifiée le 15 décembre suivant. D'autre part, s'agissant de l'année 2016, l'administration a recouru à la procédure d'imposition d'office compte tenu de l'absence de déclaration de revenus de M. B... au titre de cette année, malgré la mise en demeure qui lui a été notifiée le 15 juillet 2017. Dans ces conditions, et contrairement à ce qu'il soutient, la charge de la preuve de l'exagération des bases d'imposition incombe au requérant.
6. Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (...) c. Les rémunérations et avantages occultes (...) ".
7. Il résulte de l'instruction que, par jugement du tribunal correctionnel de Melun du 17 décembre 2018, M. B... a été condamné pour avoir détourné des biens appartenant à la société EPS et, plus particulièrement, pour avoir procédé à des achats personnels avec la carte bancaire de la société pour un montant de 31 162,21 euros, à des retraits en espèces non justifiés pour un montant de 91 510 euros et au virement sur son compte personnel de la somme de 14 350 euros, ainsi que pour avoir encaissé sur son compte personnel trois chèques de la société EPS pour un montant de 144 500 euros et, de façon non justifiée, deux chèques émis par un client de la société EPS à l'attention de celle-ci d'un montant respectif de 2 013 euros et 8 197 euros.
8. Par ailleurs, au cours de l'examen de la situation fiscale personnelle dont M. B... a fait l'objet, l'administration fiscale a fait usage de son droit de communication s'agissant de l'intégralité des relevés de l'ensemble des comptes bancaires qu'il détenait dans divers établissements bancaires. Elle a alors constaté que le montant des sommes totales des virements et des chèques encaissés s'élevait à 96 266 euros en 2014, 187 018 euros en 2015 et à 99 462 euros en 2016, alors que sa déclaration de revenu au titre de l'année 2014 ne mentionnait que 15 101 euros de traitements et salaires, qu'il n'a déclaré aucun revenu au titre de l'année 2015 et qu'il n'a déposé aucune déclaration de revenu en 2016.
9. Si M. B... conteste l'origine de ces sommes, il a toutefois déclaré lors de son audition qu'il n'avait aucune autre activité professionnelle excepté celle qu'il exerçait pour le compte de la société EPS et il ne produit aucune pièce, ni même n'invoque aucune explication susceptible d'établir une origine différente des sommes en litige. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration fiscale a qualifié les sommes en litige d'avantage occulte au sens du c de l'article 111 du code général des impôts et les a imposées, en conséquence, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.
10. En outre, l'autorité de la chose jugée appartenant aux décisions des juges répressifs devenues définitives qui s'impose aux juridictions administratives s'attache à la constatation matérielle des faits mentionnés dans le jugement et qui sont le support nécessaire du dispositif. A supposer même que le jugement du 17 décembre 2018 soit définitif, la circonstance que M. B... ait été condamné pour abus de biens sociaux à hauteur de 291 822,21 euros ne fait pas obstacle, eu égard à la motivation de ce jugement, à ce que l'administration fiscale considère que l'intéressé avait perçu un total de 382 746 euros au cours des années 2014, 2015 et 2016 à la suite de l'examen de sa situation fiscale personnelle. En se bornant à invoquer l'autorité de la chose jugée au pénal, M. B... ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, de l'exagération des bases d'imposition retenues par l'administration fiscale.
11. Enfin, si M. B... soutient qu'il convient de déduire de sa base imposable les nombreuses dépenses qu'il a effectivement réglées pour le compte de la société EPS, il ne produit toutefois aucun justificatif ni aucune pièce susceptible d'établir le bien-fondé de ses allégations.
12. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté de sa demande.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris (pôle contrôle fiscal et affaires juridiques).
Délibéré après l'audience du 3 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Barthez, président de chambre,
- M. Delage, président assesseur,
- Mme Lellig, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la cour, le 28 octobre 2024.
La rapporteure,
W. LELLIGLe président,
A. BARTHEZ
La greffière,
E. VERGNOL
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23PA00553 2