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28/10/2024 | FRANCE | N°23PA00944

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 5ème chambre, 28 octobre 2024, 23PA00944


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2011 à 2014.

Par un jugement n° 1918305 du 4 janvier 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :



Par une requête et un mémoire enregistrés le 7 mars 2023 et le 15 septembre 20

24, M. B..., représenté par Me Ackermann, demande à la cour :



1°) d'annuler ce jugement ;



...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2011 à 2014.

Par un jugement n° 1918305 du 4 janvier 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 7 mars 2023 et le 15 septembre 2024, M. B..., représenté par Me Ackermann, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2011 à 2014 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement de première instance est irrégulier dès lors que le mémoire du 2 avril 2021 ne lui a pas été communiqué ;

- ce jugement est insuffisamment motivé en ce qu'il ne répond pas totalement aux moyens présentés ;

- contrairement à ce que les premiers juges ont considéré, la charge de la preuve ne lui incombe pas dès lors qu'il a contesté les rehaussements et a formulé ses observations dans les délais impartis ;

- par les pièces produites, et notamment les documents transmis par les autorités luxembourgeoises, il justifie de la matérialité des prestations dont il a effectivement bénéficié de la part de la société Air et C ;

- l'administration ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, de son intention de procéder à une déduction fiscale inopportune et ne démontre donc pas l'existence de manquements délibérés ;

- elle ne démontre pas davantage la mise en œuvre de procédés particuliers destinés à égarer son contrôle et ne saurait donc mettre en œuvre une pénalité de 80% pour manœuvres frauduleuses ;

- pour retenir le caractère fictif des pièces justificatives présentées, l'administration se fonde nécessairement sur la notion d'abus de droit fiscal de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales entraînant ainsi l'irrégularité substantielle de l'ensemble de la procédure ;

- les éléments issus de l'assistance administrative demandée pour l'année 2014 ne pouvaient fonder les rectifications relatives aux années postérieures ;

- le délai de reprise dont disposait l'administration était prescrit s'agissant de l'année 2011.

Par un mémoire en défense enregistré le 25 septembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lellig, rapporteure ;

- les conclusions de Mme de Phily, rapporteure publique ;

- et les observations de Me Ackermann pour M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur son activité d'architecte urbaniste au titre des années 2011 à 2014. A la suite de ce contrôle, l'administration fiscale lui a notifié des rehaussements d'impôt sur le revenu résultant de la réintégration dans le résultat imposable des charges déduites au titre de la réalisation de prestations par la société Air et C. M. B... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête tendant à la décharge, en droits et pénalités, de ces impositions supplémentaires.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 613-3 du code de justice administrative : " Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication, sauf réouverture de l'instruction ".

3. Il résulte de l'instruction que le dernier mémoire produit en première instance par l'administration fiscale a été enregistré le 2 avril 2021, soit postérieurement à la date de la clôture d'instruction fixée au 9 novembre 2020 par ordonnance du 26 octobre 2020. Ce mémoire n'avait donc pas à être communiqué, contrairement à ce que soutient M. B.... Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire de la procédure contentieuse administrative doit être écarté.

4. En second lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Contrairement à ce que soutient M. B..., les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments soulevés dans sa demande, ont répondu de manière suffisante, au point 5 du jugement attaqué, au moyen tiré du caractère déductible de dépenses ayant fait l'objet d'une réintégration par l'administration fiscale, alors même qu'il n'est pas fait référence explicitement à l'argument relatif à la réintégration extra comptable opérée spontanément au titre de l'année 2015. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

5. En premier lieu, le différend entre l'administration fiscale et le requérant porte sur l'absence de matérialité des prestations facturées par la société Air et C dans le cadre d'une convention d'assistance signée avec M. B... le 24 avril 2009. Ce faisant, l'administration n'a pas entendu, même de manière implicite, écarter un quelconque acte constitutif d'un abus de droit. Elle n'invoque d'ailleurs ni le caractère fictif de cette convention, ni la circonstance qu'elle aurait eu pour seul motif d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé aurait normalement supportées. Il en résulte que l'administration n'a pas établi les rectifications litigieuses sur l'existence d'un acte constitutif d'un abus de droit mais sur l'absence de caractère probant des pièces justificatives présentées. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la procédure d'imposition serait irrégulière, faute pour l'administration d'avoir mis en œuvre les garanties prévues par les dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales.

6. En second lieu, aucune disposition législative ou réglementaire ne fait obstacle à ce que l'administration fonde les rectifications proposées sur des éléments obtenus dans le cadre d'une demande d'assistance internationale au titre d'années antérieures. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient M. B..., la proposition de rectification qui lui a été adressée le 16 mars 2017 indique qu'il a été informé tant de la réception de la réponse des autorités étrangères en date du 27 mars 2015 suite à la demande d'assistance administrative adressée aux autorités fiscales luxembourgeoises le 19 décembre 2014 et portant sur les années 2011, 2012 et 2013, que de l'existence d'une autre demande d'assistance administrative effectuée auprès de ces mêmes autorités le 9 septembre 2015, à laquelle il a été répondu le 21 janvier 2016. Dans ces conditions, M. B..., qui ne se prévaut au demeurant pas d'une méconnaissance des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, n'est pas fondé à soutenir que l'administration ne pouvait régulièrement fonder les rehaussements de l'année 2014 sur la demande d'assistance internationale formée au titre des années antérieures.

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

7. En premier lieu, aux termes de l'article L. 188 A du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'administration a, dans le délai initial de reprise, demandé à l'autorité compétente d'un autre Etat ou territoire des renseignements concernant un contribuable, elle peut réparer les omissions ou les insuffisances d'imposition afférentes à cette demande, même si le délai initial de reprise est écoulé, jusqu'à la fin de l'année qui suit celle de la réception de la réponse et, au plus tard, jusqu'au 31 décembre de la troisième année suivant celle au titre de laquelle le délai initial de reprise est écoulé (...) ".

8. Il résulte de l'instruction qu'une demande d'assistance administrative a été adressée aux autorités fiscales luxembourgeoises le 19 décembre 2014 tendant notamment à l'obtention des bilans et comptes de résultats de la société luxembourgeoise Air et C. L'examen de ces pièces a permis à l'administration fiscale de considérer que cette société ne disposait d'aucune infrastructure matérielle et humaine. Il s'ensuit que l'objet de la demande d'assistance était donc bien en lien avec les rectifications effectuées, fondées sur l'absence d'effectivité des prestations facturées par la société Air et C, alors même que l'administration aurait disposé d'éléments suffisants indépendamment de cette demande. Dans ces conditions, l'administration a pu légalement proroger le délai de reprise dont elle disposait dans l'attente de la réponse des autorités fiscales luxembourgeoises sur le fondement des dispositions précitées de l'article 188 A du livre des procédures fiscales.

9. Aux termes de l'article 92 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus. ". Aux termes de l'article 93 du même code : " 1. Le bénéfice à retenir dans les bases de l'impôt sur le revenu est constitué par l'excédent des recettes totales sur les dépenses nécessitées par l'exercice de la profession. (...) ".

10. En premier lieu, et contrairement à ce qui est soutenu, il résulte de ces dispositions qu'il appartient dans tous les cas au contribuable de fournir des éléments propres à justifier que les dépenses qu'il a portées dans les charges déductibles étaient nécessitées par l'exercice de la profession. Le moyen ainsi soulevé par M. B..., qui est relatif au bien-fondé du jugement et non à sa régularité, doit être écarté.

11. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que M. B... a déduit de son résultat imposable les sommes de 98 785 euros au titre de l'année 2011, 127 470 euros en 2012, 125 750 euros en 2013 et 111 937 euros en 2014 pour des prestations facturées par la société luxembourgeoise Air et C, dans le cadre d'une convention d'assistance signée avec M. B... le 24 avril 2009. L'administration fiscale considère que la matérialité et le montant des prestations facturées n'ont pas été justifiés par le contribuable, qui supporte, ainsi qu'il a été dit, la charge de cette preuve.

12. Pour établir la réalité des prestations facturées et dont le montant a été déduit du résultat imposable, M. B... produit une convention d'assistance dans le développement des relations commerciales et le montage administratif des dossiers d'appel d'offre conclue le 24 avril 2009 entre son agence d'architecture et la société Air et C ainsi que des exemples de réponses à des appels d'offre et des courriers d'échanges entre les deux structures. Toutefois, aucune de ces deux pièces ne permet de démontrer la réalité des prestations facturées par la société Air et C. Il en va de même des notes d'honoraires établies par la société Air et C qui ne comportent que des mentions insuffisamment précises quant à la nature exacte des prestations réalisées. Par ailleurs, une attestation de témoin, responsable des travaux de la société Airbus, affirmant avoir eu connaissance des interventions de la société Air et C par l'intermédiaire de son gérant n'est pas davantage de nature à établir la matérialité des prestations réalisées par cette société à hauteur des sommes déduites, le requérant ne produisant aucune pièce permettant de s'assurer de la mise en œuvre effective d'une quelconque assistance technique et administrative en matière de préparation et d'obtention de marchés de maîtrise d'œuvre, ainsi que des services en matière de développement commercial et de suivi administratif.

13. En outre, M. B... ne rapporte pas la preuve d'une corrélation entre les dépenses exposées et les recettes générées par la production d'un tableau détaillant l'évolution des recettes encaissées par son agence d'architecture, d'autant qu'il n'est pas contesté que la baisse du chiffre d'affaires constaté à compter de l'année 2015 est concomitante à la diminution des moyens humains dont disposait l'agence de M. B....

14. Enfin, il résulte des éléments recueillis par l'administration auprès des autorités luxembourgeoises le 21 janvier 2016 que la société prestataire ne disposait d'aucune infrastructure matérielle et humaine, n'ayant comptabilisé aucune charge salariale ni charge sociale dans les charges d'exploitation au titre des exercices clos en 2011, 2012, 2013. Au surplus, il s'avère que M. B... est l'actionnaire unique de la société Air et C par l'interposition d'une société financière située à Gibraltar. Il est donc le bénéficiaire économique réel des versements en litige, alors même qu'il n'aurait effectivement bénéficié d'aucune distribution, ainsi qu'il le soutient.

15. Dans ces conditions, M. B... ne rapporte la preuve ni de la matérialité des prestations facturées par la société Air et C, ni en tout état de cause que le recours à ces prestations aurait été nécessaire pour l'exercice de sa profession.

En ce qui concerne les pénalités :

16. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'État entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) c. 80 % en cas de manœuvres frauduleuses (...) ".

17. D'une part, conformément à la proposition de rectification datée du 23 juin 2015, l'administration fiscale a appliqué la majoration de 40% pour manquement délibéré en ce qui concerne les rehaussements notifiés au titre des années 2011, 2012 et 2013. Elle s'est fondée sur ce que M. B... n'a, malgré des demandes répétées en ce sens, présenté aucun document permettant de justifier la nature précise et la réalité des prestations facturées, dont le montant représente environ 15% des recettes annuelles encaissées par l'agence. Dans ces conditions, et compte tenu de ce qui a été exposé aux points 11 à 15, le service rapporte la preuve de ce que M. B... a délibérément souscrit des déclarations de résultat minorées au titre des années 2011 à 2013. Par suite, le moyen tiré de ce que l'application de la majoration prévue au a de l'article 1729 du code général des impôts n'est pas justifiée doit être écarté.

18. D'autre part, conformément à la proposition de rectification datée du 16 mars 2017, l'administration fiscale a appliqué la majoration de 80% pour manœuvres frauduleuses en ce qui concerne les rehaussements notifiés au titre de l'année 2014. Elle s'est fondée sur des éléments issus de la réponse du 21 janvier 2016 des autorités luxembourgeoises à la demande d'assistance administrative qui leur avait été adressée et qui ont permis d'établir que M. B... était l'actionnaire unique de la société Air et C par l'interposition d'une société financière établie à Gibraltar. M. A..., qui s'est présenté comme l'administrateur de la société Air et C durant les opérations de contrôle et qui a signé tous les courriers échangés entre cette société et M. B..., disposait en réalité d'une procuration signée le 25 mars 2009 de la part de ce dernier. Le service a estimé, à juste titre, que le recours à ce mandat a permis à M. B... de dissimuler ses intérêts dans la société Air et C à l'origine des facturations litigieuses. Dans ces conditions, l'administration fiscale établit que M. B... a eu recours à des agissements destinés à égarer ou restreindre le pouvoir de contrôle de l'administration. Elle a donc pu, à bon droit, assortir les impositions en cause de la majoration prévue au c de l'article 1729 du code général des impôts en cas de manœuvres frauduleuses.

19. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté de sa demande.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris (pôle contrôle fiscal et affaires juridiques).

Délibéré après l'audience du 3 octobre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Barthez, président de chambre,

- M. Delage, président assesseur,

- Mme Lellig, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la cour, le 28 octobre 2024.

La rapporteure,

W. LELLIGLe président,

A. BARTHEZ

La greffière,

E. VERGNOL

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23PA00944 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA00944
Date de la décision : 28/10/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: Mme Wendy LELLIG
Rapporteur public ?: Mme DE PHILY
Avocat(s) : KPMG AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 03/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-28;23pa00944 ?
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