Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 14 août 2020 par laquelle le directeur de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident survenu le 7 août 2019 ainsi que la décision du 7 octobre 2020 rejetant son recours gracieux, d'enjoindre au directeur de l'AP-HP de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident survenu le 7 août 2019 et de condamner l' AP-HP à lui verser la somme de 200 000 euros en réparation des préjudices moral et financier qu'elle estime avoir subis.
Par un jugement n° 2019417/2-3 du 22 juin 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 28 août 2024, Mme A..., représentée par Me Arvis, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 2019417/2-3 du 22 juin 2023 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler les décisions du 14 août 2020 et du 7 octobre 2020 du directeur de l'AP-HP ;
3°) d'enjoindre à l'AP-HP de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident survenu le 7 août 2019 ; à défaut, d'examiner sa demande dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de condamner l'AP-HP à lui verser la somme de 20 000 euros en réparation des préjudices moral et financier qu'elle estime avoir subis ;
5°) de mettre à la charge de l'AP-HP la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier faute d'être signé, conformément aux dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- il n'est pas suffisamment motivé et est entaché d'omission à statuer ;
- les premiers juges ont entaché leur jugement d'une erreur de droit en se méprenant sur l'étendue de leur contrôle ;
- l'avis de la commission de réforme est irrégulier en ce que le directeur de l'AP-HP a confondu les deux demandes d'imputabilité au service de l'accident du 7 août 2019 et de la rechute de celui du 16 juin 2010 qu'elle avait présentées ;
- elle n'a pas été convoquée devant la commission de réforme conformément aux dispositions du décret du 19 avril 1988 et de l'article 16 de l'arrêté interministériel du 4 août 2004, n'a pas été informée qu'un pli lui avait été adressé ;
- il n'est pas établi que le dossier soumis à la commission de réforme comportait le rapport du médecin du travail, conformément aux dispositions de l'article 9 du décret du 19 avril 1988 et de l'article 15 de l'arrêté interministériel du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et hospitalière, de l'article 10 du décret du 28 mai 1982 et à la jurisprudence des cours et tribunaux ;
- la composition de la commission de réforme n'était pas régulière en l'absence d'un médecin spécialiste ;
- une expertise médicale aurait dû être diligentée par l'administration avant la séance de la commission de réforme ;
- ces vices l'ont privée d'une garantie ;
- les décisions attaquées sont entachées d'erreur d'appréciation ;
- les préjudices qu'elle a subis consécutivement doivent être indemnisés à hauteur de la somme de 20 000 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 avril 2024, l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris, représentée par Me Lacroix, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 800 euros soit mise à la charge de Mme A... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que la requête est irrecevable comme tardive et que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par un nouveau mémoire en défense, enregistré le 7 mai 2024, l'AP-HP conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire par les mêmes moyens.
Par un mémoire, enregistré le 10 mai 2024, Mme A... conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Jayer,
- les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique,
- les observations de Me Arvis pour Mme A...,
- et les observations de Me Néven pour l'AP-HP.
Une note en délibéré, présentée pour Mme A..., a été enregistrée le 17 octobre 2024.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., née en 1958 et recrutée par l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) le 17 février 2003, a été titularisée le 24 mars 2004, en qualité d'aide-soignante. A compter du 15 avril 2014, elle a occupé un poste d'agent d'accueil au service stomatologie de l'hôpital Saint-Antoine. Le 7 août 2019, Mme A... a été victime d'un infarctus cérébral dont, le 11 septembre suivant, elle a demandé la reconnaissance de l'imputabilité au service. Le 7 octobre 2019, elle a été convoquée à une visite de contrôle auprès d'un médecin du service de médecine statutaire de l'AP-HP, lequel a émis un avis défavorable à la demande. Réunie en séance le 26 mai 2020, la commission de réforme a donné un avis identique, à la suite de quoi, par une décision du 14 août 2020, le directeur des ressources humaines de l'AP-HP a rejeté la demande de l'intéressée de reconnaissance d'imputabilité au service de l'accident survenu le 7 août 2019. Le 9 septembre 2020, Mme A... a formé un recours gracieux contre cette décision, expressément rejeté le 7 octobre suivant. Le 15 octobre 2020, elle a par ailleurs adressé une réclamation préalable à l'AP-HP, en sollicitant la réparation des préjudices qu'elle estimait avoir subis à hauteur de la somme de 50 000 euros. Mme A... relève appel du jugement du 22 juin 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes d'annulation des décisions du 14 août 2020 et du 7 octobre 2020 du directeur de l'AP-HP, et de condamnation de cette-dernière à l'indemniser des préjudices qu'elle estimait avoir subis.
Sur la recevabilité de l'appel :
2. Aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois (...) ".
3. Contrairement à ce que fait valoir en défense l'AP-HP, le jugement attaqué ayant été notifié à Mme A... le 29 juin 2023 sa requête d'appel, enregistrée au greffe de la cour le 28 août 2023, a été présentée dans le délai imparti et n'est ainsi pas tardive. La fin de non-recevoir opposée tirée de la tardiveté du recours ne peut ainsi qu'être écartée.
Sur la régularité du jugement :
4. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". Il ressort des pièces du dossier de première instance que la minute du jugement est signée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de cet article doit être écarté.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Il ressort des termes du jugement qu'il a suffisamment répondu à l'ensemble des moyens soulevés par la requérante. Par ailleurs, la contestation des réponses ainsi apportées par le tribunal à ces moyens est sans incidence sur la régularité du jugement et ne peut être utilement formulée qu'à l'encontre de son bien-fondé. Par suite, l'appelante n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier du fait d'une omission à statuer ni qu'il serait insuffisamment motivé.
6. En dernier lieu, hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative attaquée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Mme A... ne peut donc utilement soutenir, pour contester la régularité du jugement entrepris, que les premiers juges auraient commis une erreur de droit en se méprenant sur la nature de leur contrôle.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
7. Aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 applicable au litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie (...) Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de la maladie ou de l'accident est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales. (...) ".
8. Aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière, la commission de réforme comprend : " (...) 1. Deux praticiens de médecine générale, auxquels est adjoint, s'il y a lieu, pour l'examen des cas relevant de sa compétence, un médecin spécialiste qui participe aux débats mais ne prend pas part aux votes ; (...) ".
9. Il résulte des dispositions précitées que, dans le cas où il est manifeste, eu égard aux éléments dont dispose la commission de réforme, que la présence d'un médecin spécialiste de la pathologie invoquée est nécessaire pour éclairer l'examen du cas du fonctionnaire, l'absence d'un tel spécialiste est susceptible de priver l'intéressé d'une garantie et d'entacher ainsi la procédure devant la commission d'une irrégularité justifiant l'annulation de la décision attaquée.
10. En l'espèce, il est constant que la commission de réforme a siégé le 26 mai 2020 en présence de deux médecins généralistes, sans s'adjoindre un médecin spécialiste en neurologie. Il résulte de l'instruction, comme le fait valoir l'AP-HP, que la commission de réforme disposait notamment pour se prononcer des comptes-rendus de consultation du 7 août 2019 et d'hospitalisation du 9 au 14 août 2019, du certificat médical initial du 14 août 2019 ainsi que de l'avis du médecin statutaire du 7 octobre 2019 concluant à l'absence d'imputabilité au service de l'accident survenu le 7 août 2019 et qu'elle a pu, en outre, consulter le compte-rendu d'hospitalisation établi par deux médecins neurologues. Ces deux neurologues ont conclu à " un probable infarctus cérébral hippocampique gauche révélé par un trouble mnésique transitoire pendant 1 heure " et à l' " absence d'étiologie retrouvée pour le moment ". Toutefois, il est constant que Mme A... avait été victime le matin même de cet accident cérébral d'un malaise sur son lieu de travail et il résulte d'une pièce produite par l'AP-HP elle-même, émanant de l'hôpital Saint-Antoine, que le malaise de la requérante du 7 août 2019 " semble réactionnel au stress du matin " et qu'il s'agit d'une " probable réaction aiguë à un facteur de stress (altercation avec la direction le matin même) ". Aussi, en présence d'avis médicaux allant clairement dans le sens de la survenance d'un accident vasculaire cérébral (AVC), dans un contexte pouvant se rattacher à un incident ayant préalablement affecté l'état de santé de la requérante survenu le matin même en cours de service, au regard de la complexité de la pathologie et de l'absence de détermination de son étiologie à la date à laquelle les deux médecins neurologues se sont prononcés, la commission de réforme ne pouvait manifestement pas, dans les circonstances particulières de l'espèce, régulièrement considérer qu'elle disposait d'avis et d'éléments médicaux suffisants pour examiner la situation de l'intéressée et se prononcer de façon éclairée sur l'absence de lien entre l'accident et le service, en l'absence en son sein d'un médecin spécialiste de l'affection. Par suite, et ainsi que le soutient la requérante, l'absence d'un spécialiste a entaché la procédure d'irrégularité.
11. Dans ces conditions, eu égard aux incertitudes subsistant quant à l'origine de l'AVC dont elle a souffert le 7 août 2019 et en l'absence d'éléments suffisants au dossier médical permettant d'écarter l'absence de lien entre l'incident du matin et la pathologie survenue l'après-midi, Mme A... est fondée à soutenir que la procédure suivie devant la commission de réforme est irrégulière et que l'absence de médecin neurologue au sein de cette commission l'a privée d'une garantie. La décision du 14 août 2020 du directeur de l'AP-HP, entachée d'illégalité, doit pour ce motif être annulée sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués par l'appelante. Par voie de conséquence la décision du 7 octobre 2020 rejetant le recours gracieux dirigé contre cette décision doit également être annulée.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
12. Le présent arrêt, par lequel la cour fait droit aux conclusions à fin d'annulation des décisions du 14 août 2020 et du 7 octobre 2020 du directeur de l'AP-HP présentées par Mme A..., n'implique pas nécessairement, eu égard aux motifs d'annulation retenus, que l'AP-HP prenne une nouvelle décision dans un sens déterminé mais seulement que la situation de Mme A... soit réexaminée dans des conditions régulières par la commission de réforme. Par suite, il y a seulement lieu d'enjoindre à l'AP-HP, en application de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, de réexaminer la situation de la requérante en procédant à une nouvelle consultation de la commission de réforme selon des modalités régulières, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les conclusions indemnitaires :
13. La requérante ne justifie pas d'un lien direct et certain entre l'irrégularité de l'avis formulé par la commission de réforme et le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence qu'elle invoque, au demeurant sans autre précision. Il s'ensuit que ses conclusions indemnitaires doivent être rejetées.
14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... est uniquement fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué du 18 février 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des décisions du 14 août 2020 et du 7 octobre 2020 du directeur de l'AP-HP et à demander l'annulation de ces décisions.
Sur les frais liés à l'instance :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que l'AP-HP demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'AP-HP une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme A..., non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif n° 2019417/2-3 du 22 juin 2023 du tribunal administratif de Paris est annulé en ce qu'il rejette les conclusions à fin d'annulation des décisions du 14 août 2020 et du 7 octobre 2020 du directeur de l'AP-HP et les conclusions à fin d'injonction de Mme A....
Article 2 : Les décisions du 14 août 2020 et du 7 octobre 2020 du directeur de l'AP-HP sont annulées.
Article 3 : Il est enjoint à l'AP-HP de réexaminer la demande de reconnaissance d'imputabilité au service de l'accident de Mme A... survenu le 7 août 2019, dans les conditions fixées au point 12, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'AP-HP versera à Mme A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris.
Délibéré après l'audience du 15 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Bonifacj, présidente de chambre,
- M. Niollet, président-assesseur,
- Mme Jayer, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 novembre 2024.
La rapporteure,
M-D. JAYERLa présidente,
J. BONIFACJ
La greffière,
A. LOUNIS
La République mande et ordonne à la ministre de la santé et de l'accès aux soins en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA03856