Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les arrêtés du 23 juillet 2023 par lesquels le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de sa reconduite et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de 24 mois.
Par un jugement no 2317541/6-1 du 26 octobre 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 13 février, 7 mars et 15 juillet 2024, M. A..., représenté par Me du Besset, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris no 2317541/6-1 du 26 octobre 2023 ;
2°) d'annuler les arrêtés du préfet de police du 23 juillet 2023 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros, en application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier, en raison d'une insuffisante motivation et d'une omission à statuer, la première juge ayant omis d'examiner le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
- la décision d'obligation de quitter le territoire français est entachée d'incompétence de son auteur ;
- cette décision est entachée de défaut d'examen particulier de sa situation ;
- la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français qui la fonde ;
- la décision fixant le pays de renvoi est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français qui la fonde ;
- la décision portant interdiction de retour est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français qui la fonde ;
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'erreur d'appréciation.
Par deux mémoires en défense, enregistrés les 24 juin et 23 juillet 2024, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris en date du 3 janvier 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus, au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- et les observations de Me Grisolle substituant Me du Besset, pour M. A....
Considérant ce qui suit :
1. Par des arrêtés du 23 juillet 2023, le préfet de police a obligé M. A..., ressortissant guinéen né le 1er juin 1981, à quitter le territoire français sans lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination de sa reconduite et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de 24 mois. Par un jugement no 2317541/6-1 du 26 octobre 2023 dont le requérant relève appel, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté la requête présentée par M. A... tendant à l'annulation de ces arrêtés.
Sur la régularité du jugement :
2. Il ressort de la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Paris qu'il avait soulevé un moyen tiré d'une violation des dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Le tribunal administratif n'a pas répondu à ce moyen qui n'était pas inopérant. M. A... est donc fondé à soutenir que ce jugement est irrégulier, et à en demander l'annulation.
3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Paris.
Sur la légalité des arrêtés litigieux :
En ce qui concerne la légalité de la décision d'obligation de quitter le territoire français :
4. En premier lieu, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision litigieuse doit être écarté par adoption des motifs retenus au point 3 du jugement contesté.
5. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police n'aurait pas fait un examen approfondi de la situation de M. A..., la décision en litige n'ayant pas à faire état de tous les éléments relatifs à la situation personnelle et familiale du requérant. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen sérieux de la situation de M. A... sera écarté.
6. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. M. A... soutient qu'il réside en France depuis 2015 et qu'il y est bien intégré socialement et professionnellement. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant, qui exerce une activité de livreur de manière non déclarée et qui est célibataire et sans charge de famille, serait dépourvu d'attaches privées et familiales dans son pays d'origine, dans lequel il a vécu jusqu'à l'âge de 34 ans. Dans ces conditions, la décision attaquée ne portant pas atteinte disproportionnée au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
En ce qui concerne la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire et fixant le pays de destination :
8. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que les décisions refusant d'accorder un délai de départ volontaire et fixant le pays de destination doivent être annulées par voie de conséquence de l'illégalité de la décision d'obligation de quitter le territoire français sera écarté.
En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :
9. En premier lieu, le requérant n'établissant pas que les décisions portant obligation de quitter le territoire français et lui refusant un délai de départ volontaire seraient illégales, l'exception d'illégalité de ces décisions soulevées à l'appui de ses conclusions à fin d'annulation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de 24 mois doit être écartée.
10. En deuxième lieu, la décision attaquée vise l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et indique, notamment, que le requérant allègue être entré en France le 12 janvier 2015, qu'il ne peut se prévaloir de liens suffisamment anciens, forts et caractérisés avec la France, étant constaté que l'intéressé se déclare célibataire sans enfant à charge et que son comportement a été signalé par les services de police le 23 juillet 2023. Elle comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.
11. En dernier lieu, M. A..., qui a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai, n'a justifié d'aucune circonstance humanitaire faisant obstacle au prononcé d'une décision d'interdiction de retour sur le territoire français. Pour fixer à 24 mois la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français prononcée à l'encontre de M. A..., le préfet de police s'est fondé sur le fait que le requérant, célibataire et sans enfant à charge, ne justifiait pas de l'ancienneté de liens personnels et familiaux suffisamment anciens, forts et caractérisés en France et que son comportement constituait une menace pour l'ordre public. Dans ces conditions, le préfet n'a pas commis d'erreur d'appréciation en fixant à 24 mois la durée de cette interdiction.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'annulation, et celles présentées au titre des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement no 2317541/6-1 du 26 octobre 2023 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A... et le surplus des conclusions de sa requête d'appel sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 3 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Ivan Luben, président de chambre,
- M. Stéphane Diémert, président-assesseur,
- Mme Irène Jasmin-Sverdlin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 novembre 2024.
La rapporteure,
I. C...Le président,
I. LUBEN
La greffière,
Y. HERBER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24PA00695