Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 24 février 2023 par lequel le préfet de Seine-et-Marne l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.
Par un jugement n° 2302336 du 17 janvier 2024, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 13 février, 23 juillet et 12 septembre 2024, M. B..., représenté par Me Benitez, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2302336 du 17 janvier 2024 du tribunal administratif de Montreuil ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de Seine-et-Marne du 24 février 2023 ;
3°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les décisions attaquées sont entachées d'incompétence de leur auteur ;
- ces décisions sont entachées d'insuffisante motivation et de défaut d'examen particulier de sa situation ;
- la décision d'obligation de quitter le territoire français est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation ;
- elle a été prise en violation des articles 4 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de la convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains ;
- les décisions refusant d'accorder un délai de départ volontaire et interdisant le retour sur le territoire français sont illégales en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français qui les fonde ;
- la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire a été prise en méconnaissance de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision d'interdiction de quitter le territoire français a été prise en violation de l'article L. 612-10 de ce code et est entachée d'erreur d'appréciation.
Par un mémoire en défense enregistré le 23 septembre 2024, le préfet de Seine-et-Marne conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.
Par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 10 avril 2024, M. B... a été admis à l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant algérien né le 28 octobre 1998, a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 24 février 2023 par lequel le préfet de Seine-et-Marne l'a obligé à quitter le territoire français sans lui accorder de délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. M. B... relève appel du jugement du 17 janvier 2024 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Sur les conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire :
2. Par une décision du 10 avril 2024, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a admis M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, il n'y a pas lieu de prononcer l'admission provisoire de l'intéressé au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne les moyens communs aux décisions attaquées :
3. M. B... reprend en appel, avec la même argumentation qu'en première instance, les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté litigieux ainsi que de l'insuffisance de motivation de cet arrêté et du défaut d'examen particulier de sa situation personnelle. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge aux points 2 et 4 du jugement attaqué.
En ce qui concerne la légalité de la décision d'obligation de quitter le territoire français :
4. En premier lieu, le moyen tiré de ce que la décision litigieuse aurait été prise en violation des articles 4 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de la convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains, qui n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé, ne peut qu'être écarté.
5. En second lieu, M. B... soutient qu'il a été admis au sein du dispositif national d'accueil et de protection des victimes de la traite (dispositif national Ac. Sé) pour être entendu en tant que victime dans une affaire pénale en cours et que les infractions qu'il a commises l'ont été sous la contrainte, dans le cadre d'un réseau de traite des êtres humains. Il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier, alors que les pièces produites par le requérant, consistant en un avis à victime de se constituer partie civile du 6 novembre 2023, une convocation pour audition de témoins du 23 novembre 2023, une attestation de prise en charge par le dispositif national d'accueil et de protection des victimes de la traite en date du 19 juin 2023 ainsi que des attestations de l'association " Hors la rue " des 20 mars 2023 et 5 janvier 2024, ces documents étant au demeurant postérieurs à la décision attaquée, que le préfet de Seine-et-Marne aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation de M. B.... Par ailleurs, si le requérant fait valoir qu'il s'est vu délivrer une autorisation provisoire de séjour par le préfet de l'Eure le 13 août 2024, cette circonstance est sans influence sur la légalité de la décision litigieuse.
En ce qui concerne la légalité des décisions refusant d'accorder un délai de départ volontaire et interdisant le retour sur le territoire français :
6. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que les décisions refusant d'accorder un délai de départ volontaire et interdisant le retour sur le territoire français doivent être annulées par voie de conséquence de l'illégalité de la décision d'obligation de quitter le territoire français sera écarté.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustrait à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière dans les cas suivants : (..)8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale (...) ".
8. Il ne ressort pas des pièces du dossier que les infractions commises par M. B... l'auraient été sous la contrainte, ni qu'il disposerait de garanties de représentation suffisantes. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des articles L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que de l'erreur d'appréciation doivent être écartés.
9. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. (...) ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".
10. D'une part, le préfet de Seine-et-Marne a pu légalement prononcer une interdiction de retour à l'encontre de M. B... dès lors qu'aucun délai de départ ne lui a été accordé pour se conformer à l'obligation de quitter le territoire national prononcée à son encontre. D'autre part, le requérant ne conteste pas qu'il est célibataire et sans charge de famille en France et n'établit pas, comme cela a été exposé précédemment, qu'il aurait été contraint de commettre les infractions qui lui sont reprochées. Dès lors, le préfet de Seine-et-Marne a pu, sans méconnaître les dispositions précitées ni commettre d'erreur d'appréciation, décider de prononcer à l'encontre de l'intéressé une interdiction de retour d'une durée de deux ans.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'annulation et celles présentées sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'admission à l'aide juridictionnelle à titre provisoire de M. B....
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Seine-et-Marne.
Délibéré après l'audience du 3 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Ivan Luben, président de chambre,
- M. Stéphane Diémert, président assesseur,
- Mme Irène Jasmin-Sverdlin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 novembre 2024.
La rapporteure,
I. C...Le président,
I. LUBEN
La greffière,
Y. HERBER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 24PA00700 2