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07/11/2024 | FRANCE | N°24PA00959

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 1ère chambre, 07 novembre 2024, 24PA00959


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :





M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle, d'annuler les décisions du 6 octobre 2021 par lesquelles le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination de sa reconduite, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze

mois et l'a signalé dans le système d'information Schengen et d'enjoindre au préfet de réexaminer sa s...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle, d'annuler les décisions du 6 octobre 2021 par lesquelles le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination de sa reconduite, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois et l'a signalé dans le système d'information Schengen et d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation de séjour l'autorisant à travailler.

Par un jugement no 2113837 du 6 janvier 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montreuil a admis M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et a rejeté le surplus des conclusions de sa requête.

Procédure devant la Cour avant cassation :

M. B... a demandé à la Cour d'annuler le jugement no 2113837 du 6 janvier 2022 du tribunal administratif de Montreuil, d'annuler les décisions du 6 octobre 2021 par lesquelles le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination de sa reconduite, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois et l'a signalé dans le système d'information Schengen et d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation de séjour l'autorisant à travailler. Il a également demandé à la Cour de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 3 000 euros, en application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé, en ne mentionnant pas les éléments de fait relatifs à son état de santé et à sa situation professionnelle ;

- les décisions d'obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination sont insuffisamment motivées et révèlent un défaut d'examen sérieux de sa situation ;

- ces décisions ont été prises en méconnaissance de son droit à être entendu ;

- ces décisions méconnaissent les dispositions des articles L. 611-3 9° et R. 425-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elles sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision de refus de départ volontaire est insuffisamment motivée et entachée de défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- cette décision a été prise en violation des dispositions des articles L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur de droit au regard des dispositions des articles L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que le préfet de police s'est cru en situation de compétence liée ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant interdiction de retour est insuffisamment motivée et est entachée de défaut d'examen ;

- cette décision a été prise en violation de l'article L. 612-10 et du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Par une ordonnance du 26 janvier 2023, le président de la 9ème chambre de la Cour a rejeté la requête comme irrecevable en raison de sa tardiveté, estimant que le requérant avait sollicité le bénéfice de l'aide juridictionnelle après l'expiration du délai d'appel.

Par une décision n° 474675 du 22 février 2024, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé cette ordonnance, en estimant que la requête de M. B... n'était pas tardive et a renvoyé l'affaire devant la Cour, où elle a été enregistrée sous le n° 24PA00959.

Procédure devant la Cour après cassation :

Les parties n'ont pas produit de nouveaux mémoires.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris en date du 7 novembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêtés du 6 octobre 2021, le préfet de police a obligé M. B..., ressortissant mauritanien né le 4 juillet 1986, à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de sa reconduite et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois et l'a signalé dans le système d'information Schengen. Par un jugement no 2113837 du 6 janvier 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montreuil a admis M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et a rejeté le surplus des conclusions de sa requête. Par une ordonnance du 26 janvier 2023, le président de la 9ème chambre de la Cour a rejeté la requête comme irrecevable en raison de sa tardiveté, estimant que le requérant avait sollicité le bénéfice de l'aide juridictionnelle après l'expiration du délai d'appel. Par une décision n° 474675 du 22 février 2024, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé cette ordonnance, en estimant que la requête de M. B... n'était pas tardive et a renvoyé l'affaire devant la Cour, où elle a été enregistrée sous le n° 24PA00959.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. M. B... soutient que le jugement attaqué est entaché d'une insuffisance de motivation au point 5, dès lors que la première juge n'a pas mentionné les éléments relatifs à son état de santé et à sa situation professionnelle. Toutefois ce moyen tel qu'il est formulé, en ce qu'il met en cause l'insuffisante prise en considération par la première juge de ces éléments, relève du bien-fondé du jugement et est, par suite, sans incidence sur sa régularité. En tout état de cause, le jugement attaqué, qui n'était pas tenu de faire mention de l'ensemble des éléments versés au dossier et des arguments de l'intéressé, est suffisamment motivé au regard des dispositions de l'article L. 9 du code de justice administrative.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination :

3. En premier lieu, M. B... reprend en appel, avec la même argumentation qu'en première instance, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation, du défaut d'examen particulier de sa situation personnelle, de la méconnaissance de son droit d'être entendu et de la violation des dispositions des articles L. 611-3 et R. 425-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par la première juge aux points 5, 6, 8 et 10 du jugement attaqué.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

5. M. B... soutient qu'il est entré en France en juillet 2018, qu'il y réside depuis lors et y est bien intégré socialement et professionnellement. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le requérant est célibataire et sans charge de famille en France et n'établit pas qu'il serait dépourvu d'attaches privées et familiales dans son pays d'origine, dans lequel il a vécu jusqu'à l'âge de 32 ans. Dans ces conditions, le préfet de police a pu, sans méconnaître les stipulations précitées, ni entacher sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation de l'intéressé, obliger M. B... à quitter le territoire français.

6. En dernier lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.

En ce qui concerne la légalité de la décision d'obligation de refus de délai de départ volontaire :

7. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision de refus de délai de départ volontaire doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision d'obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.

8. En deuxième lieu, la décision attaquée mentionne l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et précise qu'il existe un risque que M. B... se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet dès lors qu'il s'est soustrait à une précédente mesure d'éloignement du 10 décembre 2019 et qu'il ne présente pas de garanties de représentation suffisantes dans la mesure où il ne peut présenter de documents d'identité ou de voyage en cours de validité et il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale. Elle comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.

9. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police n'aurait pas procédé à un examen sérieux de la situation personnelle de M. B... avant de prendre la décision attaquée refusant de lui accorder un délai de départ volontaire.

10. En quatrième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police se serait cru en situation de compétence liée pour prendre la décision en litige.

11. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustrait à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière dans les cas suivants : (...) 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale (...) ".

12. Si M. B... soutient qu'il possède des garanties de représentation suffisantes, il ne produit aucun document de nature à établir qu'il dispose de telles garanties et ne conteste pas s'être soustrait à une précédente mesure d'éloignement prise à son encontre le 10 décembre 2019. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des articles L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que de l'erreur d'appréciation doivent être écartés.

13. En dernier lieu, le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales sera écarté pour les motifs exposés au point 5 du présent arrêt.

En ce qui concerne la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire français :

14. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. (...) ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".

15. En premier lieu, d'une part, la décision attaquée vise l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et indique, notamment, que le requérant allègue être entré sur le territoire national le 30 juillet 2018, qu'il se déclare célibataire et sans enfant et qu'il a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement le 10 décembre 2019. Elle comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. D'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police n'aurait pas procédé à un examen sérieux de la situation personnelle de M. B....

16. En second lieu, d'une part, le préfet de police a pu légalement prononcer une interdiction de retour à l'encontre de M. B... dès lors qu'aucun délai de départ ne lui a été accordé pour se conformer à l'obligation de quitter le territoire national prononcée à son encontre. D'autre part, le requérant ne conteste pas qu'il ne réside en France que depuis juillet 2018 et qu'il a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement le 10 décembre 2019, qu'il n'a pas exécutée. Dès lors, le préfet de police a pu, sans méconnaître les dispositions précitées ni commettre d'erreur d'appréciation, décider de prononcer à l'encontre de l'intéressé une interdiction de retour d'une durée de douze mois.

17. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'annulation, d'injonction, tout comme celles présentées au titre des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 3 octobre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- M. Stéphane Diémert, président-assesseur,

- Mme Irène Jasmin-Sverdlin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 novembre 2024.

La rapporteure,

I. C...Le président,

I. LUBEN

La greffière,

Y. HERBER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24PA00959


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24PA00959
Date de la décision : 07/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Irène JASMIN-SVERDLIN
Rapporteur public ?: M. GOBEILL
Avocat(s) : LENGRAND

Origine de la décision
Date de l'import : 10/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-07;24pa00959 ?
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