La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/11/2024 | FRANCE | N°23PA03356

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 8ème chambre, 19 novembre 2024, 23PA03356


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 8 mai 2023 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de vingt-quatre mois.



Par un jugement n° 2305555 du 29 juin 2023, la magistrate désignée par le présiden

t du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 8 mai 2023 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de vingt-quatre mois.

Par un jugement n° 2305555 du 29 juin 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 26 juillet 2023, M. A... représenté par Me Berdugo, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2305555 du 29 juin 2023 de la magistrate désignée du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler l'arrêté du 8 mai 2023 du préfet de la Seine-Saint-Denis ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer une autorisation de séjour et de réexaminer sa situation administrative dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- elle méconnaît son droit d'être entendu préalablement à la prise de la décision en méconnaissance des articles 41, 47 et 48 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que sa relation avec une ressortissante française n'a pas été prise en considération ;

S'agissant de la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire :

- elle est entachée d'une erreur de fait dès lors qu'il dispose d'un passeport en cours de validité et justifie d'une adresse stable ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation ;

- elle méconnaît les dispositions des articles L. 612-2 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il n'a jamais été condamné pour les faits qui lui sont reprochés et qu'il ne résidait pas en France à la date de la première mesure d'éloignement ;

S'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle n'a pas été précédée d'un examen réel et sérieux de sa situation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Collet a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant algérien né le 31 mars 1992, est entré en France en mai 2019 selon ses déclarations. Par un arrêté du 8 mai 2023, le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de vingt-quatre mois. Par jugement n° 2305555 du 29 juin 2023, dont M. A... relève appel, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée (...) ".

3. D'une part, la décision en litige vise la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment son article 8, ainsi que les dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment son article L. 611-1. D'autre part, la décision mentionne que M. A..., de nationalité algérienne, n'a pas été en mesure de présenter de document transfrontière au moment de son interpellation, qu'il n'était pas titulaire d'un titre de séjour en cours de validité et qu'il n'a effectué aucune démarche administrative pour régulariser sa situation. En outre, la décision en litige précise que M. A... ne justifie pas de l'intensité, de l'ancienneté et de la stabilité de ses liens personnels en France ou de conditions d'existence pérennes, ni même d'une insertion particulièrement forte dans la société française et que, compte tenu des circonstances propres au cas d'espèce, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée aux droits de l'intéressé et notamment à sa vie privée et familiale en France. Dans ces conditions la décision en litige comporte l'énoncé suffisant des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

4. En deuxième lieu, il ne ressort ni des pièces du dossier ni des termes de la décision contestée que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. A....

5. En troisième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

6. M. A... ne peut se prévaloir à la date de la mesure d'éloignement contestée, soit le 8 mai 2023, que d'une durée de séjour relativement brève, de surcroît dans des conditions irrégulières. En outre, il ne justifie d'aucune insertion professionnelle stable et ancienne sur le territoire. De plus, s'il déclare entretenir une relation avec une ressortissante française depuis un an et demi, les pièces qu'il produit ne permettent pas d'établir l'intensité des liens dont il se prévaut. Par ailleurs, le requérant n'apporte aucun élément précis sur les autres liens qu'il aurait pu nouer en France, ne justifie d'aucune circonstance de nature à faire obstacle à ce qu'il poursuive normalement sa vie à l'étranger et, en particulier, en Algérie où il n'allègue pas sérieusement être dépourvu de toute attache privée et familiale. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision contestée portant obligation de quitter le territoire français n'a pas porté au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels cette mesure a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

7. En quatrième lieu, si le moyen tiré de la violation de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne par un Etat membre de l'Union européenne est inopérant, dès lors qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que cet article ne s'adresse qu'aux organes et aux organismes de l'Union, le droit d'être entendu, qui fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union, implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Il revient à l'intéressé d'établir devant le juge chargé d'apprécier la légalité de la mesure d'éloignement que les éléments qu'il n'a pas pu présenter à l'administration auraient pu influer sur le sens de cette décision et il appartient au juge saisi d'une telle demande de vérifier, lorsqu'il estime être en présence d'une irrégularité affectant le droit d'être entendu, si, eu égard à l'ensemble des circonstances de fait et de droit spécifiques de l'espèce, cette violation a effectivement privé celui qui l'invoque de la possibilité de mieux faire valoir sa défense dans une mesure telle que cette procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent.

8. Eu égard à ce qui a été exposé au point 6, le fait que M. A... n'ait pas pu, selon ses allégations, faire valoir qu'il entretenait une relation avec une ressortissante française, ne peut être regardé dans les circonstances de l'espèce comme ayant été de nature à avoir eu une incidence sur le sens de la décision qui a été prise par le préfet de la Seine-Saint-Denis, dès lors qu'il ne donne aucune information pertinente tenant à cette relation qui aurait été de nature à faire obstacle à la décision l'obligeant à quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de son droit à être entendu doit être écarté. En outre, les moyens tirés de la violation des articles 47 et 48 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, alors au demeurant que la mesure de police dont fait l'objet M. A... ne revêt pas le caractère d'une sanction, ne sont pas assortis des précisions suffisantes permettant au juge d'en apprécier le bien-fondé.

9. En cinquième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6, le préfet de la Seine-Saint-Denis, en obligeant M. A... à quitter le territoire français, n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle.

Sur la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :

10. En premier lieu, aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. (...) ". Aux termes de l'article L. 612-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; / (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Enfin aux termes de l'article L. 612-3 de ce code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / (...) 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour (...) ".

11. M. A... a produit pour la première fois en appel un document d'identité en cours de validité ainsi qu'une ordonnance médicale, un compte rendu des urgences, un avis d'arrêt de travail et une analyse médicale et une attestation d'hébergement. S'il justifie être hébergé à la même adresse depuis le 10 juillet 2021, aucun élément ne démontre qu'il résidait sur le territoire français pendant les années 2019 et 2020 et qu'il justifiait d'un hébergement stable. Si le requérant soutient ne pas avoir fait l'objet d'une précédente obligation de quitter le territoire français et ne pas avoir été condamné pour les faits qui lui sont reprochés dans la décision contestée, il résulte de l'instruction que le préfet aurait pris la même décision de refus de délai de départ volontaire en se fondant sur le motif, au demeurant non contesté que M. A..., qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour et n'a ainsi pas cherché à régulariser sa situation. Dans ces conditions, le préfet de la Seine-Saint-Denis, en estimant qu'il existait un risque que l'intéressé se soustraie à la mesure d'éloignement en litige et, en conséquence, en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, n'a pas commis d'erreur de droit au regard des dispositions précitées du 3° de l'article L. 612-2 et de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'a pas commis d'erreur de fait.

12. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 11, le préfet de la Seine-Saint-Denis, en obligeant M. A... à quitter le territoire français sans délai, n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle.

Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

13. En premier lieu, aux termes de l'article L. 613-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les décisions (...) d'interdiction de retour (...) sont distinctes de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Elles sont motivées ".

14. D'une part, la décision en litige vise la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment son article 8, ainsi que les dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment son article L. 611-6. D'autre part, la décision mentionne que M. A..., de nationalité algérienne constitue une menace pour l'ordre public. En outre, la décision en litige précise que ce dernier ne justifie pas de l'intensité, de l'ancienneté et de la stabilité de ses liens personnels en France ou de conditions d'existence pérennes, ni même d'une insertion particulièrement forte dans la société française. Dans ces conditions la décision en litige comporte l'énoncé suffisant des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

15. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français contestée n'aurait pas été précédée d'un examen réel et sérieux de sa situation.

16. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 6 et 9, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entachée la décision portant interdiction de retour sur le territoire français ne peuvent qu'être écartés.

17. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 29 juin 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 mai 2023 du préfet de la Seine-Saint-Denis. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'annulation, d'injonction sous astreinte et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 18 octobre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Menasseyre, présidente,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- Mme Collet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 novembre 2024.

La rapporteure,

A. Collet La présidente,

A. Menasseyre

La greffière,

N. Couty

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA03356


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA03356
Date de la décision : 19/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MENASSEYRE
Rapporteur ?: Mme Aude COLLET
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : CABINET KOSZCZANSKI & BERDUGO

Origine de la décision
Date de l'import : 23/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-19;23pa03356 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award