Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Sodexo Justice Services a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser la somme de 10 290 euros au titre de pénalités qui lui ont été infligées au titre de défauts de menuiserie.
Par un jugement n° 2100430/3-3 du 13 décembre 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 13 février 2023 et le 30 mai 2024, la société Sodexo Justice Services, représentée par la Selarl Cabanes-Neveu et associés, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 13 décembre 2022 ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 10 290 euros au titre de pénalités qui lui ont été infligées pour des défauts de menuiserie ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête et les mémoires qu'elle a présentés devant les premiers juges n'ont pas été correctement analysés ;
- le courrier du ministre de la justice, dépourvu d'observations, a été visé à tort comme constituant un mémoire en défense ;
- en l'absence de défense de l'administration, elle n'était pas tenue d'apporter des éléments " précis et circonstanciés " pour permettre d'apprécier le bien-fondé de ses prétentions ;
- les éléments qu'elle produit permettent de démontrer que les défauts de menuiseries pénalisés résultent de dégradations individuelles volontaires ;
- les signalements concernés sont identiques à d'autres signalements dont ceux sur lesquels se sont déjà prononcés le tribunal administratif de Paris et la cour administrative d'appel de Paris et pour lesquelles les dégradations individuelles volontaires ont été admises.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 mai 2024, le garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société Sodexo Justice Services ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 16 mai 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 18 juin 2024.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des marchés publics ;
- l'arrêté du 19 janvier 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de fournitures courantes et de services (CCAG-FCS),
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bruston,
- les conclusions de Mme Lipsos, rapporteure publique,
- et les observations de Me Pezin, représentant la société Sodexo Justice Services, et de M. A..., juriste dûment mandaté, représentant le garde des sceaux, ministre de la justice.
Considérant ce qui suit :
1. Par un acte d'engagement du 5 octobre 2015, le ministre de la justice a confié à la société Sodexo Justice Services le marché public MGD - 2015 A multiservices multitechnique assurant le fonctionnement courant de plusieurs établissements pénitentiaires. Dans le cadre de l'exécution du lot A4, l'administration pénitentiaire a appliqué à la société Sodexo Justice Services des pénalités pour un montant total de 10 290 euros, relatives à un défaut de maintenance de l'état des menuiseries de plusieurs établissements pénitentiaires. La société Sodexo Justice Services relève appel du jugement du 13 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 10 290 euros, correspondant au montant de ces pénalités.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision mentionne que l'audience a été publique, sauf s'il a été fait application des dispositions de l'article L. 731-1. (...) / Elle contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. (...) ".
3. Il résulte de l'examen du jugement attaqué que celui-ci a visé le mémoire en défense présenté par le ministre de la justice en réponse à la requête présentée par la société
Sodexo Justice Services, en précisant qu'il entendait s'en remettre à la sagesse du tribunal. Par suite, la société Sodexo Justice Service n'est pas fondée à soutenir que le jugement du
tribunal administratif de Paris est entaché d'irrégularité et à en demander l'annulation au motif que ce mémoire n'aurait pas été correctement analysé.
4. En second lieu, il résulte des motifs mêmes du jugement que le tribunal administratif de Paris a expressément répondu aux moyens contenus dans les mémoires produits par la requérante. En particulier, le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, a précisé que la société requérante n'apportait pas d'éléments " précis et circonstanciés " permettant de démontrer que les défauts de menuiseries constatés résultaient de dégradations individuelles volontaires. Par ailleurs, la circonstance que le tribunal aurait, ce faisant, inversé la charge de la preuve en l'absence de défense de l'administration relève du
bien-fondé du jugement et non de sa régularité. Par suite, la société Sodexo Justice Service n'est pas fondée à soutenir que le jugement serait insuffisamment motivé et à en demander l'annulation pour ce motif.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
5. L'article 1er du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) applicable au marché en litige définit la dégradation individuelle volontaire comme une " dégradation résultant d'une action fautive délibérée de son ou de ses auteurs, à savoir une dégradation dont la nature serait propre à conduite : (1) à une mesure disciplinaire pour le ou les détenus responsables, qu'ils soient identifiés ou non ;(...) ". Aux termes de l'article 24.6 de ce même CCAP : " Le défaut constaté n'aboutira pas à l'application d'une pénalité, lorsque le titulaire apporte la preuve que le défaut constaté est directement imputable à l'une des situations mentionnées ci-dessous sous réserve que le titulaire ait pris, dans les meilleurs délais, toutes les mesures raisonnablement envisageables pour atténuer l'incidence de ces contraintes ou de cet événement sur l'exécution de ses obligations : (...) - dégradations relevant de la responsabilité de l'Etat ; (...). ".
6. Il résulte de l'instruction que les pénalités en litige ont été infligées à la société
Sodexo Justice Services en raison de dégradation affectant divers éléments de menuiseries, à savoir une ou plusieurs fissures sur l'ouvrant des fenêtres des cellules 003, 018, 021, 104 et 204. La société, qui ne conteste pas la réalité des dégradations constatées, soutient que ces défauts, qui ne lui sont pas imputables, devaient être qualifiés de dégradations individuelles volontaires au sens du contrat. Toutefois, si elle fait référence aux " contraintes mécaniques autres que le propre poids de la menuiserie ", mentionnées dans l'attestation du fournisseur " Menuiserie Castes " de
juillet 2018, cette attestation concerne la casse d'angle d'une fenêtre en particulier dont rien ne permet de penser qu'elle est concernée par les défauts en cause dans la présente instance. Il n'est pas davantage démontré que les fenêtres ayant fait l'objet du signalement litigieux faisaient partie de la même commande auprès du même fournisseur. Par ailleurs, si un détenu a reconnu avoir cassé une fenêtre, il résulte de l'instruction que cette fenêtre n'est pas au nombre de celles ayant fait l'objet du signalement à l'origine des pénalités en litige. Dans ces conditions, alors qu'il résulte des stipulations précitées que, pour prétendre à la décharge des pénalités, il appartient au titulaire d'apporter la preuve que les dégradations en cause relèvent de la responsabilité de l'Etat, la société Sodexo Justice Services ne justifie par aucun élément, ainsi que l'ont relevé à bon droit les premiers juges, que les fissures constatées sur les menuiseries seraient dues, comme elle le soutient, à l'action de détenus ayant bloqué les ouvrants avec des linges.
7. Il résulte de ce qui précède que la société Sodexo Justice Services n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur les frais de l'instance :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la société Sodexo Justice Services au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société Sodexo Justice Services est rejetée.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à la Sodexo Justice Services et au garde des sceaux, ministre de la justice.
Délibéré après l'audience du 22 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Doumergue, présidente,
Mme Bruston, présidente assesseure,
M. Mantz, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 décembre 2024.
La rapporteure,
S. BRUSTON
La présidente,
M. DOUMERGUELa greffière,
E. FERNANDO
La République mande et ordonne au ministre de la justice en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23PA00604 2