Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... et la société par actions simplifiée F. Rome, ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 22 juin 2022 par laquelle le maire de Paris a refusé de les autoriser à installer deux terrasses ouvertes au droit de leur établissement, rue du Cardinal D... et rue Rollin, dans le Vème arrondissement.
Par un jugement n° 2216383 du 27 mai 2024, le tribunal administratif de Paris a annulé cette décision en tant seulement qu'elle leur refuse l'autorisation d'installer une terrasse ouverte de 12 mètres de long sur un mètre de large le long de leur établissement rue Rollin.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 29 juillet 2024, la Ville de Paris, représentée par Me Falala (AARPI Artemont), demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2216383 du 27 mai 2024 du tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B... A... et la société par actions simplifiée F. Rome devant le tribunal administratif de Paris ;
3°) de mettre à la charge des demandeurs de première instance le versement d'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les premiers juges ont commis une erreur de droit en regardant la rue Rollin comme une aire piétonne, dès lors que, dépourvue de trottoirs sur toute sa longueur et constituée par la chaussée au sens de l'article R. 110-2 du code de la route, elle entre dans le champ d'application de l'article DG 5 du règlement parisien des étalages et terrasses et, en outre, qu'une aire piétonne peut n'être pas interdite en tout temps à la circulation ;
- les lieux présentent un caractère certain de dangerosité, eu égard au risque constitué par les véhicules opérant des livraisons ;
- les dispositions de l'article DG 11 du règlement parisien des étalages et terrasses, invocables à titre de substitution de motif, permettent également de rejeter la demande, dès lors qu'il n'est pas possible de respecter dans les lieux en cause les exigences liées aux conditions satisfaisantes de sécurité des piétons.
Par un mémoire en défense enregistré le 20 septembre 2024, M. A... et la société par actions simplifiée F. Rome, représentés par Me Barone concluent au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de la Ville de Paris en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de la route ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Stéphane Diémert,
- les conclusions de M. Jean-François Gobeill, rapporteur public,
- et les observations de Me Falala, avocat de la Ville de Paris.
Considérant ce qui suit :
1. La société par actions simplifiée F. Rome, qui exploite, en tant que locataire-gérant, un fonds de commerce de restauration, propriété de M. B... A..., sis 81, rue du Cardinal D... dans le Vème arrondissement de Paris, a déposé, le 29 avril 2022, une demande d'installation de deux terrasses ouvertes, l'une de 8 mètres de long sur 0,60 mètre de large sur le trottoir au droit de son établissement rue du Cardinal D..., l'autre de 12 mètres de long sur un mètre de large au droit de son établissement rue Rollin, qui a été rejetée par une décision du maire de Paris du 22 juin 2022. La société F. Rome et M. A... en ayant demandé l'annulation au tribunal administratif de Paris, cette juridiction a fait partiellement droit à leur demande, par un jugement du 27 mai 2024, en annulant la décision contestée en tant qu'elle refuse l'installation d'une terrasse dans la rue Rollin. La Ville de Paris interjette appel de ce jugement devant la Cour.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. D'une part, aux termes de l'article DG.1 de l'arrêté de la maire de Paris du 11 juin 2021 portant règlement de l'installation des étalages et terrasses sur la voie publique ainsi que des contre-étalages et contreterrasses, des commerces accessoires aux terrasses et des dépôts de matériel ou objets divers devant les commerces et des terrasses estivales : " Toute occupation du domaine public viaire par une installation - étalages et contre-étalages, contre-étalages sur stationnement, terrasses fermées, terrasses ouvertes, contre-terrasses, contre-terrasses sur stationnement, terrasses estivales et autres occupations du domaine public de voirie (commerces accessoires, tambours d'entrée, écrans, jardinières, planchers mobiles) au droit des établissements à caractère commercial ou artisanal - est soumise à autorisation préalable délivrée par le Maire de Paris, après dépôt d'une demande auprès de ses services et après consultation pour avis du Préfet de Police et du Maire d'arrondissement. ". Aux termes de l'article DG.5 de ce même règlement : " Les occupations et installations du domaine public viaire sur chaussée sont interdites dans les voies ouvertes en tout temps à la circulation sous réserves des dispositions particulières applicables aux contre-terrasses (article 4.2 du titre II du présent règlement) et contre-étalages de commerces de fleurs (article 1.3.3 du titre II du présent règlement). / (...). ".
3. D'autre part, aux termes de l'article R. 110-2 du code de la route : " Pour l'application du présent code, les termes ci-après ont le sens qui leur est donné dans le présent article : / - aire piétonne : section ou ensemble de sections de voies en agglomération, hors routes à grande circulation, constituant une zone affectée à la circulation des piétons de façon temporaire ou permanente. Dans cette zone, (...) seuls les véhicules nécessaires à la desserte interne de la zone sont autorisés à circuler à l'allure du pas et les piétons sont prioritaires sur ceux-ci. Les entrées et sorties de cette zone sont annoncées par une signalisation ; / (...) / - chaussée : partie (s) de la route normalement utilisée (s) pour la circulation des véhicules ; / (...). ".
4. Pour s'opposer à l'autorisation demandée, l'arrêté attaqué retient comme motifs que : " l'installation projetée rue Rollin, voie ouverte à la circulation automobile, ne satisfait pas aux conditions de sécurité en raison de la présence de bornes contre la façade et de l'absence de trottoir, ne permet pas l'installation projetée (article DG.5 de l'arrêté municipal du 11 juin 2021 portant règlement des étalages et des terrasses installés sur la voie publique). ".
5. Il ressort des pièces du dossier que l'entrée de la rue Rollin ne comporte aucune signalisation annonçant une " aire piétonne " au sens des dispositions précitées du code de la route, non plus qu'y interdisant la circulation des véhicules, et que la voie ne comporte aucun trottoir. Dès lors, et à l'exception de la bande très restreinte de part et d'autre de la rue, le long des immeubles, délimitée par la présence de plots de granit empêchant la circulation des véhicules et garantissant la protection des piétons, cette rue doit être regardée comme une voie ouverte en tout temps à la circulation, sur la chaussée de laquelle les occupations et installations du domaine public viaire sont interdites par les dispositions précitées de l'article DG.5 du règlement de l'installation des étalages et terrasses sur la voie publique ainsi que des contre-étalages et contreterrasses, des commerces accessoires aux terrasses et des dépôts de matériel ou objets divers devant les commerces et des terrasses estivales.
6. La Ville de Paris est ainsi fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du maire de Paris en date du 22 juin 2022 en tant qu'elle a refusé à la société F. Rome et à M. A... l'installation d'une terrasse dans la rue Rollin.
7. Il y a dès lors lieu pour la Cour d'examiner, par l'effet dévolutif de l'appel, les autres moyens articulés en première instance à l'encontre de la décision litigieuse.
8. En premier lieu, par un arrêté du 15 mars 2022, régulièrement publié au bulletin municipal officiel de la Ville de Paris du 18 mars 2022, le maire de Paris a donné délégation à M. E... C..., adjoint à la cheffe de circonscription sud, signataire de l'arrêté contesté, en vue de signer, notamment, les arrêtés, actes, décisions ou correspondances concernant l'occupation temporaire du domaine public par les étalages et terrasses. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué doit être écarté.
9. En deuxième lieu, si les commerces déjà autorisés à installer des terrasses bénéficient, par rapport à l'établissement des requérants, d'un avantage, ce dernier résulte, non de la décision de refus litigieuse, mais des autorisations précédemment accordées et les requérants ne peuvent, par suite, pas utilement invoquer en l'espèce le moyen tiré de l'atteinte au principe de la concurrence à l'encontre de cette décision. En outre, la circonstance que des concurrents situés à proximité de l'établissement des requérants, dans la même rue, disposent d'une autorisation de terrasse ouverte ne caractérise pas, par elle-même une rupture d'égalité de traitement, dès lors qu'il n'est pas établi qu'ils se trouveraient dans une situation de fait identique au regard des dispositions règlementaires applicables.
10. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 ou l'utiliser dans des limites dépassant le droit d'usage qui appartient à tous. / (...). ". Il résulte de ces dispositions que nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public. Eu égard aux exigences qui découlent tant de l'affectation normale du domaine public que des impératifs de protection et de bonne gestion de ce domaine, l'existence de relations contractuelles en autorisant l'occupation privative ne peut se déduire de sa seule occupation effective, même si celle-ci a été tolérée par l'autorité gestionnaire et a donné lieu au versement de redevances domaniales. En conséquence, une convention d'occupation du domaine public ne peut être tacite et doit revêtir un caractère écrit.
11. Enfin, en raison de leur présentation tronquée et de leur défaillance syntaxique qui, affectant leur intelligibilité, ne permettent pas à la Cour d'en saisir la portée, les développements du mémoire en défense précédés de la mention : " sur l'erreur de plume ", à supposer même qu'ils soient conçus par leur auteur comme l'expression d'un moyen de droit, ne viennent utilement au soutien d'aucune conclusion des intimés, dont les conclusions se bornent à demander de confirmer le jugement attaqué.
12. Il résulte de tout ce qui précède que la Ville de Paris est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a prononcé l'annulation de la décision du maire de Paris en date du 22 juin 2022 en tant qu'elle a refusé à la société F. Rome et à M. A... l'installation d'une terrasse dans la rue Rollin. Il y a donc lieu, dans cette mesure, d'annuler ce jugement et de rejeter le surplus de la demande présentée par la société par actions simplifiée F. Rome et M. A... devant ce tribunal.
Sur les frais de l'instance :
13. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser chacune des parties supporter ses propres frais, et de rejeter en conséquence leurs conclusions fondée sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2216383 du 27 mai 2024 du tribunal administratif de Paris est annulé en tant qu'il a prononcé l'annulation de la décision du maire de Paris en date du 22 juin 2022, en tant qu'elle a refusé à la société par actions simplifiée F. Rome et à M. A... l'autorisation d'installer une terrasse ouverte de 12 mètres de long sur un mètre de large le long de leur établissement sis rue Rollin dans le Vème arrondissement.
Article 2 : Le surplus de la demande présentée par la société par actions simplifiée F. Rome et M. A... devant le tribunal administratif de Paris est rejeté.
Article 3 : Les conclusions des parties fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la Ville de Paris, à M. B... A... et à la société par actions simplifiée F. Rome.
Copie en sera adressée au préfet de la région Île-de-France, préfet de Paris.
Délibéré après l'audience du 19 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Ivan Luben, président de chambre,
- M. Stéphane Diémert, président-assesseur,
- Mme Irène Jasmin-Sverdlin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 décembre 2024.
Le rapporteur,
S. DIÉMERTLe président,
I. LUBEN
La greffière,
Y. HERBER
La République mande et ordonne au préfet de la région Île-de-France, préfet de Paris en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24PA03399