Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 30 janvier 2023 par lequel la préfète du Val-de-Marne a refusé son admission exceptionnelle au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination d'une mesure d'éloignement.
Par un jugement n° 2305907 du 11 janvier 2024, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, un mémoire et des pièces enregistrés les 9 et 16 février, 26 mars et 25 avril 2024, Mme A..., représentée par Me Pelardis, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2305907 du 11 janvier 2024 du tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler l'arrêté du 30 janvier 2023 ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Val-de-Marne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer, dans l'attente de cet examen, une autorisation provisoire de séjour, dans les mêmes délais et astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, au profit de son conseil, la somme de 2 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- l'arrêté contesté n'est pas signé par une autorité compétente ;
-l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ;
- il a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière en l'absence de consultation de la commission du titre de séjour ;
- il méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
Par un mémoire en défense enregistré le 29 février 2024, la préfète du Val-de-Marne a conclu au rejet de la requête de Mme A....
Elle soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 3 avril 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Collet a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante ivoirienne née le 17 mars 1991 et entrée en France le 8 juin 2012 sous couvert d'un visa italien d'une durée de vingt-quatre jours, a sollicité son admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 30 janvier 2023 la préfète du Val-de-Marne a rejeté sa demande de délivrance de titre de séjour, l'a obligée à quitter sans délai le territoire français en fixant le pays de destination. Mme A... a demandé au tribunal administratif de Melun l'annulation de cet arrêté. Par jugement n° 2305907 du 11 janvier 2024, dont Mme A... relève appel, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Sur la légalité de l'arrêté contesté :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. Même si certaines périodes ne sont pas entièrement couvertes par les pièces produites, Mme A... établit une présence ancienne sur le territoire français, sur lequel elle est entrée à l'âge de 21 ans, au mois de juillet 2012, soit plus de dix ans avant l'arrêté contesté. Il ressort des pièces du dossier que son frère et ses cinq sœurs, tous ressortissants français ou titulaires d'un titre de séjour, vivent en France. Elle démontre que ses deux parents sont décédés. Elle est la mère d'un enfant né le 13 mars 2019 et dont le père est un compatriote titulaire d'un titre de séjour pluriannuel qui expirait le 16 janvier 2024 et qui habite à une adresse différente. Leur enfant, qu'elle élève donc seule, souffre de troubles du spectre autistique nécessitant une prise en charge en hôpital de jour et n'est que partiellement scolarisé en maternelle cette situation entravant la possibilité pour Mme A... d'exercer une activité professionnelle. Eu égard à l'âge de Mme A... lors de son entrée en France, à la durée de son séjour sur le sol français, aux liens affectifs et familiaux qui l'attachent à la France et à l'absence de liens conservés dans son pays d'origine, elle doit être regardée, dans les circonstances particulières de l'espèce, comme établissant que le centre de ses intérêts personnels et familiaux se trouve en France. Elle est, par suite, fondée à soutenir qu'en prenant l'arrêté contesté, la préfète du Val-de-Marne a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
4. Il résulte de ce qui précède que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Eu égard au motif d'annulation ci-dessus retenu, le présent arrêt implique nécessairement que l'autorité administrative délivre à Mme A... un titre de séjour. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre à la préfète du Val-de-Marne ou à tout préfet territorialement compétent de délivrer à Mme A... une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les conclusions au titre des frais liés à l'instance :
6. Mme A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761 1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Pelardis, avocate de Mme A..., de la somme de 1 200 euros sous réserve de sa renonciation au bénéfice de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2305907 du 11 janvier 2024 du tribunal administratif de Melun et l'arrêté du 30 janvier 2023 de la préfète du Val-de-Marne sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint à la préfète du Val-de-Marne ou à tout préfet territorialement compétent de délivrer à Mme A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : L'Etat versera à Me Pelardis, avocate de Mme A..., la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761 1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve de sa renonciation au bénéfice de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à la préfète du Val-de-Marne et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Melun.
Délibéré après l'audience du 9 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Menasseyre, présidente,
- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,
- Mme Collet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 janvier 2025.
La rapporteure,
A. ColletLa présidente,
A. Menasseyre
La greffière
N. Couty
La République mande et ordonne ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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