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14/01/2025 | FRANCE | N°24PA00657

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 8ème chambre, 14 janvier 2025, 24PA00657


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 5 juin 2023 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.



Par un jugement n° 2308140 du 9 janvier 2024, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.



P

rocédure devant la cour :



Par une requête et des pièces enregistrées les 10 février, 15 avril et 5 déce...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 5 juin 2023 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2308140 du 9 janvier 2024, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des pièces enregistrées les 10 février, 15 avril et 5 décembre 2024, Mme A..., représentée par Me El Hailouch, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 9 janvier 2024 du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler l'arrêté du 5 juin 2023 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour :

- elle a été signée par une autorité incompétente ;

- elle a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière des lors que, en présence d'une résidence habituelle de plus de dix années en France, le préfet était tenu, en application des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de saisir la commission du titre de séjour ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile compte tenu de son ancienneté et de son intégration dans la société française ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est insuffisamment motivée.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Collet a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante marocaine née le 26 novembre 1989 et entrée en France le 3 janvier 2009 selon ses déclarations, a sollicité le 10 janvier 2022 la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 5 juin 2023, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée à l'issue de ce délai. Par un jugement du 9 janvier 2024, dont Mme A... relève appel, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Pour refuser à Mme A... la délivrance d'un titre de séjour, le préfet de la Seine-Saint-Denis a considéré que l'intéressée, qui a déclaré être entrée irrégulièrement en France le 3 janvier 2009, n'en justifiait pas et ne pouvait ainsi se prévaloir d'une longue présence habituelle et continue sur le territoire français depuis cette date, qu'elle ne justifiait en outre ni de l'intensité, ni de l'ancienneté et de la stabilité de ses liens personnels et familiaux en France, ni de conditions d'existence pérennes, ni même d'une insertion forte dans la société française, Mme A... étant célibataire et sans enfant, et ne démontrant ni la nécessité pour elle de rester auprès de sa sœur en France ni l'existence d'obstacle à ce qu'elle " poursuive le centre de ses intérêts privés dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de dix-neuf ans " et où réside sa mère. De même, le préfet a considéré que si l'intéressée présentait une demande d'autorisation de travail pour occuper un emploi de serveuse, elle n'avait pas obtenu cette autorisation pour exercer une activité salariée, conformément à l'avis défavorable de la plateforme interrégionale de la main d'œuvre étrangère du 27 décembre 2022 et qu'au vu de ces éléments, elle ne pouvait prétendre à une admission exceptionnelle au séjour au titre du travail.

3. Si Mme A..., qui se prévaut de sa présence habituelle en France depuis 2009 sans toutefois l'établir pour la période de 2010 à 2018, est célibataire et sans charge de famille en France et ne démontre pas être démunie d'attaches familiales dans son pays d'origine, où réside, selon les mentions non contestées de l'arrêté en litige, sa mère, il ressort toutefois des pièces du dossier que la requérante, qui justifie depuis le 23 janvier 2019 d'un contrat à durée indéterminée à temps plein pour un emploi de serveuse, exerce ainsi une activité professionnelle stable au sein de la même entreprise depuis quatre ans et six mois à la date de la décision en litige et que cette entreprise, qui fait état au soutien de la demande de titre de séjour de Mme A... d'un accroissement de son activité, avait déjà déposé une demande d'autorisation de travail en sa faveur le 20 août 2021. Il ressort en outre de l'examen des pièces du dossier que l'intéressée justifie d'un logement personnel depuis le mois d'avril 2018 et qu'elle dispose d'attaches familiales en France dès lors que sa sœur réside, selon les mentions de la décision en litige, également en France. Dans ces conditions, eu égard aux circonstances particulières de l'espèce, notamment à l'ancienneté et à la stabilité de son insertion professionnelle dans un métier qui connaît des difficultés de recrutement en région Île-de-France, et alors que la seule circonstance qu'elle n'ait pas obtenu d'autorisation de travail n'est pas de nature à faire obstacle, par elle-même, à une admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié, Mme A... est fondée à soutenir qu'en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, le préfet de la Seine-Saint-Denis a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'exercice de son pouvoir de régularisation. Il s'ensuit que la décision du 5 juin 2023 du préfet de la Seine-Saint-Denis refusant de délivrer à Mme A... un titre de séjour doit être annulée. Il en est de même, par voie de conséquence, des décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de renvoi, qui sont ainsi dépourvues de base légale.

4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 juin 2023 du préfet de la Seine-Saint-Denis.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Eu égard au motif d'annulation de l'arrêté contesté ci-dessus retenu, le présent arrêt implique nécessairement que l'autorité administrative délivre à Mme A... un titre de séjour. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis ou à tout préfet territorialement compétent de délivrer à Mme A... une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les conclusions au titre des frais liés à l'instance :

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante dans la présente instance, la somme de 1 200 euros à verser à Mme A... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2308140 du 9 janvier 2024 du tribunal administratif de Montreuil et l'arrêté du 5 juin 2023 du préfet de la Seine-Saint-Denis sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis ou à tout préfet territorialement compétent de délivrer à Mme A... une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Mme A... la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., au préfet de la Seine-Saint-Denis et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Bobigny.

Délibéré après l'audience du 9 décembre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Menasseyre, présidente,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- Mme Collet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 janvier 2025.

La rapporteure,

A. ColletLa présidente,

A. Menasseyre

La greffière

N. Couty

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 24PA00657 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA00657
Date de la décision : 14/01/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MENASSEYRE
Rapporteur ?: Mme Aude COLLET
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : EL HAILOUCH

Origine de la décision
Date de l'import : 19/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-14;24pa00657 ?
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