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17/01/2025 | FRANCE | N°23PA05121

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 4ème chambre, 17 janvier 2025, 23PA05121


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté en date du 14 avril 2023 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours, en fixant le pays de destination, et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.



Par un jugement n° 2306176 du 9 no

vembre 2023, le tribunal administratif de Montreuil a annulé cet arrêté en tant qu'il fait interdicti...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté en date du 14 avril 2023 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours, en fixant le pays de destination, et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2306176 du 9 novembre 2023, le tribunal administratif de Montreuil a annulé cet arrêté en tant qu'il fait interdiction de retour sur le territoire français à M. A... et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 12 décembre 2023, M. A..., représenté par Me Camus, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant que le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande dirigée contre le refus de renouvellement de son titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français ;

2°) d'annuler cet arrêté en tant que le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé le renouvellement de son titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois suivant l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation administrative dans le délai d'un mois suivant l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

- elle est entachée d'un vice de procédure en ce que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), qui n'a pas été produit, ne comporte pas l'ensemble des précisions exigées par l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis et n'a pas été rendu à la suite d'une délibération collégiale ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît le 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 août 2024, le préfet de la

Seine-Saint-Denis conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 27 août 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au

27 septembre 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22,

R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Mantz a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant bangladais né le 15 juin 1972, entré sur le territoire français le 19 septembre 2016, selon ses déclarations, s'est vu délivrer un titre de séjour pour soins, valable du 9 juillet 2019 au 8 juillet 2020, renouvelé en dernier lieu jusqu'au 15 août 2022. Par un arrêté du 14 avril 2023, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté la demande de M. A... de renouvellement de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours, en fixant le pays de destination, et a pris à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. M. A... relève appel du jugement du 9 novembre 2023 en tant que le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions portant refus de renouvellement du titre de séjour et obligation de quitter le territoire français.

Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an (...) ". Aux termes de l'article 5 de l'arrêté du 27 décembre 2016 susvisé : " Le collège de médecins à compétence nationale de l'office comprend trois médecins instructeurs des demandes des étrangers malades, à l'exclusion de celui qui a établi le rapport (...) ". Enfin, aux termes de l'article 6 du même arrêté : " (...) un collège de médecins (...) émet un avis (...) précisant : / a) si l'état de santé du demandeur nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / (...) Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. / L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".

3. Il ressort des pièces du dossier que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) relatif à l'état de santé de M. A... du

25 novembre 2022, qui a été transmis à M. A... concomitamment à l'arrêté attaqué et notifié à l'intéressé le 19 avril 2023, a été rendu par trois médecins, qui avaient été désignés pour participer à ce collège par décision du directeur général de l'OFII en date du 3 octobre 2022, dont les noms sont mentionnés et qui ont signé l'avis, après rapport d'un autre médecin, qui ne faisait dès lors pas partie du collège qui a rendu l'avis. Aucun élément du dossier ne permet de douter que les signatures apposées au bas de l'avis ne seraient pas celles des trois médecins composant le collège de médecins de l'OFII, dont l'identité est précisée. Enfin, le bordereau de transmission de l'avis du collège des médecins de l'Office au préfet de police de Paris corrobore l'identité des signataires de cet avis. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de l'avis du collège des médecins de l'OFII doit être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes des dispositions de l'article R. 425-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ". Aux termes de l'article R. 425-12 de ce code : " Le rapport médical (...) est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...). / Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical (...) ". Aux termes de l'article R. 425-13 du même code : " Le collège à compétence nationale mentionné à l'article R. 425-12 est composé de trois médecins, il émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du même article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. / Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier et il n'est pas sérieusement contesté que l'avis du

25 novembre 2022 du collège de médecins de l'OFII a été émis au vu d'un rapport médical établi le 16 septembre 2022 par un médecin de l'Office, que ce médecin n'a pas siégé au sein du collège de médecins de l'OFII qui a rendu cet avis et que ce collège comprenait trois médecins de l'Office, tous désignés par une décision du 3 octobre 2022 du directeur général de l'OFII. En outre, s'il résulte des dispositions citées au point 4 que l'avis commun rendu par trois médecins au vu du rapport établi par un quatrième médecin, le cas échéant après examen du demandeur, constitue une garantie pour celui-ci, les médecins signataires de l'avis ne sont pas tenus, pour répondre aux questions posées, de procéder à des échanges entre eux, l'avis résultant de la réponse apportée par chacun à des questions auxquelles la réponse ne peut être qu'affirmative ou négative. La circonstance qu'en l'espèce, ces réponses n'auraient pas fait l'objet de tels échanges, oraux ou écrits, est donc sans incidence sur la légalité de la décision prise par le préfet au vu de cet avis. Dans ces conditions, M. A... ne peut utilement soutenir que le préfet n'apporterait pas la preuve de la collégialité de l'avis rendu par le collège de médecins de l'OFII le 25 novembre 2022. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige portant refus de titre de séjour aurait été prise à l'issue d'une procédure irrégulière.

6. En troisième lieu, pour déterminer si un étranger peut bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire d'un traitement médical approprié, au sens des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il convient de s'assurer, eu égard à la pathologie de l'intéressé, de l'existence d'un traitement approprié et de sa disponibilité dans des conditions permettant d'y avoir accès, et non de rechercher si les soins dans le pays d'origine sont équivalents à ceux offerts en France ou en Europe.

7. Le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), par son avis précité du 25 novembre 2022, a considéré que l'état de santé de M. A... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pouvait y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, son état de santé pouvant lui permettre en outre de voyager sans risque vers ce pays.

8. Il ressort des pièces du dossier que M. A... souffre d'un diabète de type 2 déséquilibré avec rétinopathie diabétique, hypertension artérielle (HTA) et dyslipidémie, et que son traitement se compose des médicaments suivants : Ozempic, Abasaglar, Metformine, Ramipril, Hydroxyzine, Clopidogrel et Atorvastatine. M. A... fait valoir que si l'ensemble des médicaments prescrits sont disponibles au Bangladesh, les spécialités Ozempic et Abasaglar ont toutefois un coût extrêmement élevé, soit, compte tenu des doses hebdomadaires nécessaires, 117 euros par semaine pour Ozempic et 65,8 euros par semaine pour Abasaglar, coûts sensiblement confirmés par le certificat d'un diabétologue bangladais attaché au " Diabetic Hospital " de Sylhet (Bangladesh), daté du 24 juillet 2023, et traduit par un traducteur assermenté près la Cour d'appel de Paris. M. A... fait également valoir le prix très élevé des analyses médicales au Bangladesh, l'absence de mécanisme d'assurance-maladie et la faiblesse du niveau de vie de ce pays dont le revenu moyen par habitant serait de 204 euros par mois selon la Banque mondiale. Toutefois, M. A... ne fournit aucune précision sur sa situation sociale et professionnelle au Bangladesh où il a vécu jusque l'âge de 44 ans ni n'apporte aucun élément de nature à établir que ses ressources financières ne lui permettraient pas d'accéder effectivement à ce traitement dans son pays d'origine. Dans ces conditions, il n'établit pas qu'il ne pourrait pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié à son état de santé dans ce pays d'origine. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

9. Enfin, M. A... reprend en appel, dans des termes similaires, le moyen soulevé en première instance tiré de ce que la décision de refus de séjour en litige méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Toutefois, l'intéressé ne développe au soutien de ce moyen aucun argument de fait ou de droit pertinent de nature à remettre en cause l'analyse et la motivation retenues par le tribunal administratif. Il y a lieu, dès lors, d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 7 du jugement attaqué.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

10. En premier lieu, aucun des moyens précités dirigés contre la décision de refus de titre de séjour n'étant fondé, M. A... n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français serait privée de base légale du fait de l'illégalité de cette décision.

11. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 2 à 8 du présent arrêt, le moyen tiré de ce que la mesure d'éloignement aurait été prise en méconnaissance des dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

12. Enfin, si M. A... invoque l'erreur manifeste d'appréciation, il ne fournit aucune précision utile de manière à permettre à la Cour d'apprécier le bien-fondé d'un tel moyen qui doit, par suite, être également écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D É C I D E:

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 20 décembre 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Doumergue, présidente,

- Mme Bruston, présidente-assesseure,

- M. Mantz, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 janvier 2025.

Le rapporteur,

P. MANTZLa présidente,

M. DOUMERGUE

La greffière,

E. FERNANDO

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°23PA05121 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA05121
Date de la décision : 17/01/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme DOUMERGUE
Rapporteur ?: M. Pascal MANTZ
Rapporteur public ?: Mme LIPSOS
Avocat(s) : CAMUS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-17;23pa05121 ?
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