Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 28 juin 2024 par lequel le ministre de l'intérieur et des outre-mer a prononcé à son encontre une mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance pour une durée de trois mois et d'annuler l'arrêté du 16 juillet 2024 par lequel ce ministre a modifié son arrêté du 28 juin 2024.
Par un jugement n° 2412404 du 19 septembre 2024, le tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté du ministre de l'intérieur et des outre-mer du 28 juin 2024 en tant qu'il fait obstacle à l'exercice par M. B... de ses activités professionnelles au 147 quai du président Roosevelt à Issy-les-Moulineaux (92) et a rejeté le surplus de la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 14 novembre 2024, M. B..., représenté par
Me Amchi dit C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 19 septembre 2024 en ce qu'il rejeté sa demande d'annulation des articles 2 à 11 de l'arrêté du 28 juin 2024, ainsi que l'arrêté du 16 juillet 2024 ;
2°) d'annuler les arrêtés ministériels du 28 juin 2024 et du 16 juillet 2024 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté contesté est entaché d'inexactitude matérielle des faits ;
- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 228-1 du code de la sécurité intérieure ;
- il est disproportionné au regard de sa liberté de circulation, de son droit au libre exercice de sa profession et de son droit au respect de sa vie privée et familiale.
Par ordonnance du 26 novembre 2024, l'affaire a été dispensée d'instruction en vertu de l'article R. 611-8 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la sécurité intérieure ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bruston,
- les conclusions de Mme Lipsos, rapporteure publique,
- et les observations de Me Amchi dit C..., représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 28 juin 2024, le ministre de l'intérieur et des outre-mer a, sur le fondement des articles L. 228-1 et L. 228-2 du code de la sécurité intérieure, prononcé à l'encontre de M. B... une mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance lui interdisant, pour une durée de trois mois, de se déplacer en dehors du territoire de la commune de
Livry-Gargan (93), sauf autorisation écrite préalable, lui faisant obligation de se présenter au commissariat de police de cette commune une fois par jour à 8 heures, tous les jours y compris les dimanches, jours fériés ou chômés, de déclarer et de justifier de son lieu d'habitation auprès du commissariat dans un délai de 24 heures à compter de la notification de l'arrêté ainsi que de tout changement ultérieur de celui-ci. Cet arrêté lui interdit également de paraître le 25 juillet 2024, de 11 heures à 14 heures sur l'itinéraire du passage de la flamme olympique à Livry-Gargan (93) dans le périmètre délimité par l'arrêté. Par un arrêté du 16 juillet 2024, le ministre de l'intérieur a modifié les articles 1 et 2 de l'arrêté du 28 juin 2024 en faisant interdiction à M. B... de se déplacer en dehors du territoire de Livry-Gargan (93) en dehors de ses obligations professionnelles au 147 quai du président Roosevelt à Issy-les-Moulineaux (92) du lundi au vendredi de 7 heures à 19 heures, à l'exception de la journée du 24 juillet 2024 et en faisant à l'intéressé obligation de ses présenter une fois par jour, à 22 heures, au commissariat de police de Livry-Gargan (93) tous les jours de la semaine, y compris les dimanches les jours fériés ou chômés. Par un arrêté du
11 septembre 2024, le ministre de l'intérieur a abrogé, à compter du 15 septembre 2024, l'arrêté du 28 juin 2024 modifié. M. B... relève appel du jugement du 19 septembre 2024 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté du ministre de l'intérieur et des outre-mer du 28 juin 2024 en tant seulement qu'il fait obstacle à l'exercice par M. B... de ses activités professionnelles au 147 quai du président Roosevelt à Issy-les-Moulineaux (92) et a rejeté le surplus de la demande.
2. Aux termes de l'article L. 113-1 du code de justice administrative : " Avant de statuer sur une requête soulevant une question de droit nouvelle, présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges, le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel peut, par une décision qui n'est susceptible d'aucun recours, transmettre le dossier de l'affaire au Conseil d'Etat, qui examine dans un délai de trois mois la question soulevée. Il est sursis à toute décision au fond jusqu'à un avis du Conseil d'Etat ou, à défaut, jusqu'à l'expiration de ce délai ".
3. Aux termes de l'article L. 773-11 du code de justice administrative : " I.- Le présent article est applicable au contentieux des décisions administratives prononcées sur le fondement des articles (...) L. 228-1 à L. 228-7 du code de la sécurité intérieure (...). / II.- Lorsque des considérations relevant de la sûreté de l'Etat s'opposent à la communication d'informations ou d'éléments sur lesquels reposent les motifs de l'une des décisions mentionnées au I du présent article, soit parce que cette communication serait de nature à compromettre une opération de renseignement, soit parce qu'elle conduirait à dévoiler des méthodes opérationnelles des services mentionnés aux articles L. 811-2 ou L. 811-4 du code de la sécurité intérieure, l'administration peut, lorsque la protection de ces informations ou de ces éléments ne peut être assurée par d'autres moyens, les transmettre à la juridiction par un mémoire séparé en exposant les raisons impérieuses qui s'opposent à ce qu'elles soient versées au débat contradictoire. / Dans ce cas, la juridiction, qui peut alors relever d'office tout moyen et procéder à toute mesure d'instruction complémentaire en lien avec ces informations ou ces pièces, statue sur le litige sans soumettre les éléments qui lui ont été communiqués au débat contradictoire ni en révéler l'existence et la teneur dans sa décision. (...). ".
4. La requête de M. B... est susceptible de poser la question de savoir, lorsque des considérations relevant de la sûreté de l'Etat s'opposent à la communication d'informations ou d'éléments sur lesquels reposent les motifs d'une mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance prise en application de l'article L. 228-1 du code de la sécurité intérieure, d'une part, si la juridiction doit viser ou mentionner, dans sa décision, un mémoire de l'administration qui serait produit, le cas échéant, sur le fondement des dispositions de l'article L. 773-11 du code de justice administrative, sans en révéler la teneur, d'autre part, dans quelles conditions un moyen d'ordre public pourrait être soulevé ou une mesure d'instruction pourrait être diligentée en lien avec les éléments ainsi produits, enfin, comment elle doit motiver sa décision lorsque des éléments figurant dans ce mémoire ou obtenus suite à une mesure d'instruction diligentée dans ce cadre lui apparaissent nécessaires à la résolution du litige.
5. Cette question, qui donne lieu à des divergences de jurisprudence, constitue une question de droit nouvelle présentant une difficulté sérieuse et susceptible de se poser dans de nombreux litiges. Dans ces conditions, il y a lieu de surseoir à statuer sur la requête de M. B..., et de transmettre pour avis sur cette question le dossier de l'affaire au Conseil d'Etat, en application des dispositions de l'article L. 113-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Le dossier de la requête de M. B... est transmis au Conseil d'Etat pour avis sur la question de droit énoncée au point 4 des motifs du présent arrêt.
Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête de M. B... jusqu'à l'avis du Conseil d'Etat ou, à défaut, jusqu'à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de la transmission du dossier au Conseil d'Etat.
Article 3 : Tous droits et moyens des parties sont réservés jusqu'à la fin de l'instance.
Article 4 : Le présent jugement sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat.
Délibéré après l'audience du 20 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Doumergue, présidente,
- Mme Bruston, présidente-assesseure,
- M. Mantz, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 janvier 2025.
La rapporteure,
S. BRUSTON
La présidente,
M. DOUMERGUELa greffière,
Esrah FERNANDO
N° 24PA04630 2