Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 9 mai 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé le renouvellement de son certificat de résidence, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné.
Par un jugement n° 2209437 du 27 février 2024, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 28 mars 2024, M. A..., représenté par Me Leloup, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté contesté ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer, dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir, un certificat de résidence portant la mention " commerçant ", ou à défaut, de procéder au réexamen de sa demande dans un délai de deux mois et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 400 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- contrairement à ce qu'indique l'arrêté litigieux, il n'a jamais bénéficié d'un titre de séjour en qualité d'étudiant ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen réel et sérieux de sa demande ;
- son comportement ne constitue pas une menace à l'ordre public ;
- il exerce une activité professionnelle non salariée en tant que directeur général d'une société par actions simplifiée, justifiant de sa qualité de commerçant et non pas de salarié ;
- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 5 de l'accord franco-algérien ;
- elle méconnaît également les stipulations de l'article 6 de ce même accord ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est dépourvue de base légale et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par une ordonnance du 5 septembre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 7 octobre 2024 à 12h00.
Un mémoire produit par le préfet de la Seine-Saint-Denis a été enregistré le 7 octobre 2024 à 12h45.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lellig, rapporteure ;
- et les observations de Me Kleinfinger, pour M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant algérien né en 1990, a sollicité le 10 juin 2021 le renouvellement de son certificat de résidence portant la mention " commerçant ". Par un arrêté du 9 mai 2022, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné. M. A... fait appel du jugement du 27 février 2024 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article 5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles : " Les ressortissants algériens s'établissant en France pour exercer une activité professionnelle autre que salariée reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur justification, selon le cas, qu'ils sont inscrits au registre du commerce ou au registre des métiers ou à un ordre professionnel, un certificat de résidence dans les conditions fixées aux articles 7 et 7 bis ". L'article 7 du même accord stipule que : " Les dispositions du présent article et celles de l'article 7 bis fixent les conditions de délivrance du certificat de résidence aux ressortissants algériens autres que ceux visés à l'article 6 nouveau ainsi qu'à ceux qui s'établissent en France après la signature du premier avenant à l'accord ; (...) c. Les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle soumise à autorisation reçoivent, s'ils justifient l'avoir obtenue, un certificat de résidence valable un an renouvelable et portant la mention de cette activité (...) ". Ces stipulations ne privent pas l'autorité compétente du pouvoir qui lui appartient de refuser à un ressortissant algérien la délivrance du certificat de résidence d'un an lorsque sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public.
3. En l'espèce, pour refuser de renouveler le certificat de résidence dont M. A... était titulaire en qualité de commerçant, le préfet de la Seine-Saint-Denis a considéré que le comportement de l'intéressé était susceptible de constituer une menace pour l'ordre public et qu'il n'avait pas la qualité de commerçant, mais celle de salarié en qualité de directeur général.
4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A... a été condamné, par un jugement du 13 décembre 2021 du tribunal correctionnel de Paris, pour avoir frauduleusement accédé à un système automatisé de données, s'y être maintenu, en avoir entravé le fonctionnement ainsi que pour avoir collecté de manière frauduleuse, déloyale ou illicite des données à caractère personnel au cours de la période du 1er septembre 2020 au 18 mai 2021. Une amende délictuelle d'un montant de 2 000 euros a été prononcée à titre de peine principale avec sursis et la mention de cette condamnation a été exclue du bulletin n° 2 de son casier judiciaire. Eu égard à la nature des infractions commises par M. A... dans le cadre de son activité professionnelle, leur caractère isolé ainsi que la peine avec sursis prononcée à son encontre, le préfet de la Seine-Saint-Denis a commis une erreur d'appréciation en considérant que son comportement constituait une menace pour l'ordre public de nature à justifier le refus de certificat de résidence sollicité.
5. En deuxième lieu, il ressort des pièces produites par M. A..., et notamment des mentions portées sur ses " bulletins de salaire ", que ce dernier exerce les fonctions de directeur général et bénéficie d'un statut de mandataire social, lequel n'est donc pas lié à la société par un contrat de travail. Dans ces conditions, c'est à tort que le préfet de la Seine-Saint-Denis a considéré que M. A... avait un statut de salarié faisant obstacle au renouvellement de son certificat de résidence.
6. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, les deux motifs avancés par le préfet de la Seine-Saint-Denis pour refuser de renouveler le certificat de résidence dont M. A... bénéficiait en qualité de commerçant sont respectivement entachés d'une erreur d'appréciation et d'une erreur de fait.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Eu égard au motif d'annulation retenu, l'exécution du présent arrêt implique seulement que la situation de M. A... soit réexaminée. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de procéder à ce réexamen dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour.
Sur les frais d'instance :
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2209437 du 27 février 2024 du tribunal administratif de Montreuil et l'arrêté du 9 mai 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de délivrer un certificat de résidence à M. A..., lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer la situation de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : L'Etat versera à M. A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au préfet de la Seine-Saint-Denis et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 9 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Barthez, président de chambre,
- Mme Milon, présidente assesseure,
- Mme Lellig, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 31 janvier 2025.
La rapporteure,
W. LELLIGLe président,
A. BARTHEZ
La greffière,
E. VERGNOL
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 24PA01458 2