La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/02/2025 | FRANCE | N°24PA01498

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 6ème chambre, 12 février 2025, 24PA01498


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a saisi le tribunal administratif de Montreuil d'une demande tendant à titre principal à l'annulation de l'arrêté du 24 novembre 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.



Par un jugem

ent n° 2218068 du 1er mars 2024, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.



P...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a saisi le tribunal administratif de Montreuil d'une demande tendant à titre principal à l'annulation de l'arrêté du 24 novembre 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2218068 du 1er mars 2024, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 31 mars 2024, M. A..., représenté par Me Ourari, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 1er mars 2024 du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté mentionné ci-dessus du 24 novembre 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis, sous astreinte, de réexaminer sa demande de titre de séjour en lui délivrant une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- en ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour : elle est insuffisamment motivée ; sa situation n'a pas fait l'objet d'un examen sérieux et particulier ; elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des articles L. 435-1 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales a été méconnu ; il souffre d'une tuberculose pulmonaire ; les allégations de faux au titre de l'article 441-1 du code pénal sont infondées ;

- en ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français : il n'a pas bénéficié du droit d'être entendu garanti par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; elle est privée de base légale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- en ce qui concerne la décision fixant le pays de destination : elle est privée de base légale compte tenu de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- en ce qui concerne la décision d'interdiction de retour sur le territoire français : elle est insuffisamment motivée ; elle méconnaît l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle est entachée d'erreur d'appréciation.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis, lequel n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Mali sur la circulation et le séjour des personnes signée à Bamako le 26 septembre 1994 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pagès,

- et les observations de Me Ourari pour M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant malien né le 27 novembre 1981, a déposé le 22 avril 2022 une demande d'admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 24 novembre 2022, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. M. A... a saisi le tribunal administratif de Montreuil d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Par un jugement du 1er mars 2024, dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Sur la décision de refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, l'arrêté attaqué, qui vise notamment l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui constitue le fondement de la demande de de titre de séjour, expose avec une précision suffisante, sans présenter de caractère stéréotypé, les éléments relatifs à la situation du requérant pris en compte par le préfet de la Seine-Saint-Denis pour refuser de délivrer le titre de séjour sollicité. Par suite, le refus de titre de séjour attaqué, qui comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement est suffisamment motivé. Le moyen tiré du défaut de motivation de cette décision doit être écarté.

2. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'aurait pas procédé à un examen sérieux et particulier de la situation du requérant.

3. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ".

4. En présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de l'article L. 435-1, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels et, à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat lui permettant d'exercer une activité, ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là-même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il appartient, en effet, à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.

5. M. A... soutient que depuis le mois de janvier 2015 il séjourne continuellement en France, où résident plusieurs membres de sa famille et où il est inséré professionnellement. Toutefois, il ne justifie pas de l'ancienneté de séjour qu'il invoque et, en tout état de cause, une telle durée de résidence ne lui conférerait, à elle seule, aucun droit au séjour. En ce qui concerne sa situation familiale, l'arrêté attaqué, non contesté sur ce point, mentionne que le requérant est célibataire et sans charge de famille. En outre, si M. A... invoque la présence en France de ses trois frères, de nationalité française et de son père, il ne justifie pas de circonstances particulières qui lui imposeraient de vivre auprès d'eux. Au demeurant aucune pièce ne permet de justifier du lien de parenté avec les membres de la fratrie dont il se prévaut, alors que d'ailleurs le titulaire de l'un des documents d'identité qu'il produit porte les mêmes nom et prénom que lui. Par ailleurs, il ne conteste pas sérieusement avoir présenté au préfet, pour justifier de la régularité de la présence de son père en France, la copie d'un titre de séjour de ce dernier dont la période de validité avait été modifiée, ainsi que le relève l'arrêté attaqué. Enfin, si M. A... fait valoir qu'il a été employé, sous une identité d'emprunt, en tant qu'agent de propreté au sein de la même entreprise depuis le mois d'avril 2020, cette activité, exercée au demeurant pendant plusieurs mois à temps partiel, n'est pas de nature à révéler une insertion professionnelle significative. Eu égard à l'ensemble de ces circonstances, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas entaché son arrêté d'erreur manifeste d'appréciation en estimant que la situation de M. A... ne répondait pas à des considérations humanitaires ou à des motifs exceptionnels justifiant son admission au séjour au titre de l'article L. 435-1 précité, par la délivrance tant d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " que d'un titre de séjour portant la mention " salarié ".

6. En quatrième lieu, M. A... se prévaut de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui énonce notamment que " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance " et de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui énonce notamment que l'étranger " qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ". Ces moyens doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés au point précédent.

7. En cinquième lieu, M. A... invoque pour la première fois dans la présente requête d'appel son état de santé. Alors qu'il n'avait pas sollicité de titre de séjour en qualité d'étranger malade, ce moyen doit, en tout état de cause, être écarté comme inopérant.

8. En dernier lieu, la circonstance que les allégations de production de faux documents par le préfet ne relèveraient pas de l'article 441-1 du code pénal est sans incidence sur la légalité de la décision de refus de séjour litigieuse.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

9. En premier lieu, M. A... soutient qu'il n'a pas pu être entendu avant l'édiction de la décision attaquée. Toutefois, si le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union, lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement et d'une décision fixant le pays de renvoi. A l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il sollicite la délivrance d'un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande, qu'il peut compléter en tant que de besoin au cours de l'instruction de son dossier par toute information qu'il juge utile. Dès lors, le droit de l'intéressé est ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu doit être écarté.

10. En second lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait privée de base légale compte tenu de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ne peut qu'être écarté.

Sur la décision fixant le pays de destination :

11. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait privée de base légale compte tenu de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français et qu'elle devrait être annulée pour les mêmes motifs que cette dernière décision ne peut qu'être écarté.

Sur la décision d'interdiction de retour sur le territoire français :

12.Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour (...) ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".

13. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. L'autorité administrative doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifient sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme présentant une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.

14. L'arrêté attaqué, qui vise notamment les dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont il a été fait application, expose avec une précision suffisante les éléments relatifs aux conditions du séjour de M. A... en France, notamment en ce qui concerne sa situation personnelle et familiale. Ainsi, la décision en litige est suffisamment motivée tant dans son principe que dans sa durée.

15. En second lieu, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a accordé aucun délai de départ volontaire à M. A.... Ce dernier figure donc, pour ce seul motif, au nombre des ressortissants étrangers pouvant faire l'objet d'une interdiction de retour sur le territoire français. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant justifierait de circonstances humanitaires susceptibles de conduire l'autorité administrative à ne pas prononcer une telle mesure. Dans ces conditions, eu égard aux conditions du séjour de M. A... en France telles que décrites au point 5, le préfet de la Seine-Saint-Denis a pu légalement prononcer la décision en litige sans méconnaître l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni commettre d'erreur d'appréciation.

16. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint- Denis.

Délibéré après l'audience du 28 janvier 2025 à laquelle siégeaient :

- Mme Bonifacj, présidente de chambre,

- M. Niollet, président assesseur,

- M. Pagès, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 février 2025.

Le rapporteur,

D. PAGES La présidente,

J. BONIFACJ

La greffière,

A. LOUNIS

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°24PA01498


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA01498
Date de la décision : 12/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BONIFACJ
Rapporteur ?: M. Dominique PAGES
Rapporteur public ?: Mme NAUDIN
Avocat(s) : OURARI

Origine de la décision
Date de l'import : 16/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-12;24pa01498 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award