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12/02/2025 | FRANCE | N°24PA03276

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 6ème chambre, 12 février 2025, 24PA03276


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 27 juin 2021 par laquelle le président de l'établissement public territorial Grand-Orly Seine Bièvre a implicitement rejeté sa demande de reconstitution de carrière dans le cadre d'emploi des professeurs territoriaux d'enseignement artistique à compter de sa titularisation dans le cadre d'emploi des assistants territoriaux d'enseignement artistique, d'enjoindre à l'établissement public territor

ial Grand-Orly Seine Bièvre de reconstituer sa carrière dans ce cadre d'emploi et de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 27 juin 2021 par laquelle le président de l'établissement public territorial Grand-Orly Seine Bièvre a implicitement rejeté sa demande de reconstitution de carrière dans le cadre d'emploi des professeurs territoriaux d'enseignement artistique à compter de sa titularisation dans le cadre d'emploi des assistants territoriaux d'enseignement artistique, d'enjoindre à l'établissement public territorial Grand-Orly Seine Bièvre de reconstituer sa carrière dans ce cadre d'emploi et de condamner ce dernier à lui payer la somme de 65 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis, résultant de l'illégalité fautive de sa titularisation en tant qu'assistant d'enseignement artistique, assortie des intérêts à taux légal.

Par un jugement n° 2107832 du 27 juin 2024, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 22 juillet 2024 et le 3 janvier 2025, M. B..., représenté par Me Coll, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 27 juin 2024 du tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision implicite du 27 juin 2021 du président de l'établissement public territorial Grand-Orly Seine Bièvre ;

3°) d'enjoindre à l'établissement public territorial Grand-Orly Seine Bièvre de reconstituer sa carrière dans le cadre d'emploi des professeurs territoriaux d'enseignement artistique ;

4°) de condamner l'établissement public territorial Grand-Orly Seine Bièvre à lui verser la somme de 65 000 euros à titre de dommages-intérêts avec intérêts à taux légal à compter de la notification de sa demande préalable ;

5°) de mettre à la charge de l'établissement public territorial Grand-Orly Seine Bièvre la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'erreur de droit ;

- il est entaché d'erreur de fait ;

- son recrutement en qualité d'agent contractuel était illégal en ce qu'il répondait à un besoin permanent de la commune, pour plus de 70 heures ;

- les conditions de sa titularisation sont également illégales ;

- la commune de Savigny-sur-Orge a commis une erreur de droit et une erreur de fait en le titularisant en qualité d'assistant, et non de professeur, territorial d'enseignement artistique, soit d'agent de catégorie B et non de catégorie A, c'est-à-dire l'emploi qui était la sien en tant qu'agent contractuel, et sur un poste qui n'était pas vacant ;

- il a été victime d'un traitement discriminatoire par rapport à d'autres agents placés dans une situation identique à la sienne ;

- l'établissement public territorial Grand-Orly Seine Bièvre n'a pas respecté l'avis rendu par la commission d'accès aux documents administratifs (CADA) ;

- l'illégalité de son recrutement et de sa carrière consécutive en qualité d'agent titulaire, dans un cadre d'emploi autre que celui auquel il pouvait prétendre, engage la responsabilité de l'administration ;

- le préjudice matériel qu'il a subi doit être indemnisé à hauteur de la somme de 50 000 euros, et le préjudice moral ainsi que les troubles dans les conditions d'existence à celle de 15 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 octobre 2024, l'établissement public territorial Grand-Orly Seine Bièvre, représenté par Me Abbal, conclut :

1°) à titre principal, au rejet de la requête ;

2°) à titre subsidiaire, à ce que la somme allouée soit réduite à de plus justes proportions ;

3°) à ce que soit mise à la charge de M. B... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête d'appel, faute de souscrire aux dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative, est irrecevable ;

- les moyens soulevés ne sont pas fondés ;

- la demande de dommages-intérêts au titre du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence est irrecevable et les sommes réclamées sont excessives.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- la loi n° 96-1093 du 16 décembre 1996 ;

- le décret n° 91-857 du 2 septembre 1991 ;

- le décret n° 91-861 du 2 septembre 1991 ;

- le décret n° 2012-437 du 29 mars 2012 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Jayer,

- les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique,

- et les observations de Me Verger-Giambelluco, pour l'établissement public territorial Grand-Orly Seine Bièvre.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... a été recruté par la commune de Savigny-sur-Orge en qualité de professeur d'enseignement artistique contractuel au conservatoire municipal, à compter du 1er mars 1988. Par arrêté du 4 décembre 1998, il a été nommé fonctionnaire stagiaire dans le cadre d'emploi des assistants d'enseignement artistique à compter du 1er septembre 1998, a été titularisé dans ce cadre d'emploi avec effet au 1er mars 1999. Par arrêté du 20 juillet 2016, son contrat a été transféré de plein droit à l'établissement public territorial Grand-Orly Seine Bièvre à compter du 1er janvier 2016. M. B... relève appel du jugement du 27 juin 2024 du tribunal administratif de Melun portant rejet de sa demande d'annulation de la décision du 27 juin 2021 par laquelle le président de l'établissement public territorial Grand-Orly Seine Bièvre a implicitement rejeté sa demande de reconstitution de sa carrière dans le cadre d'emploi des professeurs territoriaux d'enseignement artistique à compter de sa titularisation dans celui des assistants territoriaux d'enseignement artistique, d'enjoindre à l'établissement public territorial Grand-Orly Seine Bièvre de reconstituer sa carrière et de condamner ce dernier à lui payer la somme totale de 65 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis résultant des illégalités fautives commises selon lui par son employeur dans la gestion de sa carrière.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. M. B... ne peut donc, en tout état de cause, utilement se prévaloir de l'erreur de droit et de l'erreur de fait qu'auraient commises les premiers juges pour demander l'annulation du jugement attaqué.

Sur les conclusions à fin d'annulation et d'injonction :

3. En premier lieu, si M. B... soutient pour la première fois en appel que son recrutement sur un poste de professeur d'enseignement artistique contractuel, puis sa titularisation sur un poste d'assistant d'enseignement artistique, étaient illégaux, de tels moyens, qui ne sont pas dirigés contre la décision litigieuse, sont inopérants.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 de la loi du 16 décembre 1996 relative à l'emploi dans la fonction publique et à diverses mesures d'ordre statutaire : " Par dérogation aux articles 36, 41, 43 et 44 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, et pour une durée maximum de quatre ans à compter de la publication de la présente loi, peuvent être ouverts des concours réservés aux candidats remplissant les cinq conditions suivantes : / 1° Justifier, à la date du 14 mai 1996, de la qualité d'agent non titulaire des collectivités territoriales et de leurs établissements publics, recruté en application de l'article 3 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 (...) ; / 2° Etre, à la même date, en fonction (...) / 3° Exercer, à cette date, dans le ressort de l'autorité organisatrice du concours, des fonctions qui correspondent à celles définies par les statuts particuliers des cadres d'emplois pour lesquels un concours au plus a donné lieu à la même date à l'établissement d'une liste d'aptitude, le cas échéant dans la spécialité considérée ; (...) / Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent article ". Aux termes de l'article 7 de la même loi : " Les concours réservés prévus à l'article 6 donnent lieu à l'établissement de listes d'aptitude classant par ordre alphabétique les candidats déclarés aptes par le jury. / L'inscription sur une liste d'aptitude ne vaut pas recrutement. / Tout candidat déclaré apte depuis moins de deux ans peut être nommé dans un des emplois du cadre d'emplois auquel le concours réservé correspondant donne accès, dans les conditions fixées à la dernière phrase du quatrième alinéa de l'article 44 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 (...) ".

5. Il résulte des pièces du dossier que la commune de Savigny-sur-Orge a fait application des dispositions citées au point précédent pour procéder à l'intégration, en 1998, d'un certain nombre de ces agents non titulaires, dont M. B.... Alors que l'intéressé n'établit ni même n'allègue qu'il aurait alors demandé son intégration en qualité de professeur territorial d'enseignement artistique, il ne peut, dans tous les cas, utilement se prévaloir de la méconnaissance des dispositions susvisées.

6. En troisième lieu, aux termes des dispositions de l'article 3 du décret n° 2012-437 du 29 mars 2012 portant statut particulier du cadre d'emplois des assistants territoriaux d'enseignement artistique : " sont chargés, dans leur spécialité, d'assister les enseignants des disciplines artistiques. Ils peuvent notamment être chargés de l'accompagnement instrumental des classes. (...) III. Les titulaires des grades d'assistant d'enseignement artistique principal de 2e classe et d'assistant d'enseignement artistique principal de 1ère classe sont chargés, dans leur spécialité, de tâches d'enseignement dans les conservatoires à rayonnement régional, départemental, communal ou intercommunal classés, les établissements d'enseignement de la musique, de la danse et de l'art dramatique non classés ainsi que dans les écoles d'arts plastiques non habilitées à dispenser un enseignement sanctionné par un diplôme national ou par un diplôme agréé par l'Etat. ".

7. Il résulte de ces dispositions qu'un assistant territorial d'enseignement artistique est susceptible d'exercer des fonctions d'enseignement et d'assurer l'accompagnement instrumental de classes, sans que soient opposables au cas d'espèce les circonstances tirées de ce que les bulletins de salaire du requérant précédant sa titularisation faisaient mention de fonctions de " professeur " et de ce que ce dernier a été qualifié comme tel dans ses fiches de notation. Par ailleurs, si M. B... met en avant ses qualifications particulières, le fait qu'il soit titulaire d'un deuxième prix d'alto du conservatoire national supérieur de musique de Paris et soutient qu'il a exercé, en complète autonomie, des fonctions de professeur sans être l'assistant d'un collègue professeur, se prévaut enfin de ce qu'il a eu la charge de l'orchestre du conservatoire et de la musique de chambre, il n'établit pas qu'il aurait exercé les missions dévolues aux professeurs territoriaux d'enseignement artistique résultant du décret du 2 septembre 1991 portant statut particulier de ce cadre d'emploi, à savoir notamment la direction pédagogique et administrative des écoles de musique ou que des missions lui auraient été confiées allant au-delà de celles prévues par l'article 3 du décret du 29 mars 2012 précité. Il s'ensuit que M. B... qui, au demeurant, n'a contesté ni les arrêtés par lesquels le maire de Savigny-sur-Orge l'a nommé assistant d'enseignement artistique stagiaire puis titulaire dans ce grade, n'est pas fondé à soutenir que le président de l'établissement public territorial Grand-Orly Seine Bièvre aurait, en rejetant sa demande tendant à être nommé, avec effet au 1er mars 2009, dans le grade de professeur d'enseignement artistique, entaché sa décision d'erreurs de droit et de fait.

8. En quatrième lieu, il résulte des pièces du dossier relatives à la situation de plusieurs collègues du requérant ayant, selon lui, précédemment occupé les mêmes fonctions que celles qu'il exerçait en qualité d'agents non titulaires, ont été titularisés dans le cadre d'emploi des professeurs territoriaux d'enseignement artistique, avant l'entrée en vigueur de la loi susvisée du 16 décembre 1996. Faute pour M. B... d'établir que ces derniers se trouvaient ainsi dans une situation identique à la sienne, le moyen tiré de ce que la décision attaquée méconnaîtrait le principe d'égalité de traitement doit, dès lors, être écarté.

9. En dernier lieu, à supposer établi le refus allégué de communication par l'établissement public territorial Grand-Orly Seine Bièvre de copies des arrêtés de titularisation de plusieurs de ses collègues en méconnaissance de l'avis rendu par la CADA, une telle contestation soulève un litige distinct.

10. Il résulte de ce qui précède que M. B..., qui n'établit pas avoir été affecté dans un emploi qui ne correspond pas à son grade et ne peut se prévaloir d'un droit à être nommé dans le cadre d'emploi des professeurs territoriaux d'enseignement artistique, n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision par laquelle le président de l'établissement public territorial Grand-Orly Seine Bièvre a implicitement rejeté sa demande de reconstitution de sa carrière dans le cadre d'emploi des professeurs territoriaux d'enseignement artistique à compter de sa titularisation. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions à fin d'injonction.

Sur les conclusions indemnitaires :

11. Il résulte de ce qui a été jugé aux points 3 à 10, qu'en l'absence d'illégalité commise par l'administration, les conclusions indemnitaires de M. B... doivent, en tout état de cause, être rejetées.

12. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'établissement public territorial Grand-Orly Seine Bièvre, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que M. B... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il n'y a par ailleurs pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ce-dernier la somme demandée par l'établissement public territorial Grand-Orly Seine Bièvre en application de ces dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par l'établissement public territorial Grand-Orly Seine Bièvre sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à l'établissement public territorial Grand-Orly Seine Bièvre.

Délibéré après l'audience du 28 janvier 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Bonifacj, présidente de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- Mme Jayer, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 février 2025.

La rapporteure,

M-D. JAYERLa présidente,

J. BONIFACJ

La greffière,

A. LOUNIS

La République mande et ordonne au préfet du Val-de-Marne, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24PA03276


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA03276
Date de la décision : 12/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BONIFACJ
Rapporteur ?: Mme Marie-Dominique JAYER
Rapporteur public ?: Mme NAUDIN
Avocat(s) : CABINET COLL AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-12;24pa03276 ?
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