Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E... C... a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013 et 2014.
Par un jugement n° 2018482 du 17 mai 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 13 juillet 2023, Mme C..., représentée par Me Krief, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des impositions contestées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la procédure de taxation d'office est irrégulière puisqu'elle n'est envisageable qu'en cas d'absence de réponse de la part du contribuable ;
- la durée de la procédure de contrôle est excessive ;
- en ce qui concerne les revenus distribués par la société Galerie 178 Haussmann, l'administration fiscale ne justifie pas que les dépenses en cause ont ou non été rejetées comptablement au niveau de la société ;
- elle n'a pas bénéficié de la location d'un véhicule pris en charge par la société Galerie 178 Haussmann à hauteur de 45 930,55 euros ;
- les revenus supposés distribués par la société Madart ont fait l'objet d'une double imposition ;
- elle justifie de l'origine des revenus considérée comme indéterminée par l'administration ;
- les pénalités pour manquement délibéré ne sont pas justifiées.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 octobre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lellig, rapporteure ;
- et les conclusions de Mme de Phily, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... a fait l'objet d'un examen de situation fiscale personnelle à l'issue duquel elle a été assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2013 et 2014. Elle relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, de ces impositions.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales : " En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements. (...) Elle peut également lui demander des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés (...) ". L'article L. 16 A du même livre dispose que : " (...) Lorsque le contribuable a répondu de façon insuffisante aux demandes d'éclaircissements ou de justifications, l'administration lui adresse une mise en demeure d'avoir à compléter sa réponse dans un délai de trente jours en précisant les compléments de réponse qu'elle souhaite ". L'article L. 69 du même livre dispose que : " Sous réserve des dispositions particulières au mode de détermination des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles et des bénéfices non commerciaux, sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16 ".
3. Il résulte de l'instruction que l'administration, ayant constaté une discordance importante entre le montant des crédits bancaires figurant sur ses comptes financiers et assimilés et les revenus déclarés par Mme C... au titre des années 2013 et 2014, lui a demandé, par un courrier du 18 mai 2016, de produire toutes justifications permettant d'établir la cause juridique réelle des crédits non identifiés pour un montant de 505 561,48 euros au titre de l'année 2013 et pour un montant de 60 348 euros au titre de l'année 2014. Mme C... a répondu à cette demande par courrier du 8 juillet 2016 en adressant diverses pièces retraçant l'origine des crédits assorties des copies de chèques ou remises en chèques ou l'origine des virements, et en indiquant que ces remboursements correspondaient à l'euro prêt aux dépenses professionnelles de son concubin, M. A... D..., avancées par ses soins. Estimant cette réponse insuffisante sur un certain nombre de points, l'administration a mis en demeure Mme C... le 29 juillet 2016 de compléter sa réponse dans un délai de trente jours. Malgré les éléments de réponse apportés par Mme C... dans son courrier du 26 août 2016, l'administration a imposé d'office les sommes considérées comme injustifiées dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée pour un montant de 286 604,79 euros au titre de l'année 2013 et pour un montant de 25 750 euros au titre de l'année 2014. Alors même que Mme C... aurait, ainsi qu'elle le soutient, coopéré et tenté de fournir l'ensemble des éléments demandés par l'administration, elle n'a toutefois produit, à ce stade de la procédure d'imposition, aucune pièce justificative de nature à établir la nature et l'origine des sommes versées par la SCI Marie B... et par la société Diagram Group, de celles reçues de la part de M. B... D... et des sommes issues de la vente d'un tableau et de montres de collection, ainsi que cela ressort de la proposition de rectification du 8 novembre 2016. C'est par suite à bon droit que l'administration a mis en œuvre la procédure de taxation d'office s'agissant des crédits bancaires en litige.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 12 du livre des procédures fiscales : " Dans les conditions prévues au présent livre, l'administration des impôts peut procéder à l'examen contradictoire de la situation fiscale des personnes physiques au regard de l'impôt sur le revenu, qu'elles aient ou non leur domicile fiscal en France, lorsqu'elles y ont des obligations au titre de cet impôt. (...) Sous peine de nullité de l'imposition, un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle ne peut s'étendre sur une période supérieure à un an à compter de la réception de l'avis de vérification. / Cette période est prorogée du délai accordé, le cas échéant, au contribuable et, à la demande de celui-ci, pour répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications pour la partie qui excède les deux mois prévus à l'article L. 16 A. / Elle est également prorogée des trente jours prévus à l'article L. 16 A et des délais nécessaires à l'administration pour obtenir les relevés de compte lorsque le contribuable n'a pas usé de sa faculté de les produire dans un délai de soixante jours à compter de la demande de l'administration ou pour recevoir les renseignements demandés aux autorités étrangères, lorsque le contribuable a pu disposer de revenus à l'étranger ou en provenance directe de l'étranger. (...) ".
5. Il résulte de ces dispositions qu'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle ne peut normalement s'étendre sur une période supérieure à un an à compter de la réception de l'avis de vérification prévu par les dispositions précitées de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales. Cependant, lorsque le contribuable n'a pas usé de sa faculté de produire ses relevés de compte dans un délai de soixante jours à compter de la demande de l'administration, ce délai peut être prorogé des délais nécessaires à l'administration pour obtenir les relevés de compte. Le point de départ des délais nécessaires à l'administration pour obtenir les relevés de compte court alors dès le 61ème jour suivant la demande faite au contribuable par l'administration, sauf lorsque le contribuable a produit avant cette date les coordonnées exactes de l'intégralité de ses comptes, auquel cas le point de départ des délais ne court qu'à compter de la date à laquelle l'administration demande aux établissements teneurs de ces comptes que ces relevés lui soient remis. La prorogation des délais, que l'administration n'est pas tenue de notifier au contribuable, cesse à la date à laquelle l'administration reçoit l'intégralité des relevés demandés.
6. En l'espèce, Mme C... soutient avoir communiqué à l'administration l'intégralité des relevés de ses comptes détenus au Crédit industriel et commercial (CIC) pour les années 2013 et 2014 dans son courrier du 18 novembre 2015. Elle produit au soutien de ses allégations une copie de ce courrier ainsi que des pièces supposément jointes, faisant effectivement apparaître les relevés considérés comme manquants par l'administration, à savoir ceux couvrant la période du 1er novembre au 12 décembre 2013. Toutefois, les relevés litigieux ont, dès l'accusé de réception délivré le 11 janvier 2016, été considérés comme manquants. Mme C... ne justifie pas avoir répliqué à cet accusé de réception qu'elle estime erroné en tant qu'il mentionne comme manquants des relevés bancaires pourtant produits, alors que le nombre de feuillets comptabilisés par l'administration, à savoir 32, est inférieur à celui du nombre de feuillets produits devant la juridiction. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration a exercé son droit de communication afin d'obtenir la communication des relevés manquants. La requérante n'est dès lors pas fondée à soutenir que la durée de la procédure de contrôle dont elle a fait l'objet aurait été irrégulièrement prorogée dans cette mesure.
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :
S'agissant des revenus distribués :
7. Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) c. Les rémunérations et avantages occultes ; (...) ".
8. En premier lieu, l'administration a qualifié d'avantages occultes au titre de l'année 2013 les dépenses engagées par la société 178 Galerie Haussmann pour la location d'un véhicule de marque Mercedes pour un montant total de 45 930,55 euros ainsi que la somme de 148 568,35 euros correspondant à des sommes versées par cette société et constatées au crédit des comptes bancaires de Mme C..., qui soutient qu'il s'agissait de remboursement de frais professionnels.
9. D'une part, il ressort de la proposition de rectification que, contrairement à ce qui est soutenu, les sommes en litige ont bien été réintégrées dans l'assiette de l'impôt sur les sociétés suite à la vérification de comptabilité de cette société diligentée par l'administration fiscale. Cette vérification n'a d'ailleurs fait apparaître aucun remboursement de frais professionnels au titre de l'année 2013 pour le compte de Mme C... ou de son concubin.
10. D'autre part, il résulte de l'instruction que le contrat de location du véhicule, bien qu'il ne soit pas signé, indique que Mme C... en est l'unique bénéficiaire, cette dernière ayant transmis son permis de conduire à M. D... afin de permettre l'établissement de ce contrat. Dans ces conditions, l'administration rapporte la preuve que Mme C..., qui se borne à contester avoir profité de ce véhicule, a bénéficié d'une libéralité constitutive d'un avantage occulte au sens du c de l'article 111 du code général des impôts.
11. En second lieu, il résulte de l'instruction que Mme C... a disposé sur son compte bancaire personnel de sommes versées par la société Madart. En l'absence de contrepartie économique, l'administration a qualifié ces sommes de libéralités constitutives d'avantages occultes. Si Mme C... soutient que ces sommes correspondraient à un remboursement du compte courant d'associé de son concubin par la société Madart, sommes déjà imposées en tant que telles par ailleurs, il s'avère que M. D... ne dispose pas de procuration sur ses comptes personnels. Les versements en litige ne sauraient dès lors être regardés comme des remboursements du compte courant d'associé de M. D.... En tout état de cause, aucune des pièces versées au dossier ne permet de regarder comme établie une quelconque double imposition.
S'agissant des revenus d'origine indéterminée :
12. Il résulte de l'instruction que l'administration a retenu des revenus d'origine indéterminée pour des montants de 245 505 euros au titre de l'année 2013 et de 23 250 euros au titre de l'année 2014 correspondant aux crédits figurant sur les relevés bancaires de Mme C... et pour lesquels les justifications apportées ont été considérées comme insuffisantes. Mme C... soutient que, pour des montants de 153 500 euros en 2013 et de 6 500 euros en 2014, ces sommes correspondent au prix de cession de montres de collection appartenant à son concubin, M. D.... Elle reconnaît ne pas être propriétaire de ces montres et n'avoir fait qu'encaisser, au nom et pour le compte de son concubin, le produit de ces cessions. L'administration, qui se borne à faire valoir que Mme C... n'était pas propriétaire des biens, ne conteste pas les pièces versées au dossier qui établissent que ces montres ont été acquises puis revendues par M. D..., ce dernier ayant fait verser le produit des ventes sur le compte de Mme C.... Dans ces conditions, Mme C... doit être regardée comme justifiant suffisamment du caractère non imposable des sommes taxées dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée, à hauteur de 143 300 euros en 2013 et 4 000 euros en 2014, correspondant aux montants des sommes créditées sur les comptes financiers ayant pour origine la vente de montres. Dans cette mesure, elle doit dès lors être déchargée, en droits et pénalités, des impositions correspondantes.
En ce qui concerne les pénalités :
13. Mme C... reprend en appel, avec la même argumentation qu'en première instance, le moyen tiré du caractère injustifié de la pénalité mise à sa charge sur le fondement du a de l'article 1729 du code général des impôts. Il y a lieu de l'écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 22 du jugement attaqué.
14. Il résulte de tout de ce qui précède que Mme C... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des suppléments contestés d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux à hauteur de ce qu'implique une réduction des revenus imposables dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée pour des montants de 143 300 euros en 2013 et 4 000 euros en 2014.
Sur les frais d'instance :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme quelconque soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
DECIDE :
Article 1er : Mme C... est déchargée, en droits et pénalités, des suppléments contestés d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux à hauteur de ce qu'implique une réduction des revenus imposables dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée pour des montants de 143 300 euros en 2013 et 4 000 euros en 2014.
Article 2 : Le jugement n° 2018482 du tribunal administratif de Paris du 17 mai 2023 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme C... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à l'administrateur général chargé de la direction nationale des vérifications de situations fiscales.
Délibéré après l'audience du 30 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Barthez, président de chambre,
- Mme Milon, présidente assesseure,
- Mme Lellig, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 février 2025.
La rapporteure,
W. LELLIGLe président,
A. BARTHEZ
La greffière,
E. VERGNOL
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23PA03098 2