Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... Malonga a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 16 juillet 2024 par lequel le préfet de police de Paris a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par une ordonnance n° 2424758 du 18 octobre 2024, le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 21 novembre 2024, M. Malonga, représenté par Me Ndiaye, demande à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) d'annuler l'arrêté du 16 juillet 2024 ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de Paris, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 90 euros par jour de retard ;
4°) d'enjoindre au préfet de police de Paris, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 90 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- l'ordonnance attaquée est irrégulière, sa demande est recevable dès lors qu'il a déposé une demande d'aide juridictionnelle dans le délai de recours contentieux ;
- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Un mémoire du préfet de police de Paris a été enregistré le 28 janvier 2025.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Barthez a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. Malonga, ressortissant congolais (République du Congo), né le 12 janvier 1951, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 16 juillet 2024 par lequel le préfet de police de Paris a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par la présente requête, il fait appel de l'ordonnance du 18 octobre 2024 par laquelle le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande comme étant manifestement irrecevable en raison de sa tardiveté.
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 776-1 du code de justice administrative : " Les modalités selon lesquelles sont présentés et jugés les recours formés devant la juridiction administrative contre les décisions relatives à l'entrée, au séjour et à l'éloignement des étrangers obéissent, lorsque les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile le prévoient, aux règles spéciales définies au livre IX du même code ". L'article L. 614-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " La décision portant obligation de quitter le territoire français ainsi que la décision relative au séjour, la décision relative au délai de départ volontaire et l'interdiction de retour sur le territoire français qui l'accompagnent, le cas échéant, peuvent être contestées devant le tribunal administratif selon la procédure prévue à l'article L. 911-1 ". Aux termes des dispositions de l'article L. 911-1 du même code : " Lorsqu'une disposition du présent code prévoit qu'une décision peut être contestée selon la procédure prévue au présent article, le tribunal administratif peut être saisi dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision (...) ".
3. D'autre part, aux termes des dispositions de l'article 43 du décret du 28 décembre 2020 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et relatif à l'aide juridictionnelle et à l'aide à l'intervention de l'avocat dans les procédures non-juridictionnelles : " (...) lorsqu'une action en justice ou un recours doit être intenté avant l'expiration d'un délai devant les juridictions de première instance ou d'appel, l'action ou le recours est réputé avoir été intenté dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai et si la demande en justice ou le recours est introduit dans un nouveau délai de même durée à compter : (...) 3°) De la date à laquelle le demandeur à l'aide juridictionnelle ne peut plus contester la décision d'admission ou de rejet de sa demande en application du premier alinéa de l'article 69 et de l'article 70 ou, en cas de recours de ce demandeur, de la date à laquelle la décision relative à ce recours lui a été notifiée ; 4°) Ou, en cas d'admission, de la date, si elle est plus tardive, à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné (...) ". Aux termes des dispositions de l'article 23 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " (...) Les recours contre les décisions du bureau d'aide juridictionnelle peuvent être exercés par l'intéressé lui-même lorsque le bénéfice de l'aide juridictionnelle lui a été refusé, ne lui a été accordé que partiellement ou lorsque ce bénéfice lui a été retiré. (...) ". Aux termes des dispositions de l'article 69 du décret du 28 décembre 2020 : " Le délai du recours prévu au deuxième alinéa de l'article 23 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée est de quinze jours à compter du jour de la notification de la décision à l'intéressé. (...) ".
4. Il résulte de la combinaison de ces dispositions qu'une demande d'aide juridictionnelle interrompt le délai de recours contentieux et qu'un nouveau délai de même durée recommence à courir à compter de l'expiration d'un délai de quinze jours après la notification à l'intéressé de la décision se prononçant sur sa demande d'aide juridictionnelle ou, si elle est plus tardive, à compter de la date de désignation de l'auxiliaire de justice au titre de l'aide juridictionnelle. Il en va ainsi quel que soit le sens de la décision se prononçant sur la demande d'aide juridictionnelle, qu'elle en ait refusé le bénéfice, qu'elle ait prononcé une admission partielle ou qu'elle ait admis le demandeur au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, quand bien même dans ce dernier cas le ministère public ou le bâtonnier ont, en vertu de l'article 23 de la loi du 10 juillet 1991, seuls vocation à contester une telle décision.
5. Pour rejeter comme manifestement irrecevable en raison de sa tardiveté la demande de M. Malonga, le président du tribunal administratif de Paris a relevé que l'arrêté du 16 juillet 2024 lui a été notifié le 5 août 2024 et que sa requête n'a été enregistrée au greffe du tribunal que le 13 septembre 2024, soit après l'expiration du délai fixé par les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. Malonga s'est vu régulièrement notifier l'arrêté du préfet de police de Paris le 24 juillet 2024 et qu'il a, dans le délai de recours contentieux d'un mois courant à compter de cette notification, présenté, le 30 juillet 2024, une demande d'aide juridictionnelle qui, par application des dispositions précitées, a interrompu le délai de recours contentieux. Conformément au principe rappelé au point précédent, le délai de recours contentieux d'un mois n'a recommencé à courir, dans son intégralité, qu'à compter de l'expiration d'un délai de quinze jours suivant la date de notification de la décision du bureau d'aide juridictionnelle. Aucune pièce du dossier ne permet de connaître la date à laquelle cette décision, datée du 2 septembre 2024, a été notifiée à M. Malonga. Dans ces conditions, c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a considéré que la demande de M. Malonga, enregistrée le 13 septembre 2024 au greffe de ce tribunal, était irrecevable en raison de sa tardiveté. Par suite, M. Malonga est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance du 18 octobre 2024 qui est irrégulière.
6. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. Malonga devant le tribunal administratif de Paris.
Sur la légalité de l'arrêté du préfet de police de Paris :
7. En premier lieu, par un arrêté n° 2024-00924 du 8 juillet 2024, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture de Paris le même jour, le préfet de police de Paris a donné délégation à M. B... C..., administrateur de l'Etat hors classe, sous-directeur du séjour et de l'accès à la nationalité, pour signer tous arrêtés et décisions dans la limite de ses attributions, en cas d'absence ou d'empêchement des autres délégataires, sans qu'il ressorte des pièces du dossier que ces derniers n'aient pas été absents ou empêchés lorsqu'il a signé l'arrêté du 16 juillet 2024. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de son signataire doit être écarté.
8. En deuxième lieu, l'arrêté contesté vise le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en particulier ses articles 3 et 8. En outre, le préfet de police de Paris, qui n'avait pas à faire état de l'ensemble des éléments caractérisant la situation du requérant, a indiqué qu'il est entré en France, selon ses déclarations, le 7 février 2018 et qu'il est marié avec une compatriote en situation irrégulière. Dès lors, l'arrêté comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté serait insuffisamment motivé doit être écarté.
9. En troisième lieu, ainsi que l'indique M. Malonga, le préfet de police de Paris a commis une erreur de fait, dès lors que contrairement à ce qui est indiqué dans l'arrêté du 16 juillet 2024, son épouse est en situation régulière sur le territoire français et dispose d'un titre de séjour. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le préfet de police de Paris aurait pris la même décision en se fondant sur les circonstances, qui sont exactes, que l'intéressé n'établit ni l'ancienneté de sa présence habituelle sur le territoire français ni être dépourvu d'attaches personnelles dans son pays d'origine. Par suite, le moyen doit être écarté.
10. En quatrième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine (...) ". Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
11. Il ressort des pièces du dossier que M. Malonga est marié avec une compatriote, titulaire d'une carte de séjour pluriannuelle valable du 22 décembre 2023 au 21 décembre 2025 et hébergée dans structure médicalisée, et est le père de trois enfants majeurs résidant également en France, l'un de nationalité française, le deuxième dont la demande de renouvellement de titre de séjour est en cours d'examen à la date de l'arrêté, et le dernier, titulaire d'une carte de séjour temporaire valable du 11 octobre 2023 au 10 octobre 2024. Toutefois, M. Malonga, qui déclare être entré en France le 7 février 2018, n'établit pas l'ancienneté de sa présence habituelle sur le territoire français. Enfin, il n'est pas dépourvu d'attaches personnelles dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à au moins l'âge de soixante-sept ans et où réside notamment un de ses cinq enfants. Dès lors, le préfet de police de Paris n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. Malonga au respect de la vie privée et familiale par rapport aux buts en vue desquels l'arrêté attaqué a été pris. Dans ces conditions, le préfet de police de Paris n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, les moyens ainsi soulevés doivent être écartés.
12. En dernier lieu, d'une part, aux termes des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié", "travailleur temporaire" ou "vie privée et familiale", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 (...) ".
13. En présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par un étranger qui n'est pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne représente pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels et, à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour. Les dispositions précitées de l'article L. 435-1 laissent enfin à l'administration un large pouvoir pour apprécier si l'admission au séjour d'un étranger répond à des considérations humanitaires ou si elle se justifie au regard des motifs exceptionnels que celui-ci fait valoir.
14. Pour les mêmes motifs de fait que ceux précédemment mentionnés au point 11, s'agissant de la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", M. Malonga n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté du préfet de police de Paris serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En outre, en tout état de cause, M. Malonga ne se prévaut d'aucun élément pouvant justifier, sur le fondement de ces dispositions, une régularisation de sa situation au titre du travail. Enfin, pour les mêmes motifs de fait, l'arrêté du 16 juillet 2024 n'est entaché d'aucune erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. Malonga.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. Malonga n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de police de Paris du 16 juillet 2024. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte doivent également être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme à verser au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : L'ordonnance n° 2424758 du 18 octobre 2024 est annulée.
Article 2 : La demande de M. Malonga devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... Malonga et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police de Paris.
Délibéré après l'audience du 30 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Barthez, président,
- Mme Milon, présidente assesseure,
- M. Dubois, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 février 2025.
Le président-rapporteur,
A. BARTHEZL'assesseure la plus ancienne
dans l'ordre du tableau,
A. MILON
La greffière,
E. VERGNOL
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 24PA04720 2