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11/04/2025 | FRANCE | N°23PA00913

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 4ème chambre, 11 avril 2025, 23PA00913


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société d'études et de travaux d'étanchéité a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer le retrait des pénalités qui lui ont été infligées dans le décompte de liquidation de son marché à hauteur de 156 071,12 euros et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 55 628,40 euros au titre des travaux supplémentaires et du préjudice subi en raison de l'allongement de la durée du chantier.



Par un jugement n° 2021131 du 5 janvier 20

23, le tribunal administratif de Paris a fixé le solde du marché à la somme de 34 245,92 euros.



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société d'études et de travaux d'étanchéité a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer le retrait des pénalités qui lui ont été infligées dans le décompte de liquidation de son marché à hauteur de 156 071,12 euros et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 55 628,40 euros au titre des travaux supplémentaires et du préjudice subi en raison de l'allongement de la durée du chantier.

Par un jugement n° 2021131 du 5 janvier 2023, le tribunal administratif de Paris a fixé le solde du marché à la somme de 34 245,92 euros.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête et un mémoire enregistrés, sous le n° 23PA00913, les 3 mars 2023 et 12 septembre 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, représenté par la SELAS Charrel et associés, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris et de rejeter la demande de la société d'études et de travaux d'étanchéité ;

2°) de mettre à la charge de la société d'études et de travaux d'étanchéité une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il a été rendu en méconnaissance du principe du contradictoire, faute pour le tribunal d'avoir mis en cause le service compétent du ministère de l'économie ;

- la demande de la société d'études et de travaux d'étanchéité est irrecevable en ce qu'elle ne justifie pas de la réception de sa réclamation par le maître d'œuvre et le représentant du pouvoir adjudicateur dans le délai de trente jours prévu par l'article 50.1.1. du CCAG Travaux ;

- la décision de résiliation du marché est fondée ;

- la société d'études et de travaux d'étanchéité étant responsable du retard du chantier à hauteur de 135 jours, c'est à bon droit que des pénalités lui ont été infligées à ce titre pour un montant de 5 122,43 euros ;

- c'est à bon droit que des pénalités lui ont infligées à hauteur de 75 500 euros du fait du retard de 151 jours, à la date de résiliation du marché, dans la remise du dossier des ouvrages exécutés ;

- c'est à bon droit que des pénalités lui ont été infligées en raison du retard de

135 jours, à la date de résiliation du marché, dans l'enlèvement des matériels et matériaux du chantier, soit un montant de 67 500 euros seulement ;

- la société d'études et de travaux d'étanchéité ne justifie pas de la réalisation des travaux supplémentaires allégués, lesquels, en tout état de cause, lui incombaient au regard du cahier des clauses techniques particulières du marché ;

- elle ne justifie ni des fautes qui auraient été commises par le maître d'ouvrage et seraient à l'origine de l'allongement de la durée du chantier, ni du préjudice qu'elle prétend avoir subi.

Par des mémoires en défense enregistrés les 8 juillet et 29 août 2024, la société d'études et de travaux d'étanchéité, représentée par la SCP Billebeau-Marinacce, conclut au rejet de la requête, à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 55 628,40 euros et à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 4 500 euros sur le fondement de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué a été régulièrement adressé au ministre de l'économie et des finances ;

- sa réclamation a été adressée au maître d'œuvre et au maître d'ouvrage dans les délais requis ;

- la demande d'application de pénalités est nouvelle en appel ;

- aucune pénalité ne pouvait lui être infligée au titre du retard dans l'exécution des travaux dès lors qu'aucun calendrier détaillé recalé ne lui a été notifié malgré la prolongation du délai du chantier ;

- aucune pénalité ne pouvait lui être infligée au titre du retard dans la remise du dossier d'exécution des ouvrages dès lors qu'aucun calendrier détaillé recalé ne lui a été notifié, qu'elle a de toute façon transmis ce dossier et que le maître d'ouvrage ne peut sans contradiction prétendre qu'elle n'a pas achevé les travaux et lui demander de produire le dossier des ouvrages exécutés ;

- aucune pénalité ne peut lui être infligée au titre du repliement des installations de chantier et de la remise en état des lieux dès lors qu'elle n'avait aucune installation sur le chantier ;

- la pénalité intitulée " passage en pénalité définitive de la retenue de la situation 2 " ne peut lui être infligée dès lors qu'aucun calendrier détaillé recalé ne lui a été notifié ;

- ses factures d'intervention pour la recherche d'une fuite d'un montant de

2 042,40 euros et pour son intervention de 2019 pour un montant de 2 646 euros n'ont pas été réglées ;

- la prolongation du délai d'exécution des travaux résulte de fautes du maître d'ouvrage en ce qui lui a causé un préjudice de 13 440 euros en raison de la mobilisation d'un conducteur de travaux pendant deux ans et de 37 500 euros en raison de la mobilisation de trois hommes pendant cinquante jours.

II. Par une requête enregistrée, sous le n° 23PA00943, le 7 mars 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, représenté par la SELAS Charrel et associés, demande à la Cour de prononcer le sursis à exécution du jugement n° 2021131 du 5 janvier 2023 et de mettre à la charge de la société d'études et de travaux d'étanchéité une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que l'exécution du jugement attaqué risque de l'exposer à la perte définitive d'une somme qui ne devrait pas rester à sa charge dès lors que ses conclusions d'appel ont des chances d'être accueillies.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 ;

- l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Saint-Macary,

- les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique,

- et les observations de Me Thareau, représentant le ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes n° 23PA00913 et n° 23PA00943 sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

2. Par un acte d'engagement du 26 janvier 2017, le ministre de l'économie et des finances a confié à la société d'études et de travaux d'étanchéité le lot n° 2 " étanchéité " d'une opération de réaménagement et de densification du service commun des laboratoires de Massy, dans le cadre d'un marché à prix forfaitaire d'un montant de 134 607,34 euros TTC. Il a mis en demeure la société d'études et de travaux d'étanchéité, le 20 novembre 2019, de se conformer à ses obligations contractuelles, puis a décidé la résiliation du marché pour faute le

11 février 2020. Le ministre de l'économie et des finances a notifié à la société, qui l'a reçu le 16 avril 2020, un décompte de liquidation. L'intéressée a formé une réclamation à son encontre, datée du 15 mai 2020, qui a été implicitement rejetée, puis a saisi le tribunal administratif de Paris afin qu'il retire les pénalités du décompte de liquidation et condamne l'Etat à lui verser une somme totale de 55 628,40 euros. Le ministre de l'économie et des finances relève appel du jugement par lequel le tribunal, faisant droit à l'argumentation de la société, a fixé le solde du marché à la somme de 34 245,92 euros.

Sur la régularité du jugement :

3. Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " (...) La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-2 à R. 611-6 (...) ". Aux termes de l'article R. 611-12 du même code : " Les communications à l'Etat des demandes et des différents actes de procédure sont faites à l'autorité compétente pour représenter l'Etat devant le tribunal ".

4. Il ressort des pièces du dossier de première instance que le tribunal a communiqué la demande de la société d'études et de travaux d'étanchéité à la direction du budget du ministère chargé de l'économie, et a mis en demeure cette direction de produire un mémoire. Il ressortait toutefois du mémoire de la société d'études et de travaux d'étanchéité que le marché n'avait pas été passé par cette direction. Celle-ci n'est en outre pas compétente pour traiter le contentieux du ministère et le tribunal ne lui a d'ailleurs pas notifié le jugement mais l'a notifié à la direction des affaires juridiques du ministère. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, la notification de la demande de la société d'études et de travaux d'étanchéité et de la mise en demeure à la direction du budget ne peuvent être regardées comme régulières. Dès lors, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est fondé à soutenir que le jugement attaqué a été rendu en méconnaissance du principe du contradictoire et qu'il doit, par suite, être annulé.

5. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société d'études et de travaux d'étanchéité devant le tribunal.

Sur la fin de non-recevoir :

6. D'une part, aux termes du I de l'article 1er de l'ordonnance du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période : " Les dispositions du présent titre sont applicables aux délais et mesures qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020 inclus ". Aux termes du premier alinéa de l'article 2 de la même ordonnance : " Tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d'office, application d'un régime particulier, non avenu ou déchéance d'un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à l'article 1er sera réputé avoir été fait à temps s'il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois ".

7. D'autre part, aux termes de l'article 50.1.1 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux, résultant de l'arrêté du 8 septembre 2009 modifié par l'arrêté du 3 mars 2014 (CCAG Travaux) : " (...) Dans son mémoire en réclamation, le titulaire expose les motifs de son différend, indique, le cas échéant, les montants de ses réclamations et fournit les justifications nécessaires correspondant à ces montants. Il transmet son mémoire au représentant du pouvoir adjudicateur et en adresse copie au maître d'œuvre. / Si la réclamation porte sur le décompte général du marché, ce mémoire est transmis dans le délai de trente jours à compter de la notification du décompte général. / Le mémoire reprend, sous peine de forclusion, les réclamations formulées antérieurement à la notification du décompte général et qui n'ont pas fait l'objet d'un règlement définitif ".

8. Les dispositions citées au point 6 sont applicables à l'ensemble des procédures devant les juridictions de l'ordre administratif, y compris lorsque le délai de saisine du juge résulte de stipulations contractuelles. Elles sont, par conséquent, applicables au délai de

trente jours dont dispose, en vertu de l'article 50.1.1 du CCAG Travaux cité au point précédent, le titulaire pour transmettre son mémoire en réclamation au représentant du pouvoir adjudicateur et au maître d'œuvre sous peine de forclusion de sa demande.

9. Il découle de ce qui précède que la société d'études et de travaux d'étanchéité, à laquelle le décompte de liquidation a été notifié le 16 avril 2020, avait jusqu'au 24 juillet 2020 pour transmettre son mémoire en réclamation au représentant du pouvoir adjudicateur et au maître d'œuvre. Il résulte de l'instruction que son mémoire en réclamation a été réceptionné le 18 mai 2020 par le maître d'œuvre. Si la date de réception de sa réclamation par le représentant du pouvoir adjudicateur, figurant sur l'avis de réception, est illisible, il ressort de cet avis de réception qu'il a été envoyé au plus tard le 15 mai 2020. Le titulaire du marché établit ainsi avoir remis son mémoire en réclamation aux services postaux en temps utile afin qu'il parvienne avant l'expiration du délai applicable compte tenu du délai d'acheminement normal du courrier. Par suite, la fin de non-recevoir opposée en défense doit être écartée.

Sur le bien-fondé de la demande :

En ce qui concerne les pénalités :

10. En premier lieu, aux termes de l'article 4.1.2 du cahier des clauses administratives particulières du marché (CCAP), relatif aux calendriers détaillés des travaux, des études et de remise de documents : " a) Les calendriers détaillés des travaux, des études et de remise des documents sont élaborés par le pilote après consultation des entrepreneurs titulaires des différents lots, dans le cadre du calendrier prévisionnel d'exécution figurant au 4.1.1. / Les calendriers détaillés distinguent les différents ouvrages dont la construction fait l'objet des travaux. Ils indiquent en outre, pour chacun des marchés : / - la durée et la date probable des départs des délais d'exécution et de démarrage des travaux ; / - la durée et la date probable de départ des délais particuliers correspondant aux interventions successives de l'entrepreneur sur le chantier (...) / d) Au cours du chantier et après consultation des différents entrepreneurs concernés, le pilote peut modifier le calendrier détaillé des études ou le calendrier détaillé d'exécution ou de remise des documents dans la limite du délai d'exécution de l'ensemble des marchés fixé à l'article 6 de l'acte d'engagement. / Ces modifications tiennent compte toutefois, le cas échéant, des prolongations de délais résultant de l'application de l'article 19.2 du CCAG Travaux. / e) Le calendrier initial visé en a) éventuellement modifié comme il est indiqué en d), est notifié par ordre de service à tous les entrepreneurs ". Aux termes de l'article 4.2 du même document, relatif aux pénalités pour retard dans l'exécution des travaux : " Du simple fait de la constatation d'un retard par le maître d'œuvre, l'entrepreneur encourt la retenue journalière provisoire indiquée ci-après, par dérogation à l'article 20.1 du CCAG Travaux. / Cette pénalité sera appliquée en cas de retard en cours d'exécution des travaux constaté par référence au calendrier détaillé d'exécution élaboré pendant la période de préparation de chantier et éventuellement modifié comme il a été indiqué au 4.1.2 ci-dessus. Cette pénalité provisoire est constituée à partir du premier retard constaté et jusqu'à extinction éventuelle de ce retard. / Cette retenue peut être transformée en pénalité définitive si l'une des deux situations suivantes est constatée : / - l'entrepreneur n'a pas achevé les travaux lui incombant dans le délai d'exécution propre à son marché ; / - l'entrepreneur -bien qu'ayant terminé ses travaux dans ce délai- a perturbé la marche du chantier ou provoqué des retards dans le déroulement des travaux relatifs aux autres marchés (...) ".

11. Il résulte de ces stipulations que par dérogation à l'article 20.1 du CCAG Travaux, les pénalités pour retard dans l'exécution des travaux sont infligées par référence au calendrier détaillé d'exécution, le cas échéant modifié. Il n'est pas contesté par le ministre de l'économie et des finances qu'ainsi que le soutient la société d'études et de travaux d'étanchéité, aucun calendrier détaillé d'exécution modifié ne lui a été notifié malgré le report, à plusieurs reprises, du délai d'exécution des travaux. Dans ces conditions, cette société est fondée à soutenir qu'aucune pénalité pour retard dans l'exécution des travaux ne pouvait lui être infligée. Par suite, il n'y a pas lieu de lui imputer de telles pénalités à hauteur de 5 122,43 euros, montant incluant la transformation en pénalité d'une retenue appliquée à hauteur de 448,69 euros sur la situation n° 2 du mois de juillet 2017, alors que le délai d'exécution des travaux avait déjà été prorogé.

12. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4.2.2 du CCAP, relatif au retard dans la remise des documents : " En cas de retard dans la remise des documents (...), il est appliqué une pénalité de 500 euros par jour calendaire de retard et par objet, déductible des décomptes mensuels du simple fait de la constatation du retard par le pilote, sans mise en demeure préalable en application de l'article 20.1.1 du CCAG-Travaux, et indépendamment des pénalités encourues pour retard de travaux qui pourraient en résulter (...) ". Aux termes de l'article 4.5.2 du même document, relatif au délai de remise des documents par les entreprises : " Chaque entreprise devra remettre au maître d'œuvre les plans conformes aux ouvrages exécutés, les plans de récolement et les documents figurant aux CCTP. / Par dérogation à l'article 40 du CCAG travaux, le dossier des ouvrages exécutés (D.O.E) de l'entreprise devra être fourni au maximum 15 jours avant la date prévisible de l'achèvement des travaux ". Enfin, l'article 9.1 du CCAP précise que : " la réception a lieu à l'achèvement de l'ensemble des travaux relevant des lots considérés ".

13. Il résulte de l'instruction que le maître d'ouvrage a refusé, le 5 décembre 2019, de réceptionner les travaux en raison de leur non-achèvement. Dès lors, en l'absence de date prévisible d'achèvement de ces travaux, le délai de remise du dossier des ouvrages exécutés n'a pas pu commencer à courir. Par suite, la société d'études et des travaux d'étanchéité est fondée à soutenir que le pouvoir adjudicateur ne pouvait lui infliger des pénalités à hauteur de

75 500 euros pour non remise de ce dossier.

14. En dernier lieu, aux termes de l'article 4.4 du CCAP, relatif au repliement des installations de chantier et remise en état des lieux : " A la fin des travaux, dans le cadre du délai d'exécution, l'entrepreneur devra avoir fini de procéder au dégagement, nettoiement et remise en état des emplacements, qui auront été occupés par le chantier ainsi qu'à l'enlèvement du matériel et des matériaux sans emploi. En cas de retard, l'entrepreneur encourt les pénalités de 500 euros par jour calendaire de retard ".

15. Il résulte de l'instruction, notamment du constat d'huissier du 17 décembre 2019, que la société d'études et de travaux d'étanchéité avait, à cette date, laissé du matériel et des matériaux sur le chantier, en particulier, des produits d'étanchéité, de l'isolant et des bandes de goudron. En se bornant à soutenir qu'elle n'avait aucune installation sur le chantier, elle ne conteste pas avoir laissé des matériaux et du matériel sur le chantier jusqu'à la date de résiliation du marché. Il résulte toutefois de l'instruction que le maître d'ouvrage l'a mise en demeure, le 20 novembre 2020, d'exécuter plusieurs prestations, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de cette mise en demeure. L'intéressée indiquant avoir reçu cette mise en demeure le jour même, elle avait jusqu'au 5 décembre 2020 pour réaliser ces prestations. Dès lors, le maître d'ouvrage ne pouvait, avant cette date, lui infliger une pénalité en application des stipulations précitées de l'article 4.4 du CCAP, cette pénalité n'étant encourue qu'à compter de la fin des travaux. Par suite, il y a lieu de ramener le montant de cette pénalité de 67 500 euros, correspondant à 135 jours de retard, à 34 000 euros, correspondant à 68 jours de retard.

En ce qui concerne les travaux supplémentaires :

16. Si la société d'études et de travaux d'étanchéité soutient avoir réalisé deux interventions pour des montants respectifs de 2 042,40 euros et 2 646 euros, elle ne justifie pas de l'effectivité de ses interventions, à supposer même qu'elles n'aient pas été inclues dans le montant forfaitaire de son marché.

En ce qui concerne les préjudices subis en raison de l'allongement de la durée du chantier :

17. Les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés trouvent leur origine dans des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat, soit qu'elles sont imputables à une faute de la personne publique commise notamment dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l'estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en œuvre, en particulier dans le cas où plusieurs cocontractants participent à la réalisation de travaux publics.

18. Il ne résulte d'aucun élément de l'instruction que la société d'études et de travaux d'étanchéité ait été amenée à mobiliser du personnel en raison de la prolongation des délais du chantier. Dans ces conditions, à supposer même que cette prolongation soit imputable au maître d'ouvrage, l'intéressée n'est pas fondée à demander à être indemnisée à hauteur de 50 940 euros à ce titre.

19. Il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que les pénalités relatives au retard dans l'exécution et dans la remise du dossier des ouvrages exécutés doivent être retirées du décompte de liquidation pour un montant total de 80 622,43 euros et que les pénalités relatives au repliement des installations de chantier et de la remise en état des lieux ne doivent y être maintenues qu'à hauteur de 34 000 euros, d'autre part, que les conclusions aux fins de condamnation présentées par la société d'études et de travaux d'étanchéité doivent être rejetées.

Sur la requête n° 23PA00943 :

20. La Cour annulant, par le présent arrêt, le jugement n° 2021131 du 5 janvier 2023, dont le ministre de l'économie et des finances demande le sursis à exécution, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 23PA00943.

Sur les frais du litige :

21. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société d'études et de travaux d'étanchéité une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font en revanche obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que la société d'études et de travaux d'étanchéité demande sur ce fondement.

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y pas lieu de statuer sur la requête n° 23PA00943.

Article 2 : Le jugement n° 2021131 du 5 janvier 2023 du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 3 : Les pénalités relatives au retard dans l'exécution et dans la remise du dossier des ouvrages exécutés sont retirées du décompte de liquidation pour un montant total de

80 622,43 euros et les pénalités relatives au repliement des installations de chantier et de la remise en état des lieux n'y sont maintenues qu'à hauteur de 34 000 euros.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la société d'études et de travaux d'étanchéité est rejeté.

Article 5 : La société d'études et de travaux d'étanchéité versera une somme de 1 500 euros à l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la société d'études et de travaux d'étanchéité.

Délibéré après l'audience du 21 mars 2025, à laquelle siégeaient :

Mme Doumergue, présidente de chambre,

Mme Bruston, présidente-assesseure,

Mme Saint-Macary, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 avril 2025.

La rapporteure,

M. SAINT-MACARY

La présidente,

M. DOUMERGUE

La greffière,

E. FERNANDO

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23PA00913-23PA00943 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA00913
Date de la décision : 11/04/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme DOUMERGUE
Rapporteur ?: Mme Marguerite SAINT-MACARY
Rapporteur public ?: Mme NAUDIN
Avocat(s) : SCP CHARREL ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-11;23pa00913 ?
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