Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Compagnie normande des clôtures a saisi le tribunal administratif de Montreuil d'une demande tendant à la condamnation de l'office public de l'habitat (OPH) de Drancy à lui verser une somme de 22 069,20 euros TTC au titre de trois factures impayées, assortie des intérêts moratoires à compter de l'enregistrement de la requête.
Par un jugement n° 2004338 du 16 novembre 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande, l'a condamnée à verser à l'OPH de Drancy une somme de 6 121,50 euros TTC et a rejeté le surplus des conclusions reconventionnelles de l'OPH de Drancy.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 17 janvier et 3 juillet 2023, la société Compagnie normande des clôtures, représentée par Me Lallement et Me Hatte, demande à la Cour :
1°) d'annuler les articles 1 et 2 du jugement du 16 novembre 2022 du tribunal administratif de Montreuil ;
2°) à titre principal, de condamner l'OPH de Drancy à lui verser une somme de 22 069,20 euros TTC au titre de trois factures et d'infirmer sa condamnation à verser la somme de 6 121,50 euros TTC à l'OPH de Drancy ;
3°) à titre subsidiaire, de ramener le montant des pénalités à la somme d'un euro ;
4°) de mettre à la charge de l'OPH de Drancy la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de l'OPH de Drancy à lui verser une somme de 22 069,20 euros TTC au titre de trois factures impayées dès lors que toutes les justifications opposées par l'OPH de Drancy pour refuser le paiement des trois factures sont infondées ;
- les conclusions de l'OPH de Drancy tendant à sa condamnation à verser des pénalités de retard ne sont pas fondées alors qu'à tout le moins ces pénalités sont disproportionnées par rapport au montant du marché et devraient à titre subsidiaire être ramenées à la somme de l'euro symbolique.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 juin 2023, l'OPH de Drancy, représenté par Me Abrassart, conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, demande l'annulation de l'article 3 du jugement du 16 novembre 2022 qui a rejeté le surplus de ses conclusions reconventionnelles et qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société Compagnie normande des clôtures au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- les moyens soulevés par la Compagnie normande des clôtures ne sont pas fondés ;
- par la voie de l'appel incident, il est fondé à demander l'annulation de l'article 3 du jugement qui a rejeté le surplus de ses conclusions reconventionnelles ;
- il est fondé à demander la condamnation de la société compagnie normande des clôtures à verser une somme correspondant aux pénalités de retard à compter du 11 avril 2018, date à laquelle il a mis la société en demeure d'achever les travaux, pour un montant total maximum de 198 000 euros, quitte à ce que ce montant soit modulé par la Cour ;
- il est également fondée à demander la condamnation de la requérante à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral car il a bien été victime d'actes de vandalisme du fait de la non finition des clôtures, actes portant atteinte à sa réputation.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics,
- l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux, modifié par l'arrêté du 3 mars 2014,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pagès,
- les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique,
- et les observations de Me Tauzin pour l'office public de l'habitat (OPH) de Drancy.
Considérant ce qui suit :
1. Par un acte d'engagement du 21 mai 2015, l'office public de l'habitat (OPH) de Drancy a confié à la société Compagnie normande des clôtures le lot n° 2 " aménagements extérieurs " dans le cadre d'une opération de travaux de ravalement de façades, amélioration technique, esthétique et résidentialisation de la résidence Lech Walesa. Ce marché, conclu à prix global et forfaitaire, comportait une " solution de base ", d'un montant de 21 200 euros HT, pour la pose de clôtures à base de grilles, d'une hauteur de 2 mètres, et de sept portillons, ainsi qu'une " prestation supplémentaire ou alternative " (dénommée " option 3 ") consistant à remplacer les clôtures à base de grilles par des clôtures sur murets de soubassement maçonnés, d'un montant de 18 000 euros HT. Par un bon de commande du 21 novembre 2017, l'OPH a commandé la solution de base et l'option 3, pour un montant total de 47 040 euros TTC. Le 12 juin 2018, l'OPH a émis un second bon de commande " annulant et remplaçant " celui du 21 novembre 2017, pour un montant de 25 440 euros TTC, correspondant à la seule solution de base. Plusieurs factures ont été réglées à la société en août 2018, pour un montant total de 25 393,20 euros TTC. En revanche, trois factures des 14 novembre 2017 (17 610 euros TTC), 22 décembre 2017 (3 950,40 euros) et 30 juin 2018 (508,80 euros TTC) émises par la société requérante n'ont pas été réglées par l'OPH de Drancy. La société Compagnie normande des clôtures n'ayant pas achevé les travaux qui lui avaient été confiés, l'OPH de Drancy a fait appel à une société tierce pour les terminer. La société Compagnie normande des clôtures a demandé au tribunal administratif de Montreuil de condamner l'OPH de Drancy à lui verser une somme de 22 069,20 euros TTC au titre des trois factures impayées, assortie des intérêts à compter de l'enregistrement de la requête. A titre reconventionnel, l'OPH de Drancy a demandé au tribunal de condamner la société Compagnie normande des clôtures à lui verser une somme de 11 121,50 euros en réparation des préjudices qu'il a subis du fait de l'inachèvement des travaux, ainsi qu'une somme de 198 000 euros au titre des pénalités de retard contractuelles. Par un jugement du 16 novembre 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande de la société Compagnie normande des clôtures, l'a condamnée à verser à l'OPH de Drancy une somme de 6 121,50 euros TTC et a rejeté le surplus des conclusions reconventionnelles de l'OPH de Drancy. La société Compagnie normande des clôtures relève appel de ce jugement alors que l'OPH de Drancy, par la voie de l'appel incident, demande l'annulation de son article 3 qui a rejeté le surplus de ses conclusions reconventionnelles.
Sur les conclusions de la société Compagnie normande des clôtures :
En ce qui concerne la demande d'annulation de l'article 1er du jugement attaqué :
S'agissant des factures des 14 novembre 2017 et 22 décembre 2017 d'un montant respectivement de 17 610 euros et 3 950,40 euros TTC :
2. Il résulte de l'instruction que les factures des 14 novembre et 22 décembre 2017, lesquelles font état d'un avancement des travaux respectivement de 80 et 98%, mentionnent des travaux ne correspondant pas à ceux qui ont été effectivement réalisés, en particulier la pose d'un muret de soubassement et d'une clôture sur muret. Si l'OPH a émis le 21 novembre 2017, à tort, un bon de commande pour la " solution de base " correspondant à la pose de clôtures à base de grilles et l'option 3 consistant à remplacer les clôtures à base de grilles par des clôtures sur murets de soubassement maçonnés, il a ultérieurement, le 12 juin 2018, annulé ce bon de commande et émis un nouveau bon de commande pour la seule solution de base. Et les prestations effectivement réalisées par la société requérante ont consisté, ainsi qu'elle le reconnait d'ailleurs elle-même, en la pose d'une clôture à base de grilles, sans muret de soubassement. Si la requérante indique que c'est par une simple erreur matérielle que les factures des 14 novembre et 22 décembre 2017 mentionnent des clôtures sur murets de soubassement, aucun élément du dossier ne permet de corroborer cette affirmation alors qu'en tout état de cause aucune facture rectificative n'a été émise. Enfin, au demeurant, deux factures émises ultérieurement le 19 septembre 2018, correspondant à un avancement des travaux respectivement de 80 et 98% et faisant état de la pose de la clôture à base de grille sans muret de soubassement, ont été réglées par l'OPH de Drancy pour un montant total de 25 393,20 euros TTC. Les conclusions indemnitaires susvisées doivent donc être rejetées.
S'agissant de la facture du 30 juin 2018 d'un montant de 508,80 euros TTC :
3. Si cette facture a bien été émise pour des travaux relatifs à la pose d'une clôture complètement grillagée, sans muret de soubassement, elle fait état d'un avancement des travaux de 100%, ne correspondant pas à l'avancement réel des travaux. En effet, il résulte de l'instruction que les travaux n'ont pas été achevés par la société requérante, l'OPH de Drancy ayant dû faire appel à une entreprise tierce pour ce faire. Par suite, la société requérante n'est pas fondée non plus à demander le paiement de la facture du 30 juin 2018.
4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la
fin de non-recevoir opposée en première instance par l'OPH de Drancy, que les conclusions indemnitaires présentées par la société Compagnie normande des clôtures doivent être rejetées.
En ce qui concerne la demande d'annulation de l'article 2 du jugement attaqué :
5. Si la société requérante demande l'annulation de l'article 2 du jugement attaqué qui l'a condamnée à verser à l'OPH de Drancy une somme de 6 121,50 euros TTC en réparation du préjudice matériel correspondant à la somme versée à une tierce entreprise pour l'achèvement des travaux, elle ne présente aucune critique des motifs du jugement attaqué sur ce point. Il y a lieu de confirmer cette condamnation par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges aux points 5 et 6 du jugement attaqué.
6. Il résulte de tout ce qui précède que la société Compagnie normande des clôtures n'est pas fondée à demander l'annulation des articles 1er et 2 du jugement attaqué.
Sur l'appel incident de l'OPH de Drancy :
En ce qui concerne le préjudice moral :
7. L'OPH de Drancy demande l'indemnisation, à hauteur de 5 000 euros, du préjudice moral qu'il estime avoir subi du fait de l'atteinte à son image consécutive aux actes de vandalisme qui ont eu lieu alors que la clôture n'était pas achevée. A l'appui de sa demande, il produit des fiches de signalement d'incidents faisant état d'actes de vandalisme, dont certains ont eu lieu entre le 30 avril 2018 et le 20 août 2019, avant l'achèvement des travaux, les autres n'étant pas datés.
8. Toutefois, comme l'a relevé le tribunal, il ne résulte pas de l'instruction que ces actes de vandalisme aient été permis ou même facilités par l'absence de clôture, dès lors qu'il n'est pas établi que leurs auteurs, inconnus, étaient des personnes extérieures à la résidence Lech Walesa. En outre, l'atteinte à sa réputation n'est nullement établie. Dans ces conditions, la demande présentée par l'OPH de Drancy doit être rejetée.
En ce qui concerne les pénalités de retard :
9. D'une part, aux termes des stipulations de l'article 6-1 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) relatif aux délais d'exécution des travaux : " Le délai d'exécution plafond de l'ensemble des travaux est stipulé dans le calendrier général prévisionnel d'exécution. / Le délai d'exécution de chaque lot s'insère dans ce délai d'ensemble, conformément au calendrier détaillé d'exécution qui sera joint en annexe de ce présent CCAP. (...) A) Le calendrier détaillé d'exécution est élaboré (à partir du calendrier prévisionnel d'exécution) par le maitre d'œuvre après consultation auprès des titulaires des différents lots. (...) Il indique en outre pour chacun des lots la durée et la date probable de départ du délai d'exécution qui lui est propre ainsi que la durée et la date probable de départ des délais particuliers correspondant aux interventions successives du titulaire sur le chantier. Après acceptation par les titulaires, le calendrier détaillé d'exécution est soumis par le maitre d'œuvre à l'approbation du pouvoir adjudicateur dix jours au moins avant l'expiration de la période de préparation visée au présent CCAP. / B) Le délai d'exécution propre à chacun des lots commence à la date d'effet de l'ordre de service prescrivant au titulaire concerné de commencer l'exécution des travaux lui incombant. (...) ".
10. D'autre part, aux termes de l'article 6-3 du CCAP relatif aux pénalités de retard : " Par dérogation à l'article 20.I du CCAG-Travaux, le titulaire subira les pénalités suivantes : - en cas de retard dans l'achèvement des travaux dus, le titulaire subira, par jour de retard et sans mise en demeure préalable, une pénalité journalière de 300,00 € pendant 7 jours, puis 400,00 € au-delà ".
11. L'OPH demande la condamnation de la société à lui payer des indemnités de retard contractuelles pour un montant de 198 000 euros, sans commune mesure avec le montant du marché. Si l'OPH soutient que le retard court " a minima " à compter du 11 avril 2018, date à laquelle il a mis en demeure la société Compagnie Normande des clôtures d'achever les travaux, il ne produit, pas plus en première instance qu'en appel, le calendrier détaillé d'exécution des travaux mentionné à l'article 6-1 du CCAP, ni l'ordre de service prescrivant au titulaire concerné de commencer l'exécution des travaux lui incombant. Faute pour lui de justifier du retard de la société au regard de ce calendrier, sa demande doit dans tous les cas être rejetée.
12. Il résulte de tout ce qui précède que l'OPH de Drancy n'est pas fondé à demander l'annulation de l'article 3 du jugement attaqué.
Sur les frais liés au litige :
13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de rejeter les conclusions présentées par les deux parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Compagnie normande des clôtures est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de l'office public de l'habitat de Drancy à fin d'appel incident et au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Compagnie normande des clôtures et à l'office public de l'habitat de Drancy.
Délibéré après l'audience du 1er avril 2025 à laquelle siégeaient :
- Mme Bonifacj, présidente de chambre,
- M. Niollet, président assesseur,
- M. Pagès, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 avril 2025.
Le rapporteur,
D. PAGES La présidente,
J. BONIFACJ
La greffière,
A. LOUNIS
La République mande et ordonne au préfet de la Seine-Saint-Denis en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA00226