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16/04/2025 | FRANCE | N°23PA01174

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 6ème chambre, 16 avril 2025, 23PA01174


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... Sainson a saisi le tribunal administratif de Melun de deux demandes tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 6 mars 2020 par lequel la directrice des relations et des ressources humaines de l'académie de Créteil l'a suspendu à titre conservatoire du service pour une durée de 4 mois, d'autre part, à l'annulation des arrêtés des 29 et 30 juin 2020 par lesquels le recteur de l'académie de Créteil lui a infligé la sanction de déplacement d'office et l'a affect

é à la direction des services départementaux de l'éducation nationale.



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... Sainson a saisi le tribunal administratif de Melun de deux demandes tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 6 mars 2020 par lequel la directrice des relations et des ressources humaines de l'académie de Créteil l'a suspendu à titre conservatoire du service pour une durée de 4 mois, d'autre part, à l'annulation des arrêtés des 29 et 30 juin 2020 par lesquels le recteur de l'académie de Créteil lui a infligé la sanction de déplacement d'office et l'a affecté à la direction des services départementaux de l'éducation nationale.

Par un jugement ns 2004559, 2007013 du 19 janvier 2023, le tribunal administratif de Melun a rejeté ses demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 20 mars 2023, M. Sainson, représenté par Me Arvis, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 19 janvier 2023 du tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les arrêtés des 6 mars 2020, 29 juin 2020 et 30 juin 2020 mentionnés ci-dessus ;

3°) d'enjoindre au recteur de l'académie de Créteil, d'une part, de le réintégrer dans son emploi d'origine, d'autre part, de retirer les pièces disciplinaires de son dossier administratif individuel ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier pour insuffisance de motivation s'agissant de la réponse au moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté du 29 juin 2020 et du moyen tiré du vice de procédure affectant cet arrêté du fait de l'insuffisance de motivation de l'avis du conseil de discipline ;

S'agissant de l'arrêté du 6 mars 2020 :

- il est entaché d'erreur d'appréciation, les faits qui lui sont reprochés, non établis, ne justifiant pas une suspension à titre conservatoire ;

- il constitue une discrimination à raison de son handicap.

S'agissant de l'arrêté du 29 juin 2020 :

- il a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que l'avis du conseil de discipline du 24 juin 2020 n'est pas motivé ;

- il a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que le rapport de saisine du conseil de discipline ne comporte ni le nom, ni la signature de son auteur ;

- il a été pris en méconnaissance des droits de la défense dès lors qu'il n'a pas eu communication de son entier dossier ;

- il a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que la présidente du conseil de discipline a manqué d'impartialité ;

- il est entaché d'inexactitude matérielle des faits et d'erreur d'appréciation, les griefs qui lui sont reprochés n'étant pas établis ;

- la sanction prononcée est disproportionnée au regard des faits qui lui sont reprochés.

S'agissant de l'arrêté du 30 juin 2020 :

- il est entaché d'illégalité en raison de l'illégalité de l'arrêté du 29 juin 2020 prononçant à son encontre la sanction de déplacement d'office ;

- il porte atteinte à son grade, à ses droits ou sa santé.

Par une ordonnance du 10 décembre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 7 janvier 2025 à 12 heures.

Un mémoire a été déposé par le recteur de l'académie de Créteil le 31 mars 2025, postérieurement à la clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 82-451 du 28 mai 1982 ;

- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pagès,

- les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique,

- et les observations de Me Arvis, pour M. Sainson.

Considérant ce qui suit :

1. M. Sainson, secrétaire administratif de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur, était affecté au sein de la division de l'accompagnement médico-social et médical dans le service consacré à la gestion des maladies professionnelles et des accidents de service. Par un arrêté du 6 mars 2020, la directrice des relations et des ressources humaines de l'académie de Créteil l'a suspendu à titre conservatoire du service pour une durée de 4 mois. Par un arrêté du 29 juin 2020, le recteur de l'académie de Créteil lui a infligé la sanction de déplacement d'office, puis par un arrêté du 30 juin 2020, a affecté M. Sainson à la direction des services départementaux de l'éducation nationale. Par un jugement du 19 janvier 2023, dont M. Sainson relève appel, le tribunal administratif de Melun a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Les premiers juges ont répondu de façon suffisamment circonstanciée aux deux moyens tirés de l'insuffisance de motivation de l'arrêté du 29 juin 2020 et du vice de procédure affectant cet arrêté du fait de l'insuffisance de motivation de l'avis du conseil de discipline. Le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué doit donc être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 6 mars 2020 :

3. En premier lieu, aux termes de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, alors en vigueur : " En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline. (...) ". La mesure de suspension prévue par ces dispositions peut être prononcée à l'encontre d'un agent titulaire si les griefs articulés à son encontre présentent un caractère de vraisemblance et de gravité suffisant pour qu'une telle mesure puisse légalement lui être appliquée dans l'intérêt du service.

4. Il ressort des pièces du dossier que, pour prendre la décision du 6 mars 2020 de suspendre à titre conservatoire M. Sainson de ses fonctions, la directrice des relations et ressources humaines du rectorat de l'académie de Créteil s'est fondée sur la circonstance qu'une violente altercation verbale a eu lieu entre l'intéressé et sa cheffe de service, à l'occasion d'un entretien, le 18 février 2020, portant sur sa présence ce même jour, pendant les heures de service et sans autorisation d'absence, à une commission de réforme au cours de laquelle était examiné le dossier d'un de ses collègues.

5. Or, d'une part, le requérant ne conteste pas s'être absenté sans autorisation pour assister à la commission de réforme. D'autre part, il ressort du rapport circonstancié du 19 février 2020, rédigé par sa cheffe de service, que, lors de cet entretien, M. Sainson a haussé le ton en criant et devenant très agressif, a cherché à l'intimider en faisant obstacle à sa sortie du bureau et qu'il n'a quitté son bureau qu'après l'intervention de l'assistante de la division qu'elle avait appelée à l'aide. Si M. Sainson conteste la matérialité de ces faits, il n'apporte aucun élément de nature à les remettre en cause, notamment aucun témoignage de collègues, alors que la version de sa cheffe de service est confirmée par le témoignage écrit de l'assistante de division. Dans ces conditions, les faits reprochés à M. Sainson ont un caractère de vraisemblance suffisant et permettent de présumer que celui-ci a commis une faute grave. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée serait entachée d'une erreur d'appréciation.

6. En second lieu, si M. Sainson produit un certificat médical du 22 juin 2020, indiquant que le comportement qui lui est reproché serait une manifestation en lien avec les troubles du spectre autistique dont il est atteint, cet élément est sans influence sur la décision de suspension à titre conservatoire qui ne préjuge pas de la responsabilité de l'agent. Par ailleurs, M Sainson n'apporte aucun élément de fait susceptible de faire présumer l'existence d'une discrimination à raison de son handicap. Ce second moyen doit donc également être écarté.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. Sainson n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté ces conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 mars 2020 par lequel la directrice des relations et des ressources humaines de l'académie de Créteil l'a suspendu à titre conservatoire du service pour une durée de 4 mois.

En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation des arrêtés des 29 et 30 juin 2020 :

8. Aux termes de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligation des fonctionnaires alors en vigueur : " (...) Le fonctionnaire à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes et à l'assistance de défenseurs de son choix. L'administration doit informer le fonctionnaire de son droit à communication du dossier. Aucune sanction disciplinaire autre que celles classées dans le premier groupe par les dispositions statutaires relatives aux fonctions publiques de l'Etat, territoriale et hospitalière ne peut être prononcée sans consultation préalable d'un organisme siégeant en conseil de discipline dans lequel le personnel est représenté. / L'avis de cet organisme de même que la décision prononçant une sanction disciplinaire doivent être motivés ".

9. En l'espèce, l'administration produit un document intitulé " avis du conseil de discipline ", daté du 29 juin 2020. Toutefois ce document ne saurait tenir lieu d'un avis régulier du conseil de discipline qui s'est réuni le 24 juin 2020, alors qu'il est signé par le recteur de l'académie de Créteil qui n'a pas présidé la réunion du conseil de discipline et qui, au surplus, est détenteur en l'espèce du pouvoir disciplinaire. Par ailleurs, le procès-verbal du conseil de discipline se borne à relater les débats puis à retranscrire la délibération et, s'agissant de la sanction proposée, du nombre de voix recueillies sur cette sanction. Dès lors les mentions de ce procès-verbal ne peuvent tenir lieu de motivation. M. Sainson est donc fondé à soutenir que, faute pour l'administration de justifier de la motivation de l'avis du conseil de discipline prévue par les dispositions citées au point précédent, laquelle constitue une garantie, l'arrêté du 29 juin 2020 est entaché d'un vice de procédure. Dès lors, M. Sainson est fondé, pour ce motif, à demander l'annulation de cet arrêté, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, et, par voie de conséquence, de l'arrêté subséquent du 30 juin 2020.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Le présent arrêt implique nécessairement que le recteur de l'académie de Créteil, d'une part, retire la sanction disciplinaire annulée de son dossier, d'autre part, replace M. Sainson, à la date des décisions annulées, dans l'emploi qu'il occupait précédemment et à reprendre rétroactivement les mesures nécessaires pour le placer dans une position régulière. Il y a donc lieu, d'enjoindre au recteur de l'académie de Créteil, d'une part, de retirer la sanction disciplinaire annulée du dossier de M. Sainson, d'autre part, de replacer M. Sainson, à la date des décisions annulées, dans l'emploi qu'il occupait précédemment et de reprendre rétroactivement les mesures nécessaires pour le placer dans une position régulière, dans le délai de trois mois à compter de la date de notification du présent arrêt.

Sur les frais du litige :

11. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Les arrêtés des 29 juin 2020 et 30 juin 2020 du recteur de l'académie de Créteil sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au recteur de l'académie de Créteil, d'une part, de retirer la sanction disciplinaire annulée du dossier de M. Sainson, d'autre part, de replacer M. Sainson, à la date des décisions annulées, dans l'emploi qu'il occupait précédemment et de reprendre rétroactivement les mesures nécessaires pour le placer dans une position régulière, dans le délai de trois mois à compter de la date de notification du présent arrêt.

Article 3 : Le jugement ns 2004559, 2007013 du 19 janvier 2023 du tribunal administratif de Melun est réformé en tant qu'il est contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à M. Sainson au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... Sainson, à la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche et au recteur de l'académie de Créteil.

Délibéré après l'audience du 1er avril 2025 à laquelle siégeaient :

- Mme Bonifacj, présidente de chambre,

- M. Niollet, président assesseur,

- M. Pagès, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 avril 2025.

Le rapporteur,

D. PAGES La présidente,

J. BONIFACJ

La greffière,

A. LOUNIS

La République mande et ordonne à la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 23PA01174


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA01174
Date de la décision : 16/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BONIFACJ
Rapporteur ?: M. Dominique PAGES
Rapporteur public ?: Mme NAUDIN
Avocat(s) : CABINET ARVIS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-16;23pa01174 ?
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