Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée B... a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016, des pénalités correspondantes ainsi que des amendes qui lui ont été infligées sur le fondement du 4 de l'article 1788 A du code général des impôts au titre de la même période.
Par un jugement n° 1916080 du 14 décembre 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 21PA00722 du 1er juin 2022, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la société B... contre ce jugement.
Par une décision n° 466239 du 12 décembre 2023, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé cet arrêt et a renvoyé l'affaire devant la cour, où elle a été enregistrée sous le n° 23PA05195.
Procédure devant la cour avant cassation :
Par une requête, et des mémoires, enregistrés les 13 février et 25 juin 2021 et le 19 mai 2022, ce dernier n'ayant pas été communiqué, sous l'instance n° 21PA00722, la société B..., représentée par Me Dugas, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler le jugement du 14 décembre 2020 du tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016, ainsi que des amendes qui lui ont été infligées sur le fondement du 4 de l'article 1788 A du code général des impôts au titre de la même période ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 6 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la procédure d'imposition est irrégulière, du fait de l'absence de saisine de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ;
- le régime prévu à l'article 297 A est de droit pour les contribuables répondant aux conditions posées par cet article ; aucune condition de forme n'est exigée ;
- la doctrine référencée BOI-TVA-SECT-90-20 du 6 mai 2015 est invocable ;
- la société RP Prague SRO a le statut d'assujetti revendeur et est donc redevable de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge ;
- la société RP Prague SRO n'est pas tenue de faire figurer la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge dont elle est redevable ;
- le nouvel alinéa 2 de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales est applicable rétroactivement aux pénalités fiscales ;
- elle a appliqué de bonne foi le régime de la taxe sur la marge, celui-ci n'ayant pas été remis en cause lors des précédentes opérations de vérification.
Par un mémoire en défense enregistré le 10 mai 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société B... ne sont pas fondés.
Procédure devant la cour après cassation :
Par des mémoires enregistrés les 19 janvier et 11 octobre 2024, sous le n° 23PA05195, la société B..., représentée par Me Dugas, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016, ainsi que des amendes qui lui ont été infligées sur le fondement du 4 de l'article 1788 A du code général des impôts au titre de la même période ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle apporte la preuve que l'intégralité des opérations réalisées avec la société RP Prague SRO a été réalisée, par cette dernière, sous le régime de la marge et que celle-ci n'a pas déduit la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) au titre des trois années en litige ;
- il résulte des points 170 et 220 de la doctrine administrative publiée sous la référence BOI-TVA-SECT-90-20 que le régime de la marge constitue le régime de droit commun pour les livraisons de biens d'occasion, œuvres d'art, objets de collection ou d'antiquité effectuées par des assujettis-revendeurs lorsque les biens en question leur ont été livrés par un non redevable de la TVA ou une personne qui n'est pas autorisée à facturer la TVA au titre de cette livraison, ce qui est le cas lorsque, comme en l'espèce, la livraison par un autre assujetti-revendeur a été soumise au régime de taxation sur la marge de plein droit ; l'administration ne peut donc soutenir que les conditions d'application de ce régime devraient être strictement appréciées dès lors qu'il serait dérogatoire.
Par un mémoire enregistré le 27 mai 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les conditions de fond subordonnant l'application du régime de la marge bénéficiaire dont se prévaut la société ne sont pas remplies et s'en rapporte à ses précédentes écritures en ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition et le bien-fondé des pénalités.
Par une ordonnance du 17 octobre 2024, l'instruction a été close, en dernier lieu, au 4 novembre 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique du 3 avril 2025 :
- le rapport de Mme Milon,
- les conclusions de Mme de Phily, rapporteure publique,
- les observations de Me Dugas, représentant la société B....
Considérant ce qui suit :
1. La société B..., qui a pour activité la vente d'objets d'art et de collection, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au terme de laquelle l'administration fiscale a remis en cause l'application qu'elle a faite, à ses ventes, de la taxe sur la valeur ajoutée selon le régime de la marge prévu par l'article 297 A du code général des impôts et a procédé, en conséquence, à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016, en calculant une taxe collectée assise sur l'intégralité du prix de vente des biens cédés. Par un jugement du 14 décembre 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de la société B... tendant à la décharge de ces rappels de taxe sur la valeur ajoutée ainsi que des pénalités correspondantes et des amendes qui lui ont été infligées sur le fondement du 4 de l'article 1788 A du code général des impôts. Par un arrêt du 1er juin 2022, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la société contre ce jugement. Par la décision n° 466239 du 12 décembre 2023, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé cet arrêt et a renvoyé l'affaire devant la cour.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Aux termes de l'article L. 59 A du livre des procédures fiscales, applicable au présent litige : " I. La commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires intervient lorsque le désaccord porte : 1° Sur le montant du résultat industriel et commercial, non commercial, agricole ou du chiffre d'affaires, déterminé selon un mode réel d'imposition ; 2° Sur les conditions d'application des régimes d'exonération ou d'allégements fiscaux en faveur des entreprises nouvelles, à l'exception de la qualification des dépenses de recherche mentionnées au II de l'article 244 quater B du code général des impôts ; 3° Sur l'application du 1° du 1 de l'article 39 et du d de l'article 111 du même code relatifs aux rémunérations non déductibles pour la détermination du résultat des entreprises industrielles ou commerciales, ou du 5 de l'article 39 du même code relatif aux dépenses que ces mêmes entreprises doivent mentionner sur le relevé prévu à l'article 54 quater du même code ; 4° Sur la valeur vénale des immeubles, des fonds de commerce, des parts d'intérêts, des actions ou des parts de sociétés immobilières servant de base à la taxe sur la valeur ajoutée, en application du 6° et du 1 du 7° de l'article 257 du même code. II. Dans les domaines mentionnés au I, la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires peut, sans trancher une question de droit, se prononcer sur les faits susceptibles d'être pris en compte pour l'examen de cette question de droit. / Par dérogation aux dispositions du premier alinéa, la commission peut se prononcer sur le caractère anormal d'un acte de gestion, sur le principe et le montant des amortissements et des provisions ainsi que sur le caractère de charges déductibles des travaux immobiliers ".
3. Il résulte de ces dispositions que la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires n'est compétente que lorsque le désaccord porte sur le montant du chiffre d'affaires hors taxe déterminé selon un mode réel d'imposition. En outre, elle n'est compétente que pour connaître des questions de fait, qu'il s'agisse de la matérialité des faits eux-mêmes ou de l'appréciation qu'il convient de porter sur les faits, eu égard, notamment, à la situation réelle de l'entreprise ou aux pratiques du commerce ou de l'industrie auxquelles celle-ci appartient.
4. Il résulte de l'instruction que le différend qui oppose la société B... à l'administration fiscale est relatif à l'éligibilité au régime de taxation sur la marge, prévu par l'article 297 A du code général des impôts, des opérations de revente d'objets d'art qu'elle avait elle-même acquis auprès de fournisseurs communautaires et ne porte pas sur le montant de son chiffre d'affaires taxable. Cette question a trait au principe même de taxation sur la valeur ajoutée et n'entre ainsi pas dans le champ de compétence de la commission tel que défini au I de l'article L. 59 A précité du livre des procédures fiscales. Par suite, et alors même que l'examen de cette question pouvait nécessiter l'appréciation de situations de fait, la commission n'était pas compétente pour en connaître. La société requérante n'est dès lors pas fondée à soutenir qu'en ne saisissant pas la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, l'administration fiscale l'aurait irrégulièrement privée d'une garantie procédurale.
Sur le bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
5. D'une part, aux termes de l'article 314 de la directive du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée : " Le régime de la marge bénéficiaire s'applique aux livraisons de biens d'occasion, d'objets d'art, de collection ou d'antiquité, effectuées par un assujetti-revendeur, lorsque ces biens lui sont livrés dans la Communauté par une des personnes suivantes : / (...) / d) un autre assujetti-revendeur, dans la mesure où la livraison du bien par cet autre assujetti-revendeur a été soumise à la TVA conformément au présent régime particulier ". Aux termes de l'article 297 A du code général des impôts, pris pour assurer la transposition de ces dispositions : " I. - 1° La base d'imposition des livraisons par un assujetti revendeur de biens d'occasion, d'œuvres d'art, d'objets de collection ou d'antiquité qui lui ont été livrés par un non redevable de la taxe sur la valeur ajoutée ou par une personne qui n'est pas autorisée à facturer la taxe sur la valeur ajoutée au titre de cette livraison est constituée de la différence entre le prix de vente et le prix d'achat (...) ".
6. D'autre part, aux termes de l'article 226 de la directive du 28 novembre 2006 : " (...) seules les mentions suivantes doivent figurer obligatoirement, aux fins de la TVA, sur les factures émises en application des dispositions des articles 220 et 221 : / (...) / 14) en cas d'application d'un des régimes particuliers applicables dans le domaine des biens d'occasion, des objets d'art, de collection ou d'antiquité, la référence à l'article 313, à l'article 326 ou à l'article 333, ou aux dispositions nationales correspondantes, ou à toute autre mention indiquant qu'un de ces régimes a été appliqué ; (...) ". Aux termes du II de l'article 289 du code général des impôts, pris pour assurer la transposition de ces dispositions : " Un décret en Conseil d'Etat fixe les mentions obligatoires qui doivent figurer sur les factures. Ce décret détermine notamment les éléments d'identification des parties, les données concernant les biens livrés ou les services rendus et celles relatives à la détermination de la taxe sur la valeur ajoutée ". Aux termes de l'article 242 nonies A de l'annexe II à ce code, pris aux mêmes fins : " I. - Les mentions obligatoires qui doivent figurer sur les factures en application du II de l'article 289 du code général des impôts sont les suivantes : / (...) / 16° En cas d'application du régime prévu par l'article 297 A du code précité, la mention " Régime particulier-Biens d'occasion ", " Régime particulier-Objets d'art " ou " Régime particulier-Objets de collection et d'antiquité " selon l'opération considérée (...) ".
7. La circonstance qu'un assujetti revendeur, qui a acquis des biens auprès d'un autre assujetti revendeur, ne dispose pas d'une facture d'achat comportant les mentions obligatoires prévues par les dispositions citées au point précédent ne fait pas obstacle à ce qu'il puisse faire application, lors de la revente de ces biens, du régime particulier de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge bénéficiaire s'il établit que les conditions de fond prévues par les dispositions citées au point 5 du présent arrêt sont satisfaites.
8. Il résulte des principes énoncés au point précédent que la seule circonstance que les factures émises par la société tchèque RP Prague SRO au titre des ventes réalisées par la société B... ne comportent pas les mentions obligatoires exigées par les dispositions de l'article 242 nonies A citées au point 6 du présent arrêt ne fait pas obstacle à ce que cette dernière puisse faire application du régime particulier de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge bénéficiaire, à la condition, toutefois, que celle-ci démontre que les conditions de fond prévues par les dispositions citées au point 5 sont satisfaites.
9. Il résulte de l'instruction, et n'est d'ailleurs pas contesté en appel, que la société RP Prague SRO est assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée. Pour tenter d'apporter la preuve, qui lui incombe, que cette société a elle-même fait application du régime particulier de la taxe sur la marge à l'occasion de la vente, à son profit, des objets d'art qu'elle a ensuite elle-même revendus, la société B... produit, d'abord, une attestation d'un membre du personnel de la société A..., en charge du suivi de la comptabilité de ce fournisseur, selon laquelle les ventes réalisées par la société RP Prague SRO au cours des années 2015, 2016 et 2017 ont été soumises au régime " spécial " applicable aux biens d'occasion, objets d'art et de collection. Toutefois, une telle attestation, générale, ne permet pas d'établir l'application du régime de la taxe sur la marge à l'ensemble des opérations de vente à l'origine des rectifications notifiées au titre de ces trois années. De même, la circonstance que la société RP Prague SRO n'a déclaré aucune taxe sur la valeur ajoutée déductible au cours de la période considérée ne permet pas, à elle seule, d'établir que celle-ci a appliqué aux opérations en litige le régime de la taxe sur la marge.
10. La société B... produit, par ailleurs, outre des factures émises par la société RP Prague SRO au cours des années 2014, 2015 et 2016, et établies à son nom, concernant des objets d'art, d'une part, les déclarations trimestrielles de taxe sur la valeur ajoutée déposées par cette société auprès des autorités fiscales tchèques entre le dernier trimestre 2014 et le dernier trimestre 2016, et, d'autre part, des documents établis par un cabinet comptable détaillant, opération par opération, la date des transactions réalisées par la société RP Prague SRO, le prix de vente pratiqué, la valeur d'acquisition du bien, ainsi que le montant de la commission perçue à l'occasion de la vente, et l'application, à ces transactions, du régime particulier de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge.
11. En premier lieu, il résulte de ces diverses pièces que la société B... a justifié, au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2014, l'application, par la société RP Prague SRO, du régime particulier de la taxe sur la marge en ce qui concerne les opérations de vente réalisées, d'après les indications non contestées figurant dans la proposition de rectification, le 26 février, le 31 mars, le 24 avril et les 22 et 30 décembre 2014, correspondant aux factures successivement établies par la société RP Prague SRO le 24 janvier 2015, pour un dessin ayant donné lieu au versement d'un prix de 21 000 euros, le 24 janvier 2015, pour des lampes en bronze vendues à un prix de 10 000 euros, le 24 janvier 2015, pour une paire de lampadaires vendus à un prix de 32 200 euros, le 18 juillet 2015, pour des photographies vendues au prix de 127 350 euros et, enfin, le 2 mars 2016, pour des photographies vendues au prix de 156 075 euros. Il en résulte que la société B... était fondée à appliquer le régime de la taxe sur le prix des commissions qu'elle a perçues à l'occasion de ces ventes. En revanche, faute de produire les factures correspondantes, la société B... n'établit pas que les opérations réalisées les 30 juin et 19 octobre 2014 portant, d'après les indications figurant dans la proposition de rectification, sur la vente de photographies ayant donné lieu au versement à la société RP Prague SRO des sommes respectives de 237 465 euros et 175 140 euros auraient été soumises, par cette société, au régime de la taxe sur la marge, ces opérations n'étant, en outre, pas mentionnées dans les documents comptables établis par le cabinet A.... Il en résulte que la société LB... devait déclarer, au titre de l'exercice clos en 2014, une taxe sur la valeur ajoutée brute de 94 550 euros. Celle-ci ayant déclaré, au titre de cet exercice, une taxe sur la valeur ajoutée brute de 46 162 euros, le rappel n'est fondé, en droits, qu'à hauteur de 48 388 euros et la société est donc fondée à demander la réduction des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2014, à hauteur, en droits, d'une somme de 78 150 euros.
12. En deuxième lieu, la société B... a justifié, au titre de la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2015, l'application, par la société RP Prague SRO, du régime particulier de la taxe sur la marge en ce qui concerne l'intégralité des opérations de vente mentionnées dans la proposition de rectification et fondant les rappels en droits. Elle est donc fondée à demander la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de cette période, soit la somme, en droits, de 50 829 euros.
13. En revanche, en dernier lieu, les pièces produites par la société B... ne permettent pas de justifier l'application, par la société RP Prague SRO, du régime particulier de la taxe sur la marge en ce qui concerne les opérations fondant les rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2016, aucune des factures jointes au dossier ne correspondant à l'une ou l'autre de ces opérations, qui ne sont pas davantage mentionnées dans les documents établis par le cabinet comptable de la société RP Prague SRO.
En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :
14. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, applicable au présent litige : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales ".
15. La société invoque les dispositions de l'instruction BOI-TVA-SECT-90-20 qui précisent, au n° 170, que : " (...) En vertu de l'article 297 A du CGI, les livraisons de biens d'occasion, œuvres d'art, objets de collection ou d'antiquité effectuées par des assujettis-revendeurs sont soumises de plein droit au régime particulier de la marge bénéficiaire lorsque les biens en question leur ont été livrés par un non redevable de la TVA ou une personne qui n'est pas autorisée à facturer la TVA au titre de cette livraison, comme, par exemple, un autre assujetti revendeur ", et au n° 220, relatif aux livraisons de biens achetés auprès d'une personne qui n'est pas autorisée à facturer la TVA au titre de cette livraison, qu'il " s'agit des biens acquis auprès (...) d'un autre assujetti-revendeur si la livraison par ce dernier a été soumise au régime particulier de taxation sur la marge de plein droit ou sur option décrit dans la présente instruction " et que : " Les cas de taxation sur la marge sont les mêmes que l'assujetti-revendeur ait acheté le bien à un vendeur établi en France ou à un vendeur établi dans un autre État de la Communauté européenne (...) ". Ces dispositions ne font pas de la loi fiscale une interprétation différente de celle qui a été donnée précédemment. Elles ne peuvent, par suite, être utilement invoquées sur le fondement de l'article L. 80 A précité du livre des procédures fiscales.
Sur les pénalités et amendes mises à la charge de la société :
16. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'État entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ". Et aux termes de l'article 1788 A du même code, dans sa version applicable au litige : " (...) 4. Lorsqu'au titre d'une opération donnée le redevable de la taxe sur la valeur ajoutée est autorisé à la déduire, le défaut de mention de la taxe exigible sur la déclaration prévue au 1 de l'article 287, qui doit être déposée au titre de la période concernée, entraîne l'application d'une amende égale à 5 % de la somme déductible. (...) ".
17. En premier lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 11 et 12 du présent arrêt, la société B... fait valoir, à juste titre, que l'administration n'était pas fondée à appliquer l'amende prévue par les dispositions précitées du 4 de l'article 1788 A du code général des impôts, en ce qui concerne les opérations pour lesquelles elle a justifié, au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015, l'application, par son fournisseur, la société RP Prague SRO, du régime particulier de la taxe sur la marge. Il en résulte également que l'application de la majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue par l'article 1729 du même code n'est pas fondée en ce qui concerne les rappels afférents à ces mêmes opérations. En revanche, au regard du montant des rappels de taxe demeurant à la charge de la société au titre de l'exercice clos en 2014, et du nombre d'opérations fondant les rappels au titre de l'exercice clos en 2016, l'administration fiscale doit être regardée comme apportant la preuve de l'intention délibérée d'éluder la taxe afférente à ces opérations et la société n'est pas davantage fondée à contester l'application de l'amende prévue par l'article 1788 A du code général des impôts, en ce qui concerne les opérations pour lesquelles elle n'a pas justifié de l'application, par son fournisseur, du régime de la taxe sur la marge.
18. En deuxième lieu, la circonstance que l'administration n'a pas remis en cause l'application du régime de la taxe sur la marge, y compris pour des opérations réalisées avec la société RP Prague SRO, au terme de vérifications de comptabilité réalisées au titre des années 2006 et 2007, puis au titre des années 2009, 2010 et 2011, ne saurait, ainsi que l'allègue la société B..., avoir pu l'induire en erreur quant à la possibilité d'appliquer un tel régime alors même que les conditions en subordonnant l'application n'auraient pas été réunies.
19. En troisième lieu, l'absence de remise en cause de l'application de ce régime de la taxe sur la marge lors de précédentes vérifications ne peut être regardée comme une prise de position formelle de l'administration sur le fondement des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, issues de la loi du 10 août 2018 pour un Etat au service d'une société de confiance, lesquelles ne sont applicables, conformément à l'article 9 de cette loi, qu'aux positions prises par l'administration à l'occasion de vérifications de comptabilité dont les avis ont été adressés à compter du 1er janvier 2019, condition qui, en l'espèce, n'est pas remplie, l'avis de vérification de comptabilité datant du 13 mars 2017.
20. En dernier lieu, la société B... n'est pas fondée à solliciter, au titre du principe constitutionnel d'application immédiate de la loi pénale plus douce, le bénéfice des dispositions introduites par la loi du 10 août 2018 à l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, qui n'entrent pas dans le champ d'application de ce principe.
21. Il résulte de tout ce qui précède que la société B... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris, d'une part, ne lui a pas accordé une réduction des droits de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2014, à hauteur d'une somme de 78 150 euros, ainsi que des intérêts de retard et des majorations pour manquement délibéré correspondants et, d'autre part, a rejeté ses conclusions en décharge des droits de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2015, ainsi que des intérêts de retard et des majorations pour manquement délibéré correspondants. Enfin, elle est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris ne lui a pas accordé une réduction des amendes prononcées, pour les exercices clos en 2014 et 2015, sur le fondement de l'article 1788 A du code général des impôts, concernant les opérations visées à la première phrase du point 17 du présent arrêt.
Sur les frais d'instance :
22. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Il est accordé à la société B..., d'une part, la réduction des droits de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2014, à hauteur d'une somme de 78 150 euros, ainsi que des intérêts de retard et des majorations pour manquement délibéré correspondants, d'autre part, la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2015, ainsi que des intérêts de retard et des majorations pour manquement délibéré correspondants, et, enfin, la réduction des amendes prononcées à son encontre, pour la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015, sur le fondement de l'article 1788 A du code général des impôts, concernant les opérations visées à la première phrase du point 17 du présent arrêt.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Paris n° 1916080 du 14 décembre 2020 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à la société B... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la société B... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris (Pôle contrôle fiscal et affaires juridiques SCAD).
Délibéré après l'audience du 3 avril 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Barthez, président de chambre,
- Mme Milon, présidente assesseure,
- M. Dubois, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 avril 2025.
La rapporteure,
A. MILONLe président,
A. BARTHEZ
La greffière,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA05195