Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Melun de condamner le centre hospitalier du Sud Seine-et-Marne (CHSSM) à lui verser la somme de 80 000 euros, à parfaire, en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis à la suite des accidents de service du 20 avril 2016 et du 11 novembre 2017, avec intérêts de droit et avec capitalisation.
Par un jugement n° 2103890, 2103940 du 11 juillet 2024, le tribunal administratif de Melun a :
- rejeté les conclusions de M. B... fondées sur la responsabilité pour faute du CHSSM (article 1er) ;
- rejeté ses conclusions fondées sur la responsabilité sans faute du CHSSM, tendant à l'indemnisation de la perte de traitement qu'il a subie (article 2) ;
- condamné le CHSSM à lui verser la somme de 8 000 euros en réparation du préjudice résultant de la perte d'indemnités liées à son activité de sapeur-pompier volontaire, sur le fondement de la responsabilité sans faute du CHSSM (article 3) ;
- décidé qu'il serait procédé à une expertise médicale confiée à un collège d'experts, avant de statuer sur ses conclusions tendant à l'indemnisation des souffrances endurées, du préjudice d'agrément et des troubles dans ses conditions d'existence, fondées sur la responsabilité sans faute du CHSSM (article 4) ;
- réservé jusqu'en fin d'instance tous autres droits et moyens des parties (article 8).
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 9 septembre 2024, le centre hospitalier du Sud Seine-et-Marne (CHSSM), représenté par Me Boukheloua et Me Bouyx, demande à la Cour :
1°) d'annuler l'article 3 de ce jugement du tribunal administratif de Melun du 11 juillet 2024 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Melun ;
3°) de mettre à la charge de M. B... une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué ne comporte pas les signatures exigées à l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- c'est à tort que le tribunal administratif l'a condamné à verser à M. B... la somme de 8 000 euros en réparation du préjudice résultant de la perte d'indemnités liées à son activité de sapeur-pompier volontaire, alors que M. B... n'a pas démontré son incapacité physique à continuer son activité de sapeur-pompier volontaire, alors qu'il n'établit pas le montant de ce préjudice, et alors que cette activité constituait pour lui une activité accessoire et que seule la perte des revenus tirés de son emploi principal pouvait être indemnisée.
Par deux mémoires en défense, enregistrés le 27 janvier et le 11 avril 2025, M. B..., représenté par la société G. Thouvenin, O. Coudray et M. Grevy, avocat aux Conseils, demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête du CHSSM ;
2°) par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement du tribunal administratif de Melun du 11 juillet 2024, et de condamner le CHSSM à lui verser la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice résultant de la perte d'indemnités liées à son activité de sapeur-pompier volontaire, au titre de la responsabilité sans faute du CHSSM, avec intérêts de droit à compter du 28 décembre 2020 et avec capitalisation à compter du 28 décembre 2021 ;
3°) de mettre à la charge du CHSSM une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les moyens soulevés par le CHSSM ne sont pas fondés ;
- ses deux accidents de service l'ont privé de ses indemnités de sapeur-pompier volontaire pendant cinq années jusqu'à la date du 9 août 2021 à laquelle il a atteint l'âge de 60 ans, et à laquelle son engagement devait prendre fin ; l'indemnité de 8 000 euros qui correspond seulement à vingt-quatre mois d'interruption de cette activité, doit donc être portée à 20 000 euros ;
- cette indemnité doit être assortie des intérêts et de leur capitalisation.
Par deux mémoires en réplique, enregistrés le 6 avril 2025, le CHSSM conclut aux mêmes fins que la requête et au rejet de l'appel incident.
Il soutient en outre que :
- il n'est pas exclu que M. B... n'ait pas continué à assurer ses interventions de sapeur-pompier volontaire ;
- le préjudice subi du fait de la perte de ses indemnités de sapeur-pompier volontaire ne pouvait excéder 3 097 euros ;
- compte tenu de l'article 8 du jugement attaqué, il n'est pas fondé à demander que l'indemnité qui lui a été accordée, soit assortie des intérêts et de leur capitalisation ;
- la créance dont se prévaut M. B..., résultant de l'accident de service du 20 avril 2016, est prescrite puisqu'il n'établit pas que sa demande indemnitaire préalable aurait été reçue avant le 1er janvier 2021 ;
- il n'a pas commis de faute ;
- les préjudices autres que la perte des indemnités de sapeur-pompier volontaire ne sont pas établis.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que le présent arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions présentées par M. B... devant la Cour, tendant à ce que la condamnation du CHSSM soit assortie des intérêts de droit avec capitalisation, le tribunal administratif ayant réservé ces conclusions à l'article 8 de son jugement.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Niollet,
- les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique,
- et les observations de Me Bouyx, pour le CHSSM.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., aide-soignant principal, exerce ses fonctions au sein du service de psychiatrie générale du secteur de Montereau-Fault-Yonne du centre hospitalier du Sud Seine-et-Marne (CHSSM). Il a été victime, le 20 avril 2016, d'un premier accident, pour lequel le CHSSM a pris en charge, au titre de la législation sur les accidents de service, ses arrêts de travail et certains soins pour la période du 20 avril 2016 au 21 juin 2016. Ayant repris son service après avoir été déclaré apte à ses fonctions le 28 novembre 2016, M. B... a été victime, le 11 novembre 2017, d'un second accident reconnu imputable au service par une décision du 22 décembre 2017. Il a bénéficié de la prise en charge des arrêts et des soins consécutifs à cet accident au titre de la législation sur les accidents de service. Dans son rapport déposé le 5 août 2020, l'expert mandaté par le centre hospitalier a fixé au 31 août 2020 la date de consolidation de l'accident de service du 11 novembre 2017, et a retenu un taux d'incapacité permanente partielle de 15 %. Par un courrier du 28 décembre 2020, M. B... a demandé au CHSSM de l'indemniser des préjudices qu'il estimait avoir subis à la suite de ces accidents de service. Par une décision du 25 février 2021, la directrice des ressources humaines du CHSSM a expressément rejeté sa demande indemnitaire préalable, ce qu'il a contesté devant le tribunal administratif de Melun. Par un jugement avant-dire-droit du 11 juillet 2024, le tribunal administratif a notamment condamné le CHSSM à lui verser la somme de 8 000 euros en réparation du préjudice résultant de la perte d'indemnités liées à son activité de sapeur-pompier volontaire, sur le fondement de la responsabilité sans faute du CHSSM. Le CHSSM et M. B... font, dans cette mesure, appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". Il ressort des pièces du dossier de première instance que la minute du jugement attaqué, transmise à la Cour en application de l'article R. 741-10 du code de justice administrative, comporte la signature de la présidente de la formation de jugement, de la rapporteure et de la greffière. Ainsi, le moyen tiré par le CHSSM, de l'absence des signatures requises manque en fait.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. En premier lieu, l'exception de prescription soulevée par le CHSSM doit être écartée par adoption des motifs retenus par les premiers juges au point 6 de leur jugement.
4. En second lieu, les dispositions qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente viagère d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Ces dispositions déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Elles ne font en revanche obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la collectivité qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre cette personne publique, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien lui incombait.
5. Pour condamner le CHSSM à verser la somme de 8 000 euros à M. B..., le tribunal administratif a notamment relevé qu'il a effectivement exercé à partir du 1er juillet 1994 les fonctions de sapeur-pompier volontaire au sein du centre d'incendie et de secours de Nemours, et qu'il a cessé d'assurer ses fonctions à la suite des deux accidents de service dont il a été victime.
6. Ainsi que le tribunal administratif l'a jugé à bon droit, et contrairement à ce que soutient le CHSSM, M. B... a ainsi subi un préjudice patrimonial distinct de celui résultant de la perte de revenus et de l'incidence professionnelle liées à ses fonctions d'aide-soignant.
7. De plus, compte tenu de la prise en charge au titre de la législation sur les accidents de service, de ses arrêts de travail consécutifs à ses deux accidents du travail, le CHSSM n'est pas fondé à soutenir que l'incapacité physique de M. B... à exercer son activité de sapeur-pompier volontaire et l'interruption de cette activité ne seraient pas démontrées.
8. Enfin, compte tenu de la durée des arrêts de travail de M. B... pris en charge au titre de la législation sur les accidents de service, qui ont affecté son activité professionnelle pendant au moins vingt-deux mois, et de la moyenne, non contestée, des indemnités liées à son activité de sapeur-pompier volontaire dont il a été privé, soit 326 euros par mois, le CHSSM et M. B... ne sont pas fondés à contester l'évaluation à un montant de 8 000 euros, du préjudice qu'il a subi.
9. Il résulte de ce qui précède que le CHSSM n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun l'a condamné à verser une somme de 8 000 euros à M. B..., et que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a pour partie rejeté ses conclusions tendant à l'indemnisation de la perte des indemnités liées à son activité de sapeur-pompier volontaire.
Sur les conclusions de M. B... tendant à ce que la condamnation du CHSSM soit assortie des intérêts de droit, capitalisés :
10. Le tribunal administratif de Melun ayant, à l'article 8 de son jugement avant-dire-droit, réservé jusqu'en fin d'instance les conclusions de M. B... tendant à ce que la condamnation du CHSSM soit assortie des intérêts de droit, capitalisés, ces mêmes conclusions présentées devant la Cour doivent être rejetées comme irrecevables.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce de, de faire droit aux conclusions des parties, présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du CHSSM est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de M. B... sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au centre hospitalier Sud Seine-et-Marne.
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Délibéré après l'audience du 15 avril 2025, à laquelle siégeaient :
Mme Bonifacj, présidente de chambre,
M. Niollet, président-assesseur,
Mme Jayer, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 mai 2025.
Le rapporteur,
J-C. NIOLLETLa présidente,
J. BONIFACJ
La greffière,
E. TORDO
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles, en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24PA03943