Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société JCDecaux France a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler, d'une part, le titre de recette matérialisé par l'avis de recouvrement n° 383758 émis le 20 décembre 2019 par la Ville de Paris pour un montant de 86 818,97 euros et, d'autre part, le titre de recette matérialisé par l'avis de recouvrement n°383760 émis le 20 décembre 2019 pour un montant de 561 126,10 euros et de la décharger, en totalité ou en partie, des sommes correspondantes.
Par un jugement n° 2016906 du 17 juin 2022, le tribunal administratif de Paris a déchargé la société JCDecaux France de l'obligation de payer les sommes de 86 818,97 euros et de 18 611,40 euros mises à sa charge par deux titres exécutoires émis le 20 décembre 2019, a annulé le titre de recettes n° 383758, a annulé le titre de recettes n° 383760 en tant qu'il porte sur la somme de 18 611,40 euros, a mis à la charge de la Ville de Paris le versement de la somme de 1 500 euros à la société JCDecaux France au titre des frais d'instance et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de cette société.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés le 17 août 2022, le 16 février 2023 et le 29 mars 2023, la Ville de Paris, représentée par la SCP Foussard-Froger, demande à la Cour :
1°) d'annuler les articles 1er, 2, 3 et 4 du jugement n° 2016906 du 17 juin 2022 du tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande de première instance de la société JCDecaux France ;
3°) de mettre à la charge de cette société la somme de 3 000 euros, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier, dès lors qu'il est insuffisamment motivé ;
- il est entaché d'erreur de droit, dès lors qu'il se réfère au principe énoncé à l'article 1190 du code civil ;
- il est entaché d'erreur d'appréciation dans l'interprétation des articles 9 et 9.1 de la convention liant la Ville et la société JCDecaux France.
Par des mémoires en défense enregistrés les 13 janvier, 6 mars et 6 avril 2023, la société JCDecaux France, représentée par Me Salon, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la Ville de Paris de la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- Vu la convention du 22 mai 2017 relative à l'installation et à l'exploitation d'un espace d'affichage sur l'échafaudage des travaux de restauration d'un monument historique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Irène Jasmin-Sverdlin,
- les conclusions de M. Jean-François Gobeill, rapporteur public,
- et les observations de Me Froger pour la Ville de Paris et de Me Salon pour la société JCDecaux France.
Considérant ce qui suit :
1. Par une convention du 22 mai 2017, la Ville de Paris a autorisé la société JCDecaux France à installer et à exploiter un espace d'affichage publicitaire sur l'échafaudage des travaux de restauration du Théâtre du Chatelet. Par deux titres exécutoires n° 383758 et n° 383760 émis le 20 décembre 2019, la Ville lui a demandé de verser la somme de 86 818,97 euros, correspondant à une régularisation de la redevance minimale garantie pour les mois de juin et août 2018 et de la somme de 561 126,10 euros, correspondant à la redevance du premier trimestre 2019. Par une lettre du 5 août 2020, la Ville de Paris a rejeté le recours gracieux formé le 16 mars 2020 par la société JCDecaux France. La Ville de Paris relève appel des articles 1er, 2 et 3 et 4 du jugement du 17 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a déchargé la société JCDecaux France de l'obligation de payer les sommes mises à sa charge par ces deux titres exécutoires, a annulé le titre de recettes n° 383758, a annulé le titre de recettes n° 383760 en tant qu'il porte sur la somme de 18 611,40 euros et a mis à la charge de la Ville de Paris le versement de la somme de 1 500 euros à la société JCDecaux France au titre des frais d'instance.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ".
3. La Ville de Paris soutient que le jugement attaqué est entaché d'une insuffisance de motivation dès lors qu'il ne permet pas aux parties de comprendre le raisonnement des premiers juges, notamment au regard de la mention selon laquelle " la méthode de calcul mise en œuvre par la Ville de Paris, [qui] aboutit à majorer ponctuellement le montant de redevance variable pour certains mois ". Toutefois ce moyen, tel qu'il est formulé, relève du bien-fondé du jugement et est, par suite, sans incidence sur sa régularité. En tout état de cause, le jugement attaqué, qui mentionne que les stipulations contractuelles ne mettent pas " le juge à même de déterminer, avec suffisamment de certitude, la commune intention des parties relative au mode de calcul de la redevance variable additionnelle ", et que la méthode de calcul mise en œuvre par la Ville " ne ressort pas de manière suffisamment claire des stipulations contractuelles précitées pour être opposable à son cocontractant " est suffisamment motivé au regard des dispositions de l'article L. 9 du code de justice administrative. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement en litige sera écarté.
Sur le motif d'annulation et de décharge retenu par les premiers juges :
4. D'une part, aux termes de l'article L. 2125-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Toute occupation ou utilisation du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 donne lieu au paiement d'une redevance (...) ". Aux termes de l'article L. 2125-3 du même code : " La redevance due pour l'occupation ou l'utilisation du domaine public tient compte des avantages de toute nature procurés au titulaire de l'autorisation ".
5. D'autre part, aux termes de l'article 9 de la convention relative à l'installation et à l'exploitation d'un espace d'affichage sur l'échafaudage des travaux de restauration d'un monument historique du 22 mai 2017 : " En contrepartie du droit d'exploitation publicitaire visé par la convention, le co-contractant verse à la Ville de Paris une redevance conformément aux obligations prévues par le Code général de de propriété des personnes publiques. / Pour l'ensemble de la durée de la présente convention, le co-contractant devra en tout état de cause régler une redevance minimale garantie (RMG) mensuelle, d'un montant de 169 375 € HT. / Cette RMG étant stipulée hors taxes, elle devra représenter une part substantielle du revenu envisagé sur la globalité de la période d'exploitation. / (...) / La RMG sera complétée par une redevance variable additionnelle correspondant si, et seulement si celle-ci est positive, à la différence entre un pourcentage du chiffre d'affaires HT global réalisé par le co-contractant pendant la durée de la présente convention et la RMG. / Ce pourcentage est fixé à 65% du chiffre d'affaires HT mensuel ainsi défini et réalisé par le co-contractant pendant la durée de la convention ". Aux termes de l'article 9.1 de la même convention : " Il est procédé à un appel à redevance trimestriel, soit tous les trois mois, et à l'issue du contrat. / Pour la détermination de l'assiette de la redevance variable de la redevance, le co-contractant communique à la Ville de Paris, au plus tard le 10 de chaque mois, un récapitulatif détaillé du montant perçu pour l'exploitation de la bâche installée lors du mois précédent. Au vu de ce récapitulatif, la Ville de Paris établit et adresse au co-contractant la facture établissant la part variable mensuelle que le cocontractant doit régler dans le cadre de l'appel à redevance. / La mise en recouvrement s'effectue trimestriellement auprès de la Direction régionale des finances publiques d'Île-de-France dès que celle-ci y aura invité le co-contractant. ".
6. Pour annuler totalement le titre de recette n° 383758 et annuler partiellement le titre de recettes n° 383760 ainsi que pour décharger la société JCDecaux France de l'obligation de payer les sommes de 86 818,97 euros et de 18 611,40 euros, le tribunal administratif de Paris a relevé que " le bien-fondé de la méthode de calcul mise en œuvre par la Ville de Paris, qui aboutit à majorer ponctuellement le montant de redevance variable pour certains mois, ne ressort pas de manière suffisamment claire des stipulations contractuelles précitées pour être opposable à son cocontractant ".
7. Il ressort des termes du cinquième alinéa de l'article 9 précité de la convention du 22 mai 2017 que la redevance minimale garantie, due mensuellement par le cocontractant, est complétée par une redevance variable additionnelle correspondant à la différence entre un pourcentage du chiffre d'affaires réalisé par ce dernier et la redevance minimale garantie. S'il est fait référence, à cet alinéa, au chiffre d'affaires HT global réalisé par le cocontractant pendant la durée de la convention, l'alinéa suivant, qui fixe le pourcentage à 65% précise que ce pourcentage s'applique au chiffre d'affaires HT mensuel. En outre, l'article 9.1 précité de cette convention stipule que pour la détermination de l'assiette de la redevance variable, le cocontractant communique chaque mois un récapitulatif détaillé du montant perçu pour l'exploitation de la bâche le mois précédent et que, sur la base de ce récapitulatif, la Ville établit et lui adresse la facture établissant la part variable mensuelle qu'il doit régler dans le cadre de l'appel à redevance. Il résulte ainsi des stipulations combinées des articles 9 et 9.1 de la convention du 22 mai 2017 que la part variable de la redevance est calculée au vu du chiffre d'affaires réalisé chaque mois par le cocontractant et non sur la base du chiffre d'affaires réalisé sur la totalité du contrat. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, la Ville de Paris est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le bien-fondé de la méthode de calcul qu'elle a mis en œuvre ne ressortait pas de manière suffisamment claire des stipulations contractuelles pour être opposable à son cocontractant pour annuler totalement le titre de recette n° 383758 et annuler partiellement le titre de recettes n° 383760 ainsi que pour décharger la société JCDecaux France de l'obligation de payer les sommes de 86 818,97 euros et de 18 611,40 euros.
8. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société JCDecaux France devant le tribunal administratif de Paris.
Sur les autres moyens soulevés par la société JCDecaux France :
9. Les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur des titres de recettes attaqués, de la méconnaissance de l'article L. 1617-5 4° du code général des collectivités territoriales, en l'absence de signature desdits titres et de production des bordereaux correspondants et de la violation de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012, à défaut d'indication précise des bases de liquidation, seront écartés par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, s'agissant de l'avis des sommes à payer n° 383760, aux points 7, 8 et 10 du jugement litigieux.
10. Il résulte de ce qui précède que la société JCDecaux France n'est pas fondée à demander l'annulation des titres de recettes n°383758 et n° 383760 émis le 20 décembre 2019 par la Ville de Paris pour des montants respectifs de 86 818,97 et de 561 126,10 euros ainsi que celle de la décision de rejet de son recours gracieux. Ses conclusions à fin d'être déchargée de l'obligation de payer les sommes correspondantes doivent être rejetées par voir de conséquence.
Sur les frais liés au litige :
11. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce en application des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner la société JCDecaux France à verser à la Ville de Paris la somme totale de 3 000 euros au titre des sommes exposées par la Ville de Paris en première instance et en appel et non comprises dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Les articles 1er, 2 et 3 du jugement n° 2016906 du 17 juin 2022 du tribunal administratif de Paris sont annulés.
Article 2 : La demande présentée par la société JCDecaux France devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 3 : La société JCDecaux France versera une somme de 3 000 euros à la Ville de Paris, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de la société JCDecaux France tendant à l'application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative en appel sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la Ville de Paris et à la société JCDecaux France.
Délibéré après l'audience du 13 mars 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Ivan Luben, président de chambre,
- Mme Irène Jasmin-Sverdlin, première conseillère,
- Mme Hélène Brémeau-Manesme, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 mai 2025.
La rapporteure, Le président,
I. JASMIN-SVERDLIN I. LUBEN
La greffière,
C. POVSE
La République mande et ordonne au préfet de la région d'Île-de-France, préfet de Paris en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22PA03838