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15/05/2025 | FRANCE | N°23PA02162

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 1ère chambre, 15 mai 2025, 23PA02162


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. O... J..., Mmes L... E..., A... G..., Hélène Poitevin, K... C..., Q... R..., M... N..., Nadège Mazel, Siva Sunita et MM. Mathieu Gelezeau, Yann Divet, D... I..., F... P... et B... H... ont demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 26 juin 2020 par lequel le maire de la commune de Saint-Ouen-sur-Seine a accordé un permis de construire à la société en nom collectif des Deux Mondes en vue de surélever et étendre deux bâtiments de bureaux préexis

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. O... J..., Mmes L... E..., A... G..., Hélène Poitevin, K... C..., Q... R..., M... N..., Nadège Mazel, Siva Sunita et MM. Mathieu Gelezeau, Yann Divet, D... I..., F... P... et B... H... ont demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 26 juin 2020 par lequel le maire de la commune de Saint-Ouen-sur-Seine a accordé un permis de construire à la société en nom collectif des Deux Mondes en vue de surélever et étendre deux bâtiments de bureaux préexistants, avec création de deux commerces, ensemble la décision implicite de rejet de leur recours gracieux formé le 26 avril 2021.

Par un jugement n° 2111947 du 7 avril 2022, le tribunal administratif de Montreuil, en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, a sursis à statuer sur la légalité du permis de construire pour permettre la notification d'un acte régularisant le vice relatif à l'absence de saisine de l'autorité environnementale dans le cadre de l'examen au cas par cas prévu par l'article R. 122-2 du code de l'environnement

Par un jugement n° 2111947 du 9 mars 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande de M. O... J..., Mmes L... E..., A... G..., Hélène Poitevin, K... C..., Q... R..., M... N..., Nadège Mazel, Siva Sunita et MM. Mathieu Gelezeau, Yann Divet, D... I..., F... P..., B... H... après qu'un permis de construire modificatif eut été délivré à la société en nom collectif des Deux Mondes par un arrêté du maire de Saint-Ouen-sur-Seine en date 4 octobre 2022.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête enregistrée le 11 mai 2023 sous le n° 23PA02162, des mémoires enregistrés le 24 juin 2023 et le 6 janvier 2025 et une pièce enregistrée le 12 juillet 2023, M. O... J..., Mme L... E..., MM. Mathieu Gelezeau et Yann Divet, Mmes A... G..., Hélène Poitevin, M. D... I..., Mme K... C..., M. F... P..., Mme Q... R..., M. B... H..., Mmes M... N..., Nadège Mazel et Siva Sunita, représentés par Me Ribière, demandent à la Cour :

1°) d'annuler les jugements n° 2111947 du 7 avril 2022 et du 9 mars 2023 du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler les arrêtés du maire de Saint-Ouen-sur-Seine du 26 juin 2020 et du 4 avril 2022 ;

3°) de mettre à la charge de la société en nom collectif des Deux Mondes et de la commune de Saint-Ouen-sur-Seine le versement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement est irrégulier dès lors qu'il ne comporte pas la signature des magistrats qui l'ont rendu ;

- le projet méconnaît plusieurs des exigences posées par l'orientation d'aménagement et de programmation thématique n° 1 du plan local d'urbanisme intercommunal " environnement et santé " de Plaine Commune ;

- le maire aurait dû surseoir à statuer sur la demande.

Par un mémoire en défense enregistré le 5 février 2024, la société en nom collectif des Deux Mondes représentée par Me Rochmann-Sacksick (SCP Tirard et associés) conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement n° 2111947 du 7 avril 2022 du tribunal administratif de Montreuil ;

3°) ce qu'il soit mis la somme de 3 000 euros à la charge solidaire des requérants en application d l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- aucun des moyens de la requête n'est fondé.

- la demande de première instance était tardive, dès lors que l'affichage du permis de construire sur le terrain était régulière et, les premiers juges ayant donc à tort mis en œuvre les dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de justice administrative, le jugement attaqué doit être annulé.

La requête a été communiquée à la commune de Saint-Ouen-sur-Seine qui n'a pas présenté d'observations dans cette instance.

II. Par une requête enregistrée le 11 mai 2023 sous le n° 23PA02163, des mémoires enregistrés le 24 juin 2023 et le 6 janvier 2025 et une pièce enregistrée le 12 juillet 2023, M. O... J..., Mme L... E..., MM. Mathieu Gelezeau et Yann Divet, Mmes A... G..., Hélène Poitevin, M. D... I..., Mme K... C..., M. F... P..., Mme Q... R..., M. B... H..., Mmes M... N..., Nadège Mazel et Siva Sunita, représentés par Me Ribière, demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2111947 du 7 avril 2022 et du 9 mars 2023 du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler les arrêtés du maire de Saint-Ouen-sur-Seine du 26 juin 2020 et du 4 avril 2022 ;

3°) de mettre à la charge de la société en nom collectif des Deux Mondes et de la commune de Saint-Ouen-sur-Seine le versement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement attaqué est irrégulier, dès lors que n'y figurent pas les signatures des magistrats l'ayant rendu ;

- l'arrêté du 26 juin 2020 est illégal, comme méconnaissant des orientations d'aménagement et de programmation du plan local d'urbanisme intercommunal ;

- le jugement est entaché d'insuffisance de motivation, d'erreur de qualification juridique des faits et d'une double erreur de droit pour n'avoir pas retenu l'erreur manifeste commise par le maire en ce qu'il n'a pas opposé de sursis à statuer à la demande de permis de construire ;

- le jugement est entaché d'insuffisance de motivation et d'erreur de droit pour avoir écarté le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 122-3 du code de l'environnement par l'arrêté du 4 octobre 2022.

Par un mémoire en défense enregistré 5 février 2024, la société en nom collectif des Deux Mondes représentée par Me Rochmann-Sacksick (SCP Tirard et associés) conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis la somme de 3 000 euros à la charge solidaire des requérants en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les moyens tirés respectivement de la méconnaissance des orientations d'aménagement et de programmation du plan local d'urbanisme intercommunal (insuffisance de motivation du jugement, erreur de qualification juridique des faits, double erreur de droit), et de l'erreur manifeste du maire en ce qu'il n'a pas opposé de sursis à statuer à la demande de permis de construire sont inopérants ;

- les autres moyens ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense enregistrés le 5 février 2024 et le 22 janvier 2025, la commune de Saint-Ouen-sur-Seine représentée par Me Guillot (SELAS DS Avocats) conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis la somme de 3 000 euros à la charge des requérants en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé :

- les moyens tirés respectivement de la méconnaissance des orientations d'aménagement et de programmation du plan local d'urbanisme intercommunal (insuffisance de motivation du jugement, erreur de qualification juridique des faits, double erreur de droit), et de l'erreur manifeste du maire en ce qu'il n'a pas opposé de sursis à statuer à la demande de permis de construire sont inopérants ;

- les autres moyens ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Stéphane Diémert,

- les conclusions de M. Jean-François Gobeill, rapporteur public,

- les observations de Me Ribière, avocat des requérants,

- et les observations de Me Ricard substituant Me Guillot, avocat de la commune de Saint-Ouen-sur-Seine.

Considérant ce qui suit :

1. M. O... J..., Mmes L... E..., A... G..., Hélène Poitevin, K... C..., Q... R..., M... N..., Nadège Mazel, Siva Sunita et MM. Mathieu Gelezeau, Yann Divet, D... I..., F... P... et B... H... ont demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 26 juin 2020 par lequel le maire de la commune de Saint-Ouen-sur-Seine a accordé un permis de construire à la société en nom collectif des Deux Mondes en vue de surélever et étendre deux bâtiments de bureaux préexistants, avec création de deux commerces, ensemble la décision implicite de rejet de leur recours gracieux formé le 26 avril 2021. Par un jugement du 7 avril 2022, le tribunal administratif de Montreuil, en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, a sursis à statuer sur la légalité du permis de construire pour permettre la notification d'un acte régularisant le vice relatif à l'absence de saisine de l'autorité environnementale dans le cadre de l'examen au cas par cas prévu par l'article R. 122-2 du code de l'environnement. Par un jugement du 9 mars 2023 dont les intéressés relèvent appel devant la Cour, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande.

2. Les requêtes n° 23PA02162 et n° 23PA02163 sont dirigées contre les deux jugements intervenus successivement dans le cadre d'une même instance, et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a donc lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt.

Sur les conclusions dirigées contre le jugement avant dire-droit du 7 avril 2022 :

3. Les conclusions de la requête n° 23PA02162, initialement dirigées contre le jugement avant dire-droit du 7 avril 2022 dans la requête enregistrée le 11 mai 2023, ont ensuite été dirigées contre le jugement du 9 mars 2023 mettant fin à l'instance, dans le mémoire enregistré le 24 juin 2023 à 23h53, (page 8) qui comportait toutefois des conclusions visant aussi le jugement avant dire-droit (page 12), avant d'être requalifiées comme dirigées contre le jugement avant dire-droit dans le mémoire enregistré le même jour à 23h56, qui comportait des conclusions finales dirigées contre ce dernier jugement mais aussi contre celui du 9 mars 2023. Compte tenu de la teneur de l'argumentation développée dans ces écritures successives, il y a lieu de regarder ces conclusions, qui présentent un caractère inhabituellement confus, comme dirigées en réalité contre le seul jugement avant dire-droit du 7 avril 2022.

- En ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance :

4. En vertu de l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme, le délai de recours contentieux à l'encontre d'un permis de construire court à l'égard des tiers à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l'article R. 424-15. Ce dernier dispose que : " Mention du permis explicite ou tacite (...) doit être affichée sur le terrain, de manière visible de l'extérieur, par les soins de son bénéficiaire, dès la notification de l'arrêté (...) et pendant toute la durée du chantier. (...) / (...) / Un arrêté du ministre chargé de l'urbanisme règle le contenu et les formes de l'affichage. " En vertu de l'article A. 424-15 du même code, l'affichage sur le terrain du permis de construire prévu par l'article R. 424-15, est assuré par les soins du bénéficiaire du permis ou du déclarant sur un panneau rectangulaire dont les dimensions sont supérieures à 80 centimètres et, en vertu de son article A. 424-16 dudit code, ce panneau indique notamment " la nature du projet et la superficie du terrain " ainsi que : " en fonction de la nature du projet : / a) Si le projet prévoit des constructions, la surface de plancher autorisée ainsi que la hauteur de la ou des constructions, exprimée en mètres par rapport au sol naturel ; / (...). " Aux termes de l'article A. 424-18 dudit code : " Le panneau d'affichage doit être installé de telle sorte que les renseignements qu'il contient demeurent lisibles de la voie publique ou des espaces ouverts au public pendant toute la durée du chantier. "

5. D'une part, en imposant que figurent sur le panneau d'affichage du permis de construire diverses informations sur le permis et le lieu de consultation du dossier, les articles R. 600-2, R. 424-15 et A. 424-16 du code de l'urbanisme ont notamment pour objet de mettre les tiers, à la seule lecture de ce panneau, à même de consulter le dossier du permis et d'assurer ainsi leur connaissance des éléments indispensables pour leur permettre de préserver leurs droits et d'arrêter leur décision de former ou non un recours contre l'autorisation de construire, le délai de recours contentieux ne commençant à courir qu'à la date d'un affichage complet et régulier. Il s'ensuit que, si les mentions relatives à l'identification du permis et au lieu de consultation du dossier prévues par l'article A. 424-16 du code de l'urbanisme doivent, en principe, figurer sur le panneau d'affichage, une erreur ou omission entachant l'une d'entre elles ne conduit à faire obstacle au déclenchement du délai de recours que dans le cas où cette erreur ou cette omission est de nature à affecter la capacité des tiers à identifier, à la seule lecture du panneau d'affichage, le permis et l'administration à laquelle il convient de s'adresser pour consulter le dossier.

6. D'autre part, les dispositions précitées du code de l'urbanisme n'imposent pas au bénéficiaire d'un permis de construire de procéder à un affichage à proximité de chacun des accès de ce terrain depuis la voie publique, ni d'indiquer, le cas échéant, les adresses de ces derniers ou de préciser la configuration du terrain d'assiette du projet autrement que par la mention de sa superficie.

7. En l'espèce, eu égard à la réalité du projet autorisé, qui, comme il a été dit, consiste en la surélévation et à l'extension de deux bâtiments de bureaux préexistants, avec création de deux commerces, sur un terrain situé au 108, avenue Gabriel Péri et 21 rue Garibaldi, l'affichage, dont il ressort des pièces du dossier qu'il y a été effectivement procédé avenue Gabriel Péri pendant une période continue de deux mois à compter du 8 octobre 2020, comportait l'indication précise de l'adresse du terrain et la parcelle d'assiette du projet, et indiquait, au titre de la nature des travaux : " surélévation et extension d'un immeuble de bureaux et création de deux commerces ", pour une hauteur de la construction de 27,73 mètres, correspondant à la hauteur du bâtiment donnant sur l'avenue Gabriel Péri.

8. D'une part, comme il a été dit au point 5, aucune des dispositions citées au point 4 n'impose de mentionner précisément sur le panneau d'affichage la configuration du terrain d'assiette d'un projet ni ses différents accès depuis la voie publique.

9. D'autre part, la mention de la " surélévation et de l'extension d'un immeuble " si elle est strictement conforme à la réalité juridique du projet autorisé, alors même qu'elle vise en réalité à caractériser des travaux à mener sur deux bâtiments situés sur la même parcelle et une extension dans le patio, est néanmoins susceptible d'induire en erreur le lecteur, compte tenu de la possible confusion entre les termes " immeuble " et " bâtiments " dans le langage courant. Ainsi, et alors même que l'indication de la hauteur maximale de la plus haute surélévation prévue et de la surface de plancher à créer, ainsi que de la superficie du terrain, pouvaient en principe permettre à toute personne normalement attentive lisant le panneau d'affichage de saisir immédiatement la consistance des travaux en cause ainsi que l'unicité de la parcelle concernée et, ensuite, de s'enquérir auprès des services municipaux de la teneur exacte du projet, la confusion susceptible de naître relativement à l'usage, maladroit en l'espèce, du terme immeuble ne peut que conduire à regarder comme partiellement erronées les mentions du panneau d'affichage décrivant le projet.

10. Dès lors, le permis de construire litigieux ne peut être regardé comme ayant été affiché dans des conditions répondant aux exigences prévues par les dispositions réglementaires rappelées au point 4, et le délai de recours contentieux de deux mois prévu par l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme n'a pu commencer à courir à compter du 9 octobre 2020. Par suite, le recours gracieux tendant au retrait de ce permis, formé par les requérants le 26 avril 2021, ne l'a pas été tardivement et la demande enregistrée le 27 août 2021 au greffe du tribunal administratif de Montreuil, était ainsi recevable.

- En ce qui concerne le moyen tiré de ce que le projet méconnaît plusieurs des exigences posées par l'orientation d'aménagement et de programmation thématique du plan local d'urbanisme intercommunal " environnement et santé " :

11. Aux termes de l'article L. 151-6 du code de l'urbanisme : " Les orientations d'aménagement et de programmation comprennent, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, des dispositions portant sur l'aménagement, l'habitat, les transports, les déplacements (...). ". Aux termes du I de l'article L. 151-7 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Les orientations d'aménagement et de programmation peuvent notamment : / 1° Définir les actions et opérations nécessaires pour mettre en valeur l'environnement, les paysages, les entrées de villes et le patrimoine, lutter contre l'insalubrité, permettre le renouvellement urbain, favoriser la densification et assurer le développement de la commune ; / (...). " L'article L. 152-1 de ce code dispose en outre que : " L'exécution par toute personne publique ou privée de tous travaux, constructions, aménagements, plantations, (...) sont conformes au règlement et à ses documents graphiques. / Ces travaux ou opérations sont, en outre, compatibles, lorsqu'elles existent, avec les orientations d'aménagement et de programmation. " La compatibilité d'une autorisation d'urbanisme avec les orientations d'aménagement et de programmation d'un plan local d'urbanisme s'apprécie en procédant à une analyse globale des effets du projet sur l'objectif ou les différents objectifs d'une orientation d'aménagement et de programmation à l'échelle de la zone à laquelle ils se rapportent.

12. Les requérants soutiennent que le projet méconnaît l'orientation d'aménagement et de programmation thématique n°1 : " Environnement et santé " du plan local d'urbanisme intercommunal, en ce qu'il ne prévoit aucune continuité paysagère perceptible depuis l'espace public, qu'il ne comporte pas de " patio généreux " en cœur d'ilot, et qu'il n'y a aucune transparence du cœur d'îlot depuis l'espace public, et aucune accessibilité de ce cœur d'îlot au public.

13. L'orientation d'aménagement et de programmation thématique n° 1 : " Environnement et santé " du plan local d'urbanisme intercommunal de Plaine Commune prévoit que : " 4.2.4 Développer les continuités entre les cœurs d'ilots tertiaires et l'espace public / Dans les quartiers tertiaires repérés sur la carte n°2, de vastes ensembles bâtis constituent souvent de longs linéaires le long des voies publiques. / La porosité entre les espaces plantés intérieurs des immeubles de bureaux et l'espace public est à développer./ Créer de nouvelles continuités paysagères/ Les projets d'ensembles tertiaires devront intégrer la création de continuités paysagères perceptibles depuis l'espace public. Ils contribueront à l'amélioration du paysage urbain perçu par l'ensemble des usagers de l'espace public. / Les éléments paysagers ne seront pas seulement ornementaux mais contribueront au renforcement des performances environnementales des opérations (rafraichissement, infiltration de l'eau, biodiversité)./ Exemples de mise en œuvre / • Créer des percées visuelles végétalisées vers le cœur d'îlot / Intégrer au projet une traversée piétonne végétalisée/ • Créer des noues ou bandes enherbées en pied de mur ou de clôture/ • Créer des couronnes arborées en contact avec l'espace public./ Créer des cœurs d'îlot généreux et perméables/ Les projets de bureaux intégreront des cœurs d'ilots et des patios généreux. Ces patios doivent bénéficier d'une lumière et d'un ensoleillement importants. Ils permettent une meilleure ventilation et un rafraichissement naturel de l'ilot. Ils constitueront par ailleurs des espaces collectifs pour les salariés. Ces espaces contribueront à la sensibilisation des enjeux écologiques liés à la place de la nature en ville./ Lorsque le cœur d'îlot est implanté au-dessus d'un parking en sous-sol, une épaisseur de terre végétale ou de substrat compatible avec le développement d'une végétation importante doit être prévue. Une épaisseur de 90 cm minimum est recommandée./ Exemples de mise en œuvre :/Aménager les espaces collectifs en privilégiant les matériaux semi perméables/ • Intégrer en cœur d'îlot des fonctions collectives liées à la vie de l'immeuble : espace de repas, potager collectif, détente, sport... Une mutualisation est recommandée./ Rendre visible le paysage intérieur de l'îlot / Outre les percées visuelles et continuités prévues ci-dessus, la transparence du socle de l'immeuble devra également être recherchée afin de rendre le paysage du cœur d'îlot plus visible depuis l'espace public./ Différentes fonctions sont compatibles avec une porosité importante : halls et lobbies, cafétérias, salons d'attente... ".

14. Si l'orientation d'aménagement et de programmation thématique précitée préconise notamment de " créer des cœurs d'îlot généreux et perméables " pour les projets de bureaux et de " rendre visible le paysage intérieur de l'îlot ", elle prévoit également d'intégrer en cœur d'îlot des fonctions collectives liées à la vie de l'immeuble et précise que " différentes fonctions sont compatibles avec une porosité importante : halls et lobbies, cafétérias, salons d'attente... ". Par suite, la circonstance que le projet litigieux prévoit la construction d'un bâtiment au centre de l'îlot, d'ailleurs destiné à accueillir de telles fonctions, n'est pas de nature à le rendre incompatible avec cette orientation ni, a fortiori, à compromettre l'exécution de celle-ci. En outre, s'agissant de travaux à réaliser sur des constructions existantes, les prescriptions de l'orientation d'aménagement et de programmation ne sauraient avoir pour objet ni pour effet d'imposer, afin de favoriser la " transparence " du cœur d'îlot et sa " continuité " avec l'espace public, ni la destruction des constructions existantes ni leur ouverture au public. Le moyen n'est pas fondé et doit donc être écarté.

- En ce qui concerne le moyen tiré de l'absence illégale de sursis à statuer :

15. Il résulte de ce qui vient d'être dit que, le projet n'étant pas contraire au plan local d'urbanisme intercommunal de Plaine Commune, le maire de Saint-Ouen-sur-Seine n'était en tout état de cause pas tenu de surseoir à statuer sur la demande de permis de construire. Le moyen doit donc être écarté.

Sur le jugement du 9 mars 2023 mettant fin à l'instance :

16. La requête n° 23PA02163 enregistrée le 11 mai 2023 mentionne dans son argumentation (page 8) qu'elle est dirigée contre le jugement définitif, mais ses conclusions finales demandent toutefois expressément l'annulation du jugement avant dire-droit du 7 avril 2002, tandis que le mémoire enregistré le 24 juin 2023 confirme cette demande (page 8) et demande, en ses conclusions finales, l'annulation du jugement définitif en conséquence de celle du jugement avant dire-droit. Il y a donc lieu de regarder ses conclusions, là encore inhabituellement confuses, comme dirigées en réalité contre le jugement du 9 mars 2023.

- En ce qui concerne la régularité du jugement :

17. En premier lieu, et contrairement à ce que soutiennent les requérants, la minute du jugement comporte effectivement les signatures requises par l'article R. 741-8 du code de justice administrative. Le moyen manque donc en fait et doit être écarté.

18. En second lieu, les requérants reprochent au jugement attaqué d'être insuffisamment motivé pour n'avoir pas complètement répondu au moyen tiré de ce que la décision portant dispense d'évaluation environnementale est illégale faute pour l'autorité environnementale d'avoir disposé, à la date à laquelle elle a statué, d'informations sur la présence ou non d'amiante dans l'immeuble du projet. Toutefois, le juge, lorsqu'il répond à un moyen, n'est pas tenu d'apporter une réponse à chacun des arguments des parties. En l'espèce, et alors que les requérants qualifient eux-mêmes d'" argumentation " la partie de leurs écritures de première instance dont ils déplorent qu'elle n'aurait pas reçu de réponse dans le jugement attaqué, il ressort de la lecture du point 11 de ce dernier que le tribunal administratif a suffisamment répondu au moyen dont il était saisi. Le moyen doit donc être écarté.

- En ce qui concerne l'opérance de certains moyens articulés à l'encontre du jugement :

19. Lorsque le juge a fait usage de la faculté de surseoir à statuer ouverte par l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, qu'un permis modificatif a été délivré et que le juge a mis fin à l'instance par un second jugement, l'auteur d'un recours contre ce jugement peut contester la légalité du permis de construire modificatif par des moyens propres et au motif que le permis initial n'était pas régularisable. Par suite, les moyens écartés par le jugement avant-dire droit doivent être regardés comme inopérants pour contester le jugement mettant fin à l'instance dès lors que ces moyens étaient dirigés contre le permis de construire initial et non contre le permis de construire modificatif.

20. Il ressort des propres écritures des requérants qu'ils ont expressément entendu diriger contre le jugement du 9 mars 2023 les moyens suivants, respectivement tirés, d'une part, de la méconnaissance des orientations d'aménagement et de programmation du plan local d'urbanisme intercommunal et, d'autre part, de l'erreur manifeste commise par le maire de la commune en ce qu'il n'a pas opposé de sursis à statuer à la demande de permis de construire. De tels moyens, qui ont été écartés par le jugement avant dire-droit, ne peuvent utilement être invoqués pour contester le jugement mettant fin à l'instance.

En ce qui concerne le moyen dirigé contre la mesure de régularisation du 4 octobre 2022 :

21. Les requérants soutiennent que le permis de construire modificatif délivré le 4 octobre 2022 est illégal dès lors que la décision du préfet de la région Île-de-France dispensant le projet litigieux d'une évaluation environnementale méconnait les dispositions de l'article R. 122-3 du code de l'environnement dont il citent ce qui suit : " l'autorité environnementale indique les motifs qui fondent sa décision au regard des critères pertinents de l'annexe III de la directive 2011/92/UE du 13 décembre 2011, et compte tenu le cas échéant des mesures et caractéristiques du projet présentées par le maître d'ouvrage et destinées à éviter ou réduire les effets négatifs notables de celui-ci sur l'environnement et la santé humaine ".

22. Il est constant que les dispositions de l'article R. 122-3 du code de l'environnement invoquées à l'appui du moyen étaient celles en vigueur du 15 août 2016 au 5 juillet 2020. Dès lors que les requérants n'indiquent pas autrement dans leurs écritures quelles autres dispositions réglementaires du code de l'environnement ils ont entendu en réalité invoquer, et que leurs écritures ne sauraient être regardées comme entachées sur ce point d'une simple erreur de plume, le moyen ne peut qu'être écarté, comme inopérant, car fondé sur des dispositions inapplicables en l'espèce.

23. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande d'annulation du permis de construire et du permis de construire modificatif accordés à la société en nom collectif des Deux Mondes. Leurs conclusions d'appel doivent donc être rejetées.

Sur les frais du litige :

24. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser chacune des parties supporter ses propres frais, et de rejeter en conséquence l'ensemble de leurs conclusions d'appel fondée sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Les conclusions des requêtes n° 23PA02162 et n° 23PA02163 de M. O... J..., de Mme L... E..., de MM. Mathieu Gelezeau et Yann Divet, de Mmes A... G... et Hélène Poitevin, de M. D... I..., de Mme K... C..., de M. F... P..., de Mme Q... R..., de M. B... H..., de Mmes M... N..., Nadège Mazel et Siva Sunita sont rejetées.

Article 2 : L'ensemble des conclusions des parties fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. O... J..., premier dénommé, pour l'ensemble des requérants, à la société en nom collectif des Deux Mondes et à la commune de Saint-Ouen-sur- Seine.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 3 avril 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- M. Stéphane Diémert, président-assesseur,

- Mme Hélène Brémeau-Manesme, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 mai 2025.

Le rapporteur,

S. DIÉMERTLe président,

I. LUBEN

La greffière,

Y. HERBER

La République mande et ordonne au préfet de la Seine-Saint-Denis en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°s 23PA02162, 23PA02163


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23PA02162
Date de la décision : 15/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: M. Stéphane DIEMERT
Rapporteur public ?: M. GOBEILL
Avocat(s) : RIBIERE

Origine de la décision
Date de l'import : 18/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-15;23pa02162 ?
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