Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... C... et M. E... D... ont demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision implicite du 29 mai 2022 par laquelle l'établissement public territorial Est Ensemble a rejeté leur demande tendant à l'abrogation partielle du plan local d'urbanisme intercommunal d'Est Ensemble approuvé par une délibération du conseil de territoire du 4 février 2020, et modifié par une délibération du 29 juin 2021, et d'enjoindre à cet établissement public territorial d'inscrire à l'ordre du jour de son conseil de territoire, dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement à intervenir, la question de l'abrogation partielle du plan local d'urbanisme intercommunal d'Est Ensemble.
Par un jugement n° 2212136 du 29 janvier 2024, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 21 mars 2024, Mme B... C... et M. E... D..., représentés par Me Ramdenie (SELARL Grange-Martin-Ramdenie), demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2212136 du 29 janvier 2024 du tribunal administratif de Montreuil ;
2°) d'annuler la décision implicite du 29 mai 2022 par laquelle l'établissement public territorial Est Ensemble a rejeté leur demande tendant à l'abrogation partielle du plan local d'urbanisme intercommunal d'Est Ensemble approuvé par une délibération du conseil de territoire du 4 février 2020, et modifié par une délibération du 29 juin 2021 ;
3°) d'enjoindre à l'établissement public territorial Est Ensemble d'inscrire à l'ordre du jour du conseil territorial, dans un délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêt, la question de l'abrogation du plan local d'urbanisme intercommunal en raison de son illégalité ;
4°) de mettre à la charge de l'établissement public territorial Est Ensemble le versement d'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement attaqué est irrégulier, d'une part, pour n'avoir pas répondu au moyen tiré de ce que le fond de la parcelle CJ 53 ne présente aucun potentiel de biodiversité naturelle, et, d'autre part, pour avoir insuffisamment répondu au moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation du fait de la mise en place de l'orientation d'aménagement et de programmation " Parc des hauteurs " ;
- la décision litigieuse est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation en ce qui concerne :
• le classement en zone agricole des parcelles cadastrées CJ 53, 142, 181, 269 et 331 ;
• la mise en place de l'orientation d'aménagement et de programmation Murs à pêches sur les mêmes parcelles ;
• la mise en place de l'OAP Parc des hauteurs sur les mêmes parcelles ;
• la mise en place de l'emplacement réservé ERMo24 ;
• la protection des murs à pêches au titre de l'article L. 151-19 du code de l'urbanisme :
• la mise en place d'espaces paysagers protégés sur la parcelle cadastrée CJ 53 au titre de l'article L. 151-23 du code de l'urbanisme ;
• la mise en place d'un linéaire actif à créer au titre de l'article L. 151-16 du code de l'urbanisme.
Par un mémoire en défense enregistré le 13 septembre 2024, l'établissement public territorial Est Ensemble, représenté par Me Lherminier (cabinet Seban et associés) conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge des requérants en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 26 août 2024 la clôture de l'instruction a été fixée au 29 septembre 2024 à 12 heures.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de M. Gobeill, rapporteur public,
- les observations de Me Bourdin substituant Me Ramdenie, avocat des requérants,
- et les observations de Me Baron substituant Me Lherminier, avocat de l'établissement public territorial Est Ensemble.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... C... et M. E... D..., propriétaires des parcelles cadastrées CJ 53, CJ 181 et CJ 269 situées, respectivement, 132 rue de Saint-Antoine, 97 rue de Saint-Antoine et 35 rue Pierre Jean de Béranger à Montreuil (Seine-Saint-Denis), ont adressé à l'établissement public territorial Est Ensemble, le 29 mars 2022, une demande tendant à l'abrogation partielle du plan local d'urbanisme intercommunal d'Est Ensemble approuvé par le conseil de territoire de l'établissement public territorial le 4 février 2020 et modifié le 29 juin 2021, en tant que le règlement du plan local d'urbanisme intercommunal classe les parcelles cadastrées CJ 53, CJ 142, CJ 181, CJ 269 et CJ 331 en zone agricole, que ces mêmes parcelles sont incluses dans le périmètre de l'orientation d'aménagement et de programmation " Parc des Hauteurs " et " Murs à pêches ", que les fonds des parcelles cadastrées CJ 53 et CJ 181 sont classés en emplacements réservés ERMo24, que le règlement du plan local d'urbanisme intercommunal institue une protection des murs à pêches en application des dispositions de l'article L. 151-19 du code de l'urbanisme, en tant que ce règlement classe la parcelle cadastrée CJ 53 en espace paysager protégé en application de l'article L. 151-23 du code de l'urbanisme, et en tant qu'il prévoit la création d'un linéaire actif rue de Saint-Antoine, auquel est intégrée la parcelle cadastrée CJ 181. Le silence gardé sur cette demande par l'établissement public territorial Est Ensemble a fait naître une décision implicite de rejet réputée être intervenue le 29 mai 2022, dont Mme C... et M. D... ont demandé l'annulation au tribunal administratif de Montreuil. Cette juridiction a rejeté cette demande par un jugement du 29 janvier 2024 dont les intéressés relèvent appel devant la Cour.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, contrairement à ce que soutiennent les requérants, les premiers juges ont effectivement répondu, aux points 11 et 14 du jugement attaqué, au moyen tiré de ce que le fond de la parcelle CJ 53 ne présente aucun potentiel de biodiversité naturelle. Le moyen tiré de l'irrégularité du jugement sur ce point doit donc être écarté.
3. En second lieu, et contrairement là encore à ce que soutiennent les requérants, les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à chaque argument exposé dans les écritures des demandeurs de première instance, ont suffisamment répondu, aux points 12 et 15 du jugement attaqué, au moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation du fait de la mise en place de l'orientation d'aménagement et de programmation " Parc des hauteurs ". Le moyen tiré de l'irrégularité du jugement sur ce point doit donc être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne le cadre juridique du litige :
4. Aux termes de l'article L. 243-2 du code des relations entre le public et l'administration : " L'administration est tenue d'abroger expressément un acte réglementaire illégal ou dépourvu d'objet, que cette situation existe depuis son édiction ou qu'elle résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures, sauf à ce que l'illégalité ait cessé (...) ".
5. En raison de la permanence de l'acte réglementaire, la légalité des règles qu'il fixe, la compétence de son auteur et l'existence d'un détournement de pouvoir doivent pouvoir être mises en cause à tout moment, de telle sorte que puissent toujours être sanctionnées les atteintes illégales que cet acte est susceptible de porter à l'ordre juridique. Cette contestation peut prendre la forme d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre la décision refusant d'abroger l'acte réglementaire, comme l'exprime l'article L. 243-2 du code des relations entre le public et l'administration précité.
6. L'effet utile de l'annulation pour excès de pouvoir du refus d'abroger un acte réglementaire illégal réside dans l'obligation, que le juge peut prescrire d'office en vertu des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, pour l'autorité compétente, de procéder à l'abrogation de cet acte afin que cessent les atteintes illégales que son maintien en vigueur porte à l'ordre juridique. Il s'ensuit que, dans l'hypothèse où un changement de circonstances a fait cesser l'illégalité de l'acte réglementaire litigieux à la date à laquelle il statue, le juge de l'excès de pouvoir ne saurait annuler le refus de l'abroger. À l'inverse, si, à la date à laquelle il statue, l'acte réglementaire est devenu illégal en raison d'un changement de circonstances, il appartient au juge d'annuler ce refus d'abroger pour contraindre l'autorité compétente de procéder à son abrogation.
7. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que lorsqu'il est saisi de conclusions aux fins d'annulation du refus d'abroger un acte réglementaire, le juge de l'excès de pouvoir est conduit à apprécier la légalité de l'acte réglementaire dont l'abrogation a été demandée au regard des règles applicables à la date de sa décision.
En ce qui concerne le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dans le classement en zone agricole des parcelles cadastrées CJ 53, 142, 181, 269 et 331 :
8. En vertu de l'article L. 151-5 du code de l'urbanisme, le projet d'aménagement et de développement durables du plan local d'urbanisme définit notamment : " Les orientations générales des politiques d'aménagement, d'équipement, d'urbanisme, de paysage, de protection des espaces naturels, agricoles et forestiers, et de préservation ou de remise en bon état des continuités écologiques ", et il fixe " des objectifs chiffrés de modération de la consommation de l'espace et de lutte contre l'étalement urbain ". L'article L. 151-9 du même code dispose que : " Le règlement délimite les zones urbaines ou à urbaniser et les zones naturelles ou agricoles et forestières à protéger (...) ". Aux termes de l'article R. 151-22 de ce code : " Les zones agricoles sont dites " zones A ". Peuvent être classés en zone agricole les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles ".
9. D'une part, il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir sur le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. Leur appréciation sur ces points ne peut être censurée par le juge administratif que si elle repose sur des faits matériellement inexacts ou si elle est entachée d'erreur manifeste.
10. D'autre part, une zone agricole, dite " zone A ", du plan local d'urbanisme a vocation à couvrir, en cohérence avec les orientations générales et les objectifs du projet d'aménagement et de développement durables, un secteur, équipé ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles, lequel ne s'apprécie pas à l'échelle de la parcelle, mais à l'échelle du secteur, qui doit présenter des caractéristiques agricoles. Si, pour apprécier la légalité du classement d'une parcelle en zone A, le juge n'a pas à vérifier que la parcelle en cause présente, par elle-même, le caractère d'une terre agricole et peut se fonder sur la vocation du secteur auquel cette parcelle peut être rattachée, en tenant compte du parti urbanistique retenu ainsi que, le cas échéant, de la nature et de l'ampleur des aménagements ou constructions qu'elle supporte, ce classement doit cependant être justifié par la préservation du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles de la collectivité concernée, à plus forte raison lorsque les parcelles en cause comportent des habitations voire présentent un caractère urbanisé.
11. Enfin, pour apprécier la cohérence exigée au sein du plan local d'urbanisme entre le règlement et le projet d'aménagement et de développement durables il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale le conduisant à se placer à l'échelle du territoire couvert par le document d'urbanisme, si le règlement ne contrarie pas les orientations générales et objectifs que les auteurs du document ont définis dans le projet d'aménagement et de développement durables , compte tenu de leur degré de précision. Par suite, l'inadéquation d'une disposition du règlement du plan local d'urbanisme à une orientation ou à un objectif du projet d'aménagement et de développement durables ne suffit pas nécessairement, compte tenu de l'existence d'autres orientations ou objectifs au sein de ce projet, à caractériser une incohérence entre ce règlement et ce projet.
12. Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, il ressort des pièces du dossier que le projet d'aménagement et de développement durables du plan local d'urbanisme intercommunal d'Est Ensemble énonce la volonté de l'établissement public territorial Est Ensemble de préserver, de développer et d'améliorer les réservoirs de biodiversité situés au sein des espaces verts et des zones agricoles, et de limiter la consommation d'espaces naturels et agricoles afin d'intégrer la nature en ville et la biodiversité dans la conception urbaine et l'aménagement du territoire. Il ressort également des orientations du projet d'aménagement et de développement durables que l'établissement public territorial souhaite développer l'agriculture urbaine et les productions locales, notamment par la création de micro-fermes, et la préservation et le développement de jardins partagés sur le site des " murs à pêches ". Il ressort des documents cartographiques du projet d'aménagement et de développement durables que le secteur au sein duquel sont incluses les parcelles cadastrées CJ 53, CJ 142, CJ 181, CJ 269 et CJ 331 tend à la renaturation de la ville, à la préservation des réservoirs de biodiversité, et au maintien et au renforcement des habitats faunistiques et des continuités écologiques. Les intentions et orientations d'aménagement et de programmation " Parc des Hauteurs " et " Murs à Pêches " tendent également à préserver et à développer la biodiversité et à renforcer la vocation agricole de la zone en y développant l'agriculture urbaine et en réhabilitant le savoir-faire horticole historique qui lui est propre. Les parcelles appartenant aux requérants sont contigües à un vaste espace boisé, constitué par les parcelles situées à proximité immédiate, également classées en zone agricole, et accueillant, pour certaines, des jardins communautaires. Si elles sont actuellement artificialisées en quasi-totalité et qu'elles accueillent des entrepôts destinés aux activités industrielles et commerciales, et que des secteurs urbanisés les entourent, elles se situent toutefois dans un vaste secteur densément végétalisé et à vocation agricole, et présentent un potentiel agronomique, biologique et économique, dans la mesure où elles sont destinées à accueillir plusieurs micro-fermes urbaines, des jardins communautaires, et une activité horticole. Par ailleurs, les constructions existantes sont de faible ampleur au regard de la superficie des parcelles. Eu égard au parti d'urbanisme retenu par l'établissement public territorial Est Ensemble, à la vocation agricole du secteur dans lequel les parcelles s'inscrivent, et à leur potentiel agronomique, biologique et économique, et alors que les requérants n'exposent en appel aucun élément ou argument nouveau de nature à permettre à la Cour de remettre en cause l'appréciation portée sur ce point par les premiers juges, le classement desdites parcelles en zone agricole n'est entaché d'aucune erreur manifeste d'appréciation. Le moyen doit donc être écarté.
En ce qui concerne le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dans la mise en place des orientations d'aménagement et de programmation " Murs à pêches " et " Parc des hauteurs " sur les mêmes parcelles :
13. Aux termes de l'article L. 151-2 du code de l'urbanisme : " Le plan local d'urbanisme comprend : / (...) 3° Des orientations d'aménagement et de programmation ; / (...) ". Selon l'article L. 151-6 : " Les orientations d'aménagement et de programmation comprennent, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, des dispositions portant sur l'aménagement, l'habitat, les transports, les déplacements (...) ". L'article L. 151-7 dispose que : " I. - Les orientations d'aménagement et de programmation peuvent notamment : (...) 4° Porter sur des quartiers ou des secteurs à mettre en valeur, réhabiliter, " renaturer ", restructurer ou aménager ; / (...) ". Aux termes de l'article R. 151-6 de ce code : " Les orientations d'aménagement et de programmation par quartier ou secteur définissent les conditions d'aménagement garantissant la prise en compte des qualités architecturales, urbaines et paysagères des espaces dans la continuité desquels s'inscrit la zone, notamment en entrée de ville. / Le périmètre des quartiers ou secteurs auxquels ces orientations sont applicables est délimité dans le ou les documents graphiques prévus à l'article R. 151-10 ". L'article R. 151-7 du même code dispose que : " Les orientations d'aménagement et de programmation peuvent comprendre des dispositions portant sur la conservation, la mise en valeur ou la requalification des éléments de paysage, quartiers, îlots, immeubles, espaces publics, monuments, sites et secteurs qu'elles ont identifiés et localisés pour des motifs d'ordre culturel, historique, architectural ou écologique, notamment dans les zones urbaines réglementées en application de l'article R. 151-19 ".
14. D'une part, il ressort des termes de l'orientation d'aménagement et de programmation sectorielle " Murs à Pêches " du plan local d'urbanisme intercommunal d'Est Ensemble qu'elle prévoit, dans le périmètre qu'elle détermine, et qui inclut les parcelles cadastrées CJ 53, CJ 142, CJ 181, CJ 269 et CJ 331, la réalisation d'équipements et d'aménagements futurs autour de six grands axes d'aménagement, l'agriculture, la culture, la biodiversité, les gens du voyage, le patrimoine, et les sports et loisirs, au sein de trois trames verte, bleue et jaune, et, notamment, la création d'un sentier de la biodiversité, de passages vers les murs à pêches, de places publiques permettant de renforcer la qualité paysagère et écologique du site et de favoriser la désimperméabilisation des sols, le développement d'un réseau de micro-fermes urbaines, la mise en valeur et la préservation des réservoirs de biodiversité autour des murs à pêches à préserver et à restaurer, la protection et la restauration des abords du ru Gobétue, et la création de secteurs d'habitat spécifiques pour les gens du voyage.
15. D'autre part, il ressort des termes de l'orientation d'aménagement et de programmation territoriale " Parc des Hauteurs ", à laquelle sont intégrées les parcelles, qu'elle tend à inverser la tendance historique au grignotage des espaces verts dans l'est parisien et à agir pour développer des îlots de fraîcheur, en préservant et en développant les espaces verts et les noyaux primaires et secondaires de biodiversité sur les différents sites du Parc des Hauteurs, dont font partie les murs à pêches.
16. Tout d'abord, et ainsi que l'ont relevé les premiers juges, l'orientation d'aménagement et de programmation sectorielle " Murs à Pêches " se borne, contrairement à ce que soutiennent les requérants, à définir les intentions et les orientations d'aménagement de l'établissement public territorial Est Ensemble dans le périmètre qu'elle institue, et non à fixer les caractéristiques précises de futurs aménagements et équipements. Elle répond ainsi aux objectifs qui lui sont assignés par les dispositions précitées des articles L. 151-7 et R. 151-6 et -7 du code de l'urbanisme, et n'est en tout état de cause pas entachée d'illégalité du seul fait de sa précision. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.
17. Ensuite, ainsi qu'il a été dit au point 11 et l'ont également relevé les premiers juges, la circonstance que les parcelles, qui comportent toutes des murs à pêches à restaurer et à préserver, sont actuellement artificialisées en quasi-totalité et qu'elles accueillent des activités industrielles et commerciales ne leur ôte pas, eu égard à la vocation agricole du secteur densément végétalisé dans lequel elles s'inscrivent, leur potentiel agricole, alors qu'y sont prévus, notamment, la création de micro-fermes urbaines, la réhabilitation et le développement de l'activité historique horticole autour des murs à pêches, et la création d'espaces et d'équipements destinés à la préservation et au développement des espaces verts et de la biodiversité, conformément aux deux orientations d'aménagement et de programmation " Murs à Pêches " et " Parc des Hauteurs ". Enfin, la circonstance que d'autres parcelles voisines pourraient accueillir des espaces destinés à l'habitat des gens du voyage demeure sans incidence sur l'intégration des parcelles dans le périmètre de l'orientation d'aménagement et de programmation " Murs à Pêches ".
18. Il résulte de ce qui précède que l'intégration des parcelles cadastrées CJ 53, CJ 142, CJ 181, CJ 269 et CJ 331 au sein des périmètres des orientations d'aménagement et de programmation " Murs à Pêches " et " Parc des Hauteurs " n'entache ces dernières d'aucune erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dans la mise en place de l'emplacement réservé ERMo24 :
19. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 151-41 du code de l'urbanisme : " Le règlement peut délimiter des terrains sur lesquels sont institués : / 1° Des emplacements réservés aux voies et ouvrages publics dont il précise la localisation et les caractéristiques ; / 2° Des emplacements réservés aux installations d'intérêt général à créer ou à modifier ; / 3° Des emplacements réservés aux espaces verts à créer ou à modifier ou aux espaces nécessaires aux continuités écologiques ; (...) ". Aux termes de l'article L. 152-2 du même code : " Le propriétaire d'un terrain bâti ou non bâti réservé par un plan local d'urbanisme en application de l'article L. 151-41 peut, dès que ce plan est opposable aux tiers, et même si une décision de sursis à statuer qui lui a été opposée est en cours de validité, exiger de la collectivité ou du service public au bénéfice duquel le terrain a été réservé qu'il soit procédé à son acquisition dans les conditions et délais mentionnés aux articles L. 230-1 et suivants. / Lorsqu'une servitude mentionnée à l'article L. 151-41 est instituée, les propriétaires des terrains concernés peuvent mettre en demeure la commune de procéder à l'acquisition de leur terrain, dans les conditions et délais prévus aux articles L. 230-1 et suivants ".
20. Ces dispositions ont pour objet de permettre aux auteurs d'un document d'urbanisme de réserver certains emplacements à des voies et ouvrages publics, à des installations d'intérêt général ou à des espaces verts, le propriétaire concerné bénéficiant en contrepartie de cette servitude d'un droit de délaissement lui permettant d'exiger de la collectivité publique au bénéfice de laquelle le terrain a été réservé qu'elle procède à son acquisition, faute de quoi les limitations au droit à construire et la réserve ne sont plus opposables.
21. Il ressort des pièces du dossier que le règlement du plan local d'urbanisme intercommunal d'Est Ensemble a délimité deux emplacements réservés sur les parcelles CJ 53 et CJ 181 afin de créer un sentier de la biodiversité dont le tracé, contrairement à ce qui est soutenu, traversera, ainsi que le matérialisent les documents cartographiques de l'orientation d'aménagement et de programmation " Murs à Pêches " et le plan de zonage du plan local d'urbanisme intercommunal d'Est Ensemble, la parcelle CJ 181 au nord, et la parcelle CJ 53 au sud, afin de préserver, de développer et de mettre en valeur auprès de la population le réservoir de biodiversité que constitue le secteur au sein duquel sont classées les parcelles, de restaurer les abords du ru Gobétue, qui longe le fond de la parcelle CJ 53, et d'y favoriser les continuités écologiques et le développement des mobilités douces.
22. D'une part, la circonstance que le sol de l'une des parcelles concernées soit actuellement artificialisé est par elle-même sans incidence sur la possibilité de création ultérieure du sentier contesté. D'autre part, l'existence d'une piste cyclable ne fait pas obstacle à la création d'un tel sentier. Par ailleurs, et comme il a déjà été dit, dès lors que l'établissement public territorial s'est donné pour objectif la protection, le développement et la valorisation des potentialités de la zone intéressée en termes d'activités agricoles et de biodiversité, la création de ce sentier n'apparaît pas dénuée d'intérêt. En outre, il n'appartient pas au juge administratif d'apprécier l'opportunité du tracé choisi. Enfin, la circonstance que la création d'un emplacement réservé porte atteinte à la propriété privée demeure sans incidence sur la légalité d'une telle création, alors que la procédure de délaissement instituée par les dispositions précitées de l'article L. 152-2 du code de l'urbanisme permet au propriétaire concerné de bénéficier, en contrepartie de cette servitude, d'un droit de délaissement lui permettant d'exiger de la collectivité publique au bénéfice de laquelle le terrain a été réservé qu'elle procède à son acquisition, faute de quoi les limitations au droit à construire et la réserve ne sont plus opposables. Dès lors, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la création des emplacements réservés ERMo24 est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dans la protection des murs à pêches au titre de l'article L. 151-19 du code de l'urbanisme :
23. Aux termes de l'article L. 151-19 du code de l'urbanisme : " Le règlement peut identifier et localiser les éléments de paysage et identifier, localiser et délimiter les quartiers, îlots, immeubles bâtis ou non bâtis, espaces publics, monuments, sites et secteurs à protéger, à conserver, à mettre en valeur ou à requalifier pour des motifs d'ordre culturel, historique ou architectural et définir, le cas échéant, les prescriptions de nature à assurer leur préservation leur conservation ou leur restauration (...) ".
24. Ainsi que l'ont relevé à juste titre les premiers juges, et alors que les requérantes n'apportent en appel aucun élément de nature à permettre à la Cour de remettre en cause ces constatations, il ressort des pièces du dossier que les parcelles appartenant aux requérants comportent des murs à pêches, vestiges historiques de l'ancienne activité horticole exploitée sur ce secteur de la commune de Montreuil, que le site, inscrit pour sa qualité paysagère pittoresque et historique, s'est dégradé au fil du temps, et que des actions de restauration et de mise en valeur y sont menées depuis 2011. La circonstance que certains pans de murs situés sur leurs parcelles ont disparu ou sont en très mauvais état ne fait pas obstacle à la possibilité, prévue par les dispositions précitées de l'article L. 151-19 du code de l'urbanisme, d'identifier et de localiser des sites à protéger, conserver, mettre en valeur ou requalifier pour des motifs d'ordre culturel, historique et écologique, comme tel est le cas s'agissant des murs à pêches, et de définir les prescriptions de nature à assurer leur préservation leur conservation ou même leur restauration, dès lors que cette dernière est expressément prévue, contrairement à ce que soutiennent les requérants, par les dispositions de cet article. Le moyen doit donc être écarté.
En ce qui concerne le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dans la mise en place d'espaces paysagers protégés sur la parcelle cadastrée CJ 53 au titre de l'article L. 151-23 du code de l'urbanisme :
25. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 151-23 du code de l'urbanisme : " Le règlement peut identifier et localiser les éléments de paysage et délimiter les sites et secteurs à protéger pour des motifs d'ordre écologique, notamment pour la préservation, le maintien ou la remise en état des continuités écologiques et définir, le cas échéant, les prescriptions de nature à assurer leur préservation (...) ".
26. Il ressort des pièces du dossier que le fond de la parcelle cadastrée CJ 53 a été classé par le règlement du plan local d'urbanisme intercommunal en espace paysager protégé en application des dispositions précitées de l'article L. 151-23 du code de l'urbanisme. Il est constant qu'un garage automobile y est actuellement exploité et que la parcelle est majoritairement artificialisée. Toutefois, ce classement est cohérent avec les orientations de l'orientation d'aménagement et de programmation " Murs à Pêches " déjà citées, et répond, par suite, à la nécessité de protéger et de mettre en valeur le site pour des motifs d'ordre écologique, notamment pour la préservation, le maintien ou la remise en état des continuités écologiques, sans qu'y fasse légalement obstacle l'artificialisation actuelle de son sol. Le moyen doit donc être écarté.
En ce qui concerne le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dans la mise en place d'un linéaire actif à créer au titre de l'article L. 151-16 du code de l'urbanisme :
27. Aux termes de l'article L. 151-16 du code de l'urbanisme : " Le règlement peut identifier et délimiter les quartiers, îlots et voies dans lesquels est préservée ou développée la diversité commerciale, notamment à travers les commerces de détail et de proximité, et définir, le cas échéant, les prescriptions de nature à assurer cet objectif. / Il peut également délimiter, dans les zones urbaines ou à urbaniser, des secteurs dans lesquels la préservation ou le développement d'infrastructures et d'équipements logistiques est nécessaire et définir, le cas échéant, la nature de ces équipements ainsi que les prescriptions permettant d'assurer cet objectif ".
28. En l'espèce, le règlement du PLUi d'Est Ensemble prévoit la création d'un linéaire actif en zone UH, le long de la rue de Saint-Antoine, auquel est intégrée une partie de la parcelle cadastrée CJ 181.
29. Les requérants ne présentent en appel aucun argument ou élément nouveau qui permettrait à la Cour de remettre en cause l'appréciation portée sur ce moyen par le tribunal administratif. Il y a donc lieu de l'écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
30. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision implicite du 29 mai 2022 par laquelle l'établissement public territorial Est Ensemble a rejeté leur demande tendant à l'abrogation partielle du plan local d'urbanisme intercommunal d'Est Ensemble approuvé par une délibération du conseil de territoire du 4 février 2020, et modifié par une délibération du 29 juin 2021. Leurs conclusions dirigées contre ce jugement et cette décision doivent donc être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, celles tendant au prononcé d'une injonction.
Sur les frais de l'instance :
31. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les requérants, qui sont la partie perdante dans la présente instance, en puissent invoquer le bénéfice. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à leur charge le versement à l'établissement public territorial Est Ensemble d'une somme globale de 1 500 euros sur ce même fondement.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... C... et de M. E... D... est rejetée.
Article 2 : Mme B... C... et M. E... D... verseront à l'établissement public territorial Est Ensemble une somme globale de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C..., à M. E... D... et à l'établissement public territorial Est Ensemble.
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 3 avril 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Ivan Luben, président de chambre,
- M. Stéphane Diémert, président-assesseur,
- Mme Irène Jasmin-Sverdlin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 mai 2025.
Le rapporteur,
S. A...Le président,
I. LUBEN
La greffière,
Y. HERBER
La République mande et ordonne au préfet de la Seine-Saint-Denis en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24PA01329