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15/05/2025 | FRANCE | N°24PA02228

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 1ère chambre, 15 mai 2025, 24PA02228


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 24 avril 2023 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.



Par un jugement n° 2306237 du 25 avril 2024, le

tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :

...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 24 avril 2023 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2306237 du 25 avril 2024, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

I - Par une requête ainsi que des pièces et un mémoire complémentaire, enregistrés les 17 mai et 8 novembre 2024 et le 31 janvier 2025, sous le numéro 24PA02228, M. B... A..., représenté par Me Victor, demande à la Cour :

1°) d'infirmer le jugement n° 2306237 du 25 avril 2024 du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 24 avril 2023 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision de refus de séjour est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation ;

- cette décision a été prise en méconnaissance des articles L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision d'obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour qui la fonde ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale en raison de l'illégalité de la décision d'obligation de quitter le territoire français qui la fonde ;

- la décision d'interdiction de retour sur le territoire français est insuffisamment motivée et méconnait l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire enregistré le 29 janvier 2025, le préfet de la Seine-Saint-Denis conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 2 septembre 2024, M. A... a été admis à l'aide juridictionnelle totale.

II - Par une requête n° 24PA04555 enregistrée le 8 novembre 2024, M. A..., représenté par Me Victor, demande à la Cour :

1°) d'ordonner le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Montreuil n ° 2306237 du 25 avril 2024 ainsi que de l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 24 avril 2023 ;

2°) d'enjoindre au préfet territorialement compétent de réexaminer sa situation et de lui délivrer, dans l'attente de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que les moyens développés dans sa requête au fond sont sérieux et que l'exécution de l'arrêté litigieux risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 2 septembre 2024, M. A... a été admis à l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Irène Jasmin-Sverdlin,

- et les observations de Me Béchiau substituant Me Victor pour M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant ivoirien né le 2 octobre 2002, est entré en France en novembre 2018 à l'âge de 16 ans selon ses déclarations. Par un arrêté du 24 avril 2023, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de titre de séjour présentée sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. M. A... relève appel du jugement n° 2306237 du 25 avril 2024 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la jonction :

2. L'appel et la demande de sursis à exécution présentés par M. A... étant formés contre un même jugement, présentant à juger des mêmes questions et ayant fait l'objet d'une instruction commune, il y a lieu de les joindre pour qu'ils fassent l'objet d'un même arrêt.

Sur la requête n° 24PA02228 à fin d'annulation du jugement :

3. En premier lieu, M. A... reprend en appel, avec la même argumentation qu'en première instance, les moyens tirés de l'absence de motivation de la décision de refus de titre de séjour et du défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 4 du jugement contesté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " À titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance (...) entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié" ou "travailleur temporaire", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. ".

5. Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans, qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation ainsi portée.

6. M. A... soutient qu'il a été pris en charge par les services de l'Aide sociale à l'enfance depuis le 7 décembre 2018, qu'il a bénéficié de contrats " jeune majeur " jusqu'en mars 2023, qu'il a obtenu son certificat d'aptitude professionnelle en tant qu'agent de propreté et d'hygiène le 14 octobre 2022, qu'il travaille, qu'il souffre d'une schizophrénie pour laquelle il est suivi et qu'il ne constitue pas une menace pour l'ordre public, sa consommation de cannabis étant individuelle et à visée thérapeutique. Il ressort toutefois des pièces du dossier que M. A... a été condamné le 26 novembre 2020 par le tribunal judicaire de Paris à trois mois d'emprisonnement avec sursis pour usage, cession ou offre de stupéfiants à une personne en vue de sa consommation personnelle et usage illicite de stupéfiants et a fait l'objet, à six reprises entre le 15 mars 2019 et le 25 avril 2022, de mentions au fichier du traitement des antécédents judiciaires, pour détention non autorisée de stupéfiants, offre ou cession non autorisée de stupéfiants, acquisition non autorisée et usage illicite de stupéfiants, usage illicite de stupéfiants et rébellion. Par suite, et alors qu'au demeurant, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que la consommation de cannabis de M. A... serait liée à sa pathologie, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Seine-Saint-Denis a inexactement appliqué l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ou commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation au regard de ces dispositions.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

8. En l'espèce, M. A... se prévaut de sa prise en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance en décembre 2018, de son diplôme de CAP obtenu en octobre 2022 et de sa bonne insertion professionnelle et sociale et fait valoir qu'il est suivi pour une schizophrénie paranoïde. Il ressort toutefois des pièces du dossier que le requérant est entré en France en novembre 2018, qu'il est célibataire et sans charge de famille et qu'il ne justifie pas d'une insertion particulière sur le territoire national. Dans ces conditions, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision de refus de titre de séjour a été prise, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, ce préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision refusant à M. A... la délivrance d'un titre de séjour sur la situation personnelle de ce dernier. En conséquence, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation seront écartés.

9. En quatrième lieu, pour les motifs exposés précédemment, M . A... n'est pas fondé à soutenir que la décision l'obligeant à quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et que la décision fixant le pays de destination est illégale en raison de l'illégalité de la décision d'obligation de quitter le territoire français.

10. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. " Aux termes de l'article L. 612-10 de ce code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-1. ".

11. D'une part, la décision d'interdiction de retour sur le territoire français attaquée mentionne les articles L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et indique, notamment, des éléments relatifs à la vie privée et familiale du requérant et que son comportement est constitutif d'un trouble à l'ordre public. Elle comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.

12. D'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier, eu égard notamment aux éléments exposés aux points 7 et 9 du présent arrêt, que le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait commis une erreur d'appréciation en décidant de prononcer à l'encontre de M. A... une interdiction de retour d'une durée de deux ans.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'annulation, d'injonction et celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

Sur la requête n° 24PA04555 tendant au sursis à exécution :

14. Le présent arrêt statuant sur la demande d'annulation du jugement n° 2306237 du tribunal administratif de Montreuil, les conclusions de la requête n° 24PA04555 tendant au sursis à exécution de ce jugement sont devenues sans objet, et il n'y a pas lieu d'y statuer.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 24PA04555 présentée par M. A....

Article 2 : La requête n° 24PA02228 présentée par M. A... est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 3 avril 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- M. Stéphane Diémert, président-assesseur,

- Mme Irène Jasmin-Sverdlin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 mai 2025.

La rapporteure,

I. JASMIN-SVERDLINLe président,

I. LUBEN

La greffière,

C. POVSELa République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision

2

Nos 24PA02228, 24PA04555


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24PA02228
Date de la décision : 15/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Irène JASMIN-SVERDLIN
Rapporteur public ?: M. GOBEILL
Avocat(s) : VICTOR

Origine de la décision
Date de l'import : 18/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-15;24pa02228 ?
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