Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 15 mai 2024 par lequel le préfet de police a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de cinq ans.
Par un jugement n° 2413946 du 3 octobre 2024, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté litigieux en tant qu'il fait obligation à M. A... B... de quitter le territoire français sans délai et qu'il lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de cinq ans, a enjoint au préfet de police de faire procéder à l'effacement de son signalement dans le système d'information Schengen et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 4 novembre 2024, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler les articles 1er et 2 du jugement n° 2413946du 3 octobre 2024 du tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A... B... devant ce tribunal.
Il soutient que :
- les décisions d'obligation de quitter le territoire français et d'interdiction de retour sur le territoire français ne sont pas entachées de méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- aucun des autres moyens soulevés en première instance n'est fondé.
Par un mémoire en défense et en appel incident enregistré le 4 décembre 2024, M. A... B..., représenté par Me Simon conclut :
1°) à son admission à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;
2°) à la confirmation du jugement du 3 octobre 2024 en ce qu'il annule les décisions d'obligation de quitter le territoire français sans délai et d'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de cinq ans et, par la voie de l'appel incident, à l'infirmation de ce jugement en ce qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de refus de renouvellement de son titre de séjour ;
3°) à ce qu'il soit enjoint au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour pluriannuelle, dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le même délai ;
4°) à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 800 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision de refus de titre de séjour est entachée d'un vice de procédure, en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour, conformément aux articles L. 432-13 et L. 412-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cette décision est entachée d'erreur d'appréciation de la menace qu'il représenterait pour l'ordre public ;
- elle a été prise en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision d'obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- cette décision est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle ainsi que d'une erreur de fait ;
- elle a été prise en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
M. A... B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 3 janvier 2025.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Irène Jasmin-Sverdlin,
- et les observations de Me Bidine substituant Me Simon pour M. A... B....
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 15 mai 2024, le préfet de police a refusé de renouveler le titre de séjour de M. A... B..., ressortissant équatorien né le 3 mai 1999, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de cinq ans. M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler cet arrêté. Par un jugement du 3 octobre 2024, le tribunal administratif de Paris a annulé les décisions d'obligation de quitter le territoire français sans délai et d'interdiction de retour sur le territoire français, a enjoint au préfet de police de faire procéder à l'effacement de son signalement dans le système d'information Schengen et a rejeté le surplus des conclusions de la requête. Le préfet de police relève appel du jugement attaqué en ce qu'il a annulé les décisions d'obligation de quitter le territoire français sans délai et d'interdiction de retour sur le territoire français et lui a enjoint de faire procéder à l'effacement de son signalement dans le système d'information Schengen. M. A... B... demande, par la voie de l'appel incident, l'infirmation de ce jugement en ce qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de refus de renouvellement de son titre de séjour.
Sur l'appel du préfet de police :
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif de Paris :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
3. Pour annuler la décision contestée, le tribunal administratif de Paris a estimé qu'elle méconnaissait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en relevant que M. A... B... était présent en France depuis l'âge de trois ans, qu'il y avait suivi sa scolarité et des études supérieures en obtenant, le 7 juillet 2021, un brevet de technicien supérieur, que sa famille réside en France, son frère et sa sœur étant de nationalité française et sa mère étant titulaire d'une carte de résident et que l'intéressé est engagé dans des activités associatives.
4. Le préfet de police soutient que, bien que M. A... B... justifie de l'ancienneté de sa résidence en France et de l'intensité de ses liens familiaux sur le territoire national, l'intéressé représente une menace pour l'ordre public telle que la décision d'obligation de quitter le territoire français sans délai ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vues desquels elle a été prise. Il ressort toutefois des pièces du dossier que, comme l'ont relevé à bon droit les premiers juges au point 9 du jugement attaqué, M. A... B... réside habituellement en France depuis l'âge de trois ans, qu'il y a suivi sa scolarité et ses études supérieures, qu'il a obtenu des titres de séjour portant la mention " vie privée et familiale " depuis sa majorité et que sa mère, son frère et sa sœur y résident de manière régulière. Par suite, en dépit de la menace pour l'ordre public que représenterait M. A... B..., le préfet de police a entaché la décision contestée d'obligation de quitter le territoire français d'une méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
5. Il résulte de ce qui précède que le préfet de police n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a annulé pour le motif rappelé au point 3, la décision l'obligation de quitter le territoire français ainsi que, par voie de conséquence, les décisions refusant d'accorder à M. A... B... un délai de départ volontaire, fixant le pays de destination et lui interdisant le retour sur le territoire français pour une durée de cinq ans.
Sur les conclusions d'appel incident de M. A... B... :
En ce qui concerne les conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire :
6. Par une décision du 3 janvier 2025, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a admis M. A... B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, il n'y a pas lieu de prononcer l'admission provisoire de l'intéressé au bénéfice de l'aide juridictionnelle
En ce qui concerne les conclusions tendant à la décision de refus de titre de séjour :
7. Aux termes de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : (...) 5° Lorsqu'elle envisage de refuser le renouvellement ou de retirer une carte de séjour pluriannuelle ou une carte de résident dans le cas prévu à l'article L. 412-10. ".Aux termes de l'article L. 412-10 de ce code : " Lorsque la décision de refus de renouvellement ou de retrait concerne une carte de séjour pluriannuelle ou une carte de résident, l'autorité administrative prend en compte la gravité ou la réitération des manquements au contrat d'engagement au respect des principes de la République ainsi que la durée du séjour effectuée sous le couvert d'un document de séjour en France. Cette décision ne peut être prise si l'étranger bénéficie des articles L. 424-1, L. 424-9, L. 424-13 ou L. 611-3. / La décision de refus de renouvellement ou de retrait d'une carte de séjour pluriannuelle ou d'une carte de résident est prise après avis de la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. ". Si le préfet n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour que du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues par ces textes auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui s'en prévalent, la circonstance que la présence de l'étranger constituerait une menace à l'ordre public ne le dispense pas de son obligation de saisine de la commission.
8. Il résulte des dispositions citées au point précédent que le préfet est tenu de saisir pour avis la commission du titre de séjour préalablement à l'édiction d'une décision de refus de renouvellement d'une carte de séjour pluriannuelle, nonobstant la circonstance que sa présence constituerait une menace pour l'ordre public. Par suite, en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour, M. A... B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour contenue dans l'arrêté préfectoral litigieux.
En ce qui concerne les conclusions à fin d'injonction :
9. Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. / La juridiction peut également prescrire d'office l'intervention de cette nouvelle décision ".
10. Eu égard au motif d'annulation de l'arrêté contesté ci-dessus retenu, le présent arrêt implique seulement que le préfet de police réexamine la demande de M. A... B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, après avoir saisi la commission du titre de séjour, et lui délivre une autorisation provisoire de séjour.
Sur les frais liés à l'instance :
11. M. A... B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Son avocat peut donc se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à l'avocat de M. A... B..., Me Simon, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
D É C I D E :
Article 1er : La requête du préfet de police est rejetée.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions présentées par M. A... B... tendant à son admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Article 3 : La décision rejetant la demande de titre de séjour de M. A... B..., contenue dans l'arrêté du préfet de police du 15 mai 2024, est annulée.
Article 4 : Le jugement n° 2413946 du 3 octobre 2024 du tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 3 du présent arrêt.
Article 5 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer la demande de renouvellement de titre de séjour présentée par M. A... B... dans le délai de deux mois à compter de la notification qui lui sera faite du présent arrêt, et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente de la décision à intervenir.
Article 6 : L'Etat versera au conseil de M. A... B..., Me Simon, une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... B..., au préfet de police et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 3 avril 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Ivan Luben, président de chambre,
- M. Stéphane Diémert, président-assesseur,
- Mme Irène Jasmin-Sverdlin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 mai 2025.
La rapporteure,
I. JASMIN-SVERDLINLe président,
I. LUBEN
La greffière,
C. POVSE
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24PA04493