Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 7 juillet 2023 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2309950 du 14 octobre 2024, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 15 novembre 2024 et 19 mars 2025, ce dernier non communiqué, M. A..., représenté par Me Lemichel, demande à la Cour :
1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'annuler le jugement n° 2309950 du 14 octobre 2024 du tribunal administratif de Montreuil ;
3°) d'annuler l'arrêté du 7 juillet 2023 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
4°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trente jours à compter de la notification de la décision à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans un délai de quinze jours à compter de cette notification et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, sous la même astreinte ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé et entaché d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle ;
- il méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
Le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a communiqué des pièces et un mémoire, enregistrés les 16 janvier et 5 février 2025.
Par un mémoire en défense enregistré le 10 février 2025, le préfet de la Seine-Saint-Denis conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 11 février 2025, la clôture de l'instruction a été fixée au 19 mars 2025.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 12 mars 2025.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Brémeau-Manesme, rapporteure, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant malien né le 2 janvier 1976, est entré en France en décembre 2006 selon ses déclarations. Le 26 mars 2015, il a sollicité le renouvellement de son titre de séjour en qualité d'étranger malade. Par un arrêté du 7 juillet 2023, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... fait appel du jugement du 14 octobre 2024 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :
2. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris du 12 mars 2025. Ainsi, ses conclusions tendant à ce qu'il soit admis à l'aide juridictionnelle provisoire sont devenues sans objet.
Sur la légalité de l'arrêté contesté :
3. En premier lieu, la décision contestée vise l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle indique notamment que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que l'état de santé de M. A... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'il pouvait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine vers lequel il peut voyager sans risque. Cette motivation révèle en outre que le préfet, qui n'était pas tenu de faire état de tous les éléments relatifs à la situation personnelle du requérant, a procédé à un examen particulier de la situation personnelle du requérant. Par suite, les moyens tirés du défaut de motivation et d'examen doivent être écartés.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié se voit délivrer un carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".
5. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dont il peut effectivement bénéficier dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
6. Pour refuser de renouveler le titre de séjour de M. A... en qualité d'étranger malade, le préfet de la Seine-Saint-Denis s'est notamment fondé sur l'avis émis le 22 février 2023 par le collège de médecins de l'OFII qui a estimé que si l'état de santé de l'intéressé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il pouvait bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine vers lequel il peut voyager sans risque. Il ressort des pièces du dossier que M. A... souffre d'une hépatite B avec fibrose du foie et bénéficie d'un suivi en biologie et en imagerie au service d'hépato-gastroentérologie de l'hôpital Saint-Louis, avec un traitement par Viread. Pour contredire l'avis du collège de médecins, le requérant se prévaut de certificats médicaux mentionnant des difficultés d'accès à son traitement dans son pays d'origine, de courriers électroniques du laboratoire pharmaceutique Gilead faisant état de l'indisponibilité du Viread au Mali et d'un rapport des Nations-Unies sur la dégradation du système de santé de ce pays depuis la pandémie de Covid-19. De son côté, l'OFII produit des extraits de fiche MEDCOI (Medical Country of Origin Information) du 15 janvier 2024 indiquant que le Tenofir disoproxil, principe actif du Viread, est disponible dans une pharmacie à Bamako, ville dans laquelle le suivi par un hépatologue, le fibrotest biologique et la ponction biopsie du foie sont également disponibles à la polyclinique Pasteur. Si M. A... fait valoir que la superficie du Mali s'étend à 1,24 million de km² ce qui entraîne une difficulté d'accès aux soins pour les patients provenant d'autres localités comme lui qui est originaire de la région de Kayes, il n'établit pas, en tout état de cause, qu'il ne pourrait pas s'installer dans la région de Bamako en cas de retour dans son pays d'origine ni qu'il ne pourrait pas, le cas échéant, se faire livrer depuis Bamako le Tenofir disoproxil dans son lieu de résidence au Mali. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'en refusant de renouveler son titre de séjour en raison de son état de santé, le préfet de la Seine-Saint-Denis a fait une inexacte application des dispositions précitées.
7. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. M. A... se prévaut de l'ancienneté de sa présence en France, de son insertion sociale et professionnelle et de la présence de ses frères en situation régulière. Il ressort toutefois des pièces du dossier que l'intéressé n'est pas dépourvu d'attaches au Mali où résident son épouse, son fils et sa mère. Par ailleurs, l'expérience professionnelle de M. A... se limite à des emplois de manœuvre manutentionnaire dans le cadre de missions d'intérim effectuées depuis 2015. Ainsi, la décision litigieuse n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressé. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles relatives aux frais du litige doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis et à l'office français de l'immigration et de l'intégration.
Délibéré après l'audience du 3 avril 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Ivan Luben, président de chambre,
- M. Stéphane Diémert, président assesseur,
- Mme Hélène Brémeau-Manesme, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 mai 2025.
La rapporteure,
H. BREMEAU-MANESME
Le président,
I. LUBEN
La greffière,
C. POVSE
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 24PA04648 2