Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a saisi le tribunal administratif de Melun d'une demande tendant à titre principal à l'annulation de la délibération du 19 mai 2021 par laquelle le jury du master " Génie industriel " - parcours " Ingénierie de la production et conception de produits " de l'université Gustave Eiffel l'a ajourné.
Par un jugement n° 2106104 du 14 avril 2023, le tribunal administratif de Melun a annulé la délibération du 19 mai 2021 de l'université Gustave Eiffel, a enjoint à l'université de déclarer M. A... admis au master " Génie industriel " - parcours " Ingénierie de la production et conception de produits " et de lui délivrer le diplôme correspondant dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, a mis à la charge de l'université Gustave Eiffel la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté les conclusions présentées par l'université Gustave Eiffel au titre des mêmes dispositions.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 16 juin, 11 juillet et 6 novembre 2023, l'université Gustave Eiffel, représentée par Me Claisse, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 14 avril 2023 du tribunal administratif de Melun ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Melun ;
3°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier, d'une part, car sa minute n'est pas signée, d'autre part, car il n'a pas visé l'ensemble de ses mémoires en défense ;
- c'est à tort que les premiers juges ont annulé la délibération litigieuse pour défaut de base légale ;
- même en cas d'annulation, c'est à tort que les premiers juges lui ont enjoint de délivrer le diplôme litigieux à M. A..., eu égard au principe de la souveraineté du jury dont l'appréciation des mérites des candidats n'est pas contrôlée par le juge administratif.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 14 août et 21 novembre 2023, M. A..., représenté par Me Roze, conclut au rejet de la requête et demande, en outre, qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'université Gustave Eiffel au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par l'université Gustave Eiffel ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'éducation ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- l'arrêté du 22 janvier 2014 fixant le cadre national des formations conduisant à la délivrance des diplômes nationaux de licence, de licence professionnelle et de master ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pagès,
- les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique,
- et les observations de Me Safatian pour l'université Gustave Eiffel.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... était inscrit au titre de l'année universitaire 2018-2019 en deuxième année du master " Génie industriel ", parcours " Ingénierie de la production et conception de produit ", de l'Institut francilien des sciences appliquées (IFSA), créé au sein de l'Université Paris-Est Marne-la-Vallée devenue l'université Gustave Eiffel. Au terme de cette année, le jury, par une délibération du 27 septembre 2019, a prononcé son ajournement et a proposé de ne pas l'autoriser à redoubler. Par un jugement n° 1910503 du 5 février 2021, le tribunal administratif de Melun a annulé cette délibération du 27 septembre 2019, ainsi que la décision de l'université de lui refuser le redoublement aux motifs que la délibération était dépourvue de base légale et que la décision de refus de redoublement était entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et il a enjoint à l'université de procéder à un réexamen de la situation du requérant. L'université a interjeté appel de ce jugement et sa requête a été rejetée par la cour administrative d'appel de Paris par un arrêt n° 21PA01722 du 25 mars 2022. Par une délibération du 19 mai 2021, le jury du master " Génie industriel " - parcours " Ingénierie de la production et conception de produits " de l'université Gustave Eiffel a ajourné une nouvelle fois M. A.... Ce dernier a de nouveau saisi le tribunal administratif de Melun d'une demande tendant à titre principal à l'annulation de cette délibération. Par un jugement du 14 avril 2023, le tribunal administratif de Melun a annulé la délibération du 19 mai 2021 de l'université Gustave Eiffel, a enjoint à l'université de déclarer M. A... admis au master " Génie industriel " - parcours " Ingénierie de la production et conception de produits " et de lui délivrer le diplôme correspondant dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement. L'université Gustave Eiffel relève appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". Il ressort des pièces du dossier de première instance que la minute du jugement attaqué, transmise à la Cour en application de l'article R. 741-10 du code de justice administrative, comporte la signature de la présidente de la formation de jugement, de la rapporteure et de la greffière. Ainsi, le moyen tiré de l'absence des signatures requises manque en fait.
3. En second lieu, le jugement attaqué a bien visé l'ensemble des mémoires en défense présentés par l'université Gustave Eiffel, enregistrés les 13 juillet 2021, 18 novembre 2021, 11 février 2022, 7 avril 2022, 27 avril 2022 et 9 novembre 2022.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce concerne les conclusions à fin d'annulation :
4. D'une part, aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'éducation : " (...) / Les aptitudes et l'acquisition des connaissances sont appréciées, soit par un contrôle continu et régulier, soit par un examen terminal, soit par ces deux modes de contrôle combinés. Les modalités de ce contrôle (...) doivent être arrêtées dans chaque établissement au plus tard à la fin du premier mois de l'année d'enseignement et elles ne peuvent être modifiées en cours d'année. (...) ". Aux termes de l'article L. 712-6-1 du même code : " I. - La commission de la formation et de la vie universitaire du conseil académique est consultée sur les programmes de formation des composantes. / Elle adopte : / (...) / 2° Les règles relatives aux examens ; / (...) ". Aux termes de l'article L. 719-7 du même code : " Les décisions des présidents des universités et des présidents ou directeurs des autres établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel ainsi que les délibérations des conseils entrent en vigueur sans approbation préalable (...) / Toutefois, les décisions et délibérations qui présentent un caractère réglementaire n'entrent en vigueur qu'après leur transmission au recteur de région académique, chancelier des universités ".
5. D'autre part, aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 22 janvier 2014 fixant le cadre national des formations conduisant à la délivrance des diplômes nationaux de licence, de licence professionnelle et de master : " Dans le cadre de la stratégie générale et de la politique des moyens de l'établissement arrêtées par le conseil d'administration, l'offre de formation ainsi que ses caractéristiques en termes de contenus, de structuration des parcours, de modalités de contrôle des connaissances et compétences et de dispositifs pédagogiques sont soumises à l'avis des conseils des composantes concernées et approuvées par l'instance de l'établissement qui a compétence en matière de formation. Ces caractéristiques sont transmises dans le cadre de la procédure nationale d'accréditation de l'établissement ". Aux termes de l'article 14 du même arrêté : " (...) les modalités de contrôle des connaissances et des compétences [...] sont arrêtées par la commission de la formation et de la vie universitaire du conseil académique ou par l'instance qui en tient lieu, après avis des conseils de composante. De la même manière, la réglementation de chaque diplôme fixe le cadre dans lequel peuvent être définies des règles de compensation des résultats et, le cas échéant, les autres modalités d'évaluation applicables. / (...) ".
6. Enfin, aux termes de l'article L. 221-2 du code des relations entre le public et l'administration : " L'entrée en vigueur d'un acte réglementaire est subordonnée à l'accomplissement de formalités adéquates de publicité, notamment par la voie, selon les cas, d'une publication ou d'un affichage, sauf dispositions législatives ou réglementaires contraires ou instituant d'autres formalités préalables. (...) ". Par ailleurs, la circulaire n° 2000-033 du 1er mars 2000 relative à l'organisation des examens dans les établissements publics de l'enseignement supérieur publié au BO n° 10 du 9 mars 2000, précise que : " Les modalités de contrôle des connaissances doivent comporter l'indication du nombre d'épreuves, de leur nature, de leur durée, de leur coefficient ainsi que la répartition éventuelle entre le contrôle continu et le contrôle terminal et la place respective des épreuves écrites et orales. L'ensemble de ce règlement doit être affiché dès son adoption, sur les lieux d'enseignement ".
7. Il est constant que la délibération attaquée prononçant l'ajournement de M. A... est fondée sur les modalités de contrôle des connaissances adoptées par une délibération du conseil académique de l'université Gustave Eiffel du 15 avril 2021. Par cette dernière délibération, le conseil académique de l'université a entendu régulariser les vices affectant les modalités de contrôle des connaissances valables pour l'année universitaire 2018/2019. Toutefois, en admettant même que les documents définissant les modalités de contrôle des connaissances adoptés par le conseil académique soient regardés comme suffisamment précis et détaillés, ces modalités ne pouvaient entrer en vigueur avant leur transmission au recteur. Or, il ressort des pièces du dossier que la transmission au recteur n'est réputée avoir été effectuée que le 11 juin 2021 par message électronique adressé aux services du recteur de l'académie de Créteil, soit postérieurement à la délibération litigieuse d'ajournement de M. A.... Dans tous les cas, l'université ne pouvait pas modifier les modalités de contrôle des connaissances postérieurement au déroulé des épreuves passées par M. A... à l'issue de l'année universitaire 2018-2019, l'intimé n'ayant au demeurant pas repassé les épreuves au printemps 2021. Aussi et alors que la situation de M. A... était entièrement régie par les textes en vigueur à la date à laquelle il a passé les épreuves, l'université ne peut utilement soutenir qu'elle était en droit de déroger au principe de non rétroactivité des actes réglementaires pour régulariser une situation ou combler un vide juridique. Dès lors, la délibération du 15 avril 2021 n'étant pas opposable à M. A..., l'université Gustave Eiffel n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont annulé la délibération du 19 mai 2021 pour défaut de base légale.
En ce concerne les conclusions à fin d'injonction :
8. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. (...) ". Aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé (...) ".
9. Il est constant que, sans la note éliminatoire à l'origine de son ajournement, M. A... aurait dû, sa moyenne de notes étant supérieure à 10, valider le master " Génie industriel " - parcours " Ingénierie de la production et conception de produits ". Or, le caractère éliminatoire de la note obtenu par l'intéressé à l'unité d'enseignement UE1S3 ne résulte que de la délibération du conseil académique de l'université Gustave Eiffel du 15 avril 2021, laquelle ne saurait être opposable à M. A... ainsi qu'il a été dit ci-dessus. Par suite, les premiers juges ont pu, sans méconnaitre le principe de la souveraineté du jury dans l'appréciation des mérites des candidats, estimer que le jugement impliquait nécessairement qu'il soit enjoint à l'université Gustave Eiffel de le déclarer admis au master " Génie industriel " - parcours " Ingénierie de la production et conception de produits " et de lui délivrer le diplôme correspondant dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.
10. Il résulte de tout ce qui précède que l'université Gustave Eiffel n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a fait droit à la demande de M. A.... Par voie de conséquence, ses conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
11. Enfin, il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'université Gustave Eiffel une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de l'université Gustave Eiffel est rejetée.
Article 2 : L'université Gustave Eiffel versera une somme de 1 500 euros à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'université Gustave Eiffel et à M. B... A....
Délibéré après l'audience du 6 mai 2025 à laquelle siégeaient :
- Mme Bonifacj, présidente de chambre,
- M. Niollet, président assesseur
- M. Pagès, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 mai 2025.
Le rapporteur,
D. PAGES La présidente,
J. BONIFACJ
La greffière,
A. LOUNIS
La République mande et ordonne à la ministre d'Etat, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°23PA02689