Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société New Auld Alliance a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre des exercice clos les 31 décembre 2014 et 2015.
Par un jugement n° 2215947 du 26 septembre 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 24 novembre 2023, la société New Auld Alliance, représentée par Me Tachnoff-Tzarowsky, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge des impositions supplémentaires contestées.
Elle soutient que :
- il n'y a pas eu de débat oral et contradictoire ;
- le rejet de sa comptabilité n'est pas fondé ;
- les impositions en litige procèdent d'une méthode de reconstitution excessivement sommaire ou radicalement viciée, en ce que l'administration, notamment, a omis des éléments comptables tels que des factures fournisseurs, commis des erreurs de calcul et n'a pas pris en compte les coefficients de pertes et offerts ni les remises accordées.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 juillet 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au non-lieu à statuer à hauteur des dégrèvements accordés en cours d'instance et au rejet du surplus des conclusions de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 4 décembre 2024, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.
Un mémoire, présenté pour la société requérante, a été enregistré le 27 janvier 2025.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lellig, rapporteure ;
- les conclusions de Mme de Phily, rapporteure publique ;
- et les observations de Me Tachnoff pour la société requérante.
Considérant ce qui suit :
1. La société New Auld Alliance a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015 à l'issue de laquelle le service vérificateur, après avoir rejeté sa comptabilité et procédé à la reconstitution de ses recettes, lui a notifié des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée. La société relève appel du jugement du 26 septembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'imposition restés à sa charge à la suite de l'admission partielle de sa réclamation préalable.
Sur l'étendue du litige :
2. Par une décision du 4 juillet 2024, postérieure à l'enregistrement de la requête, la directrice régionale des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris a prononcé un dégrèvement, en droits et pénalités, à hauteur de 51 129 euros, des impositions et pénalités mises à la charge de la société New Auld Alliance au titre des années 2014 et 2015. Les conclusions de la requête sont, dans cette mesure, devenues sans objet et il n'y a pas lieu d'y statuer.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. En premier lieu, le contribuable ne peut soutenir avoir été privé d'un débat oral et contradictoire avec le vérificateur dès lors que la vérification s'est déroulée au siège de l'entreprise et qu'il ne démontre pas que le vérificateur se serait refusé à tout échange de vues avec lui. Il résulte en l'espèce de l'instruction qu'une première intervention dans les locaux de la société requérante s'est déroulée le 1er février 2017 et qu'un entretien de synthèse a eu lieu le 20 avril suivant. Dès lors, la société New Auld Alliance n'est pas fondée à se prévaloir de l'absence de débat oral et contradictoire à l'occasion de la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet.
4. En deuxième lieu, alors même que la comptabilité est en apparence régulière, l'administration est en droit de rectifier les déclarations souscrites par le contribuable, en se fondant sur tous les éléments desquels peut être tirée une présomption suffisante de ce que le bénéfice déclaré est inférieur à celui qui a été effectivement réalisé.
5. En l'espèce, il résulte de l'instruction qu'après s'être fait communiquer la copie des journaux électroniques relatifs aux mois de janvier à octobre 2014 et de mars à décembre 2015, ainsi que les bandes de caisse journalière relatives à la période de novembre 2014 à février 2015, le service vérificateur les a rapprochés des achats effectués par la société et a reconstitué sa comptabilité matière pour les six produits (cinq bières et un cidre) les plus vendus, représentant environ 60 % de son chiffre d'affaires annuel. Cette reconstitution a révélé des écarts bruts très importants, atteignant, après l'application d'un taux de réfaction de 10 % pour les pertes et les offerts, 24,40 % pour l'année 2014 et 28,40 % pour l'année 2015, répartis de manière uniforme sur les six produits concernés. A cet égard, malgré un taux important de pertes et offerts finalement admis par l'administration en cours de procédure à hauteur de 23 %, et qui n'est pas sérieusement contredit par la société requérante, les taux de discordance s'élèvent encore à plus de 14 % en 2014 et à plus de 20 % en 2015.
6. Pour contester ces discordances significatives, la société estime que la contenance des verres de bières retenue par l'administration, à savoir 50 centilitres pour une pinte et 25 centilitres pour une demi pinte, est inférieure aux quantités effectivement servies. Toutefois, d'une part, les contenances retenues par l'administration sont conformes à celles figurant sur la carte de l'établissement. D'autre part, le constat d'huissier produit à l'appui de ses allégations, daté du 8 juin 2017, s'il constate une contenance des verres de l'ordre de 60 centilitres pour les pintes et 30 centilitres pour les demi pintes, se fonde sur des simulations de contenance réalisées non pas avec de la bière, mais avec de l'eau, dans des verres remplis complètement, dont rien n'établit au demeurant, alors que l'administration le conteste, qu'ils seraient identiques à ceux effectivement utilisés par l'établissement au cours des années en litige. Ce constat d'huissier ne permet dès lors pas d'établir que la contenance des verres utilisés serait supérieure à celle retenue par l'administration et par ailleurs conforme aux consommations effectivement facturées au client selon les informations figurant sur la carte. Ainsi, les écarts importants relevés par l'administration entre les quantités de bières revendues et déclarées sont de nature à établir le caractère insincère, nonobstant sa régularité apparente, de la comptabilité de la société New Auld Alliance en ce qui concerne les exercices en litige. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a estimé que la comptabilité de la société requérante était dépourvue de caractère probant justifiant son rejet et, par suite, la reconstitution du chiffre d'affaires concernant les six produits les plus vendus sur laquelle les rectifications litigieuses sont fondées.
7. En dernier lieu, s'agissant de la reconstitution du chiffre d'affaires à laquelle l'administration a procédé, ainsi qu'il a déjà été exposé aux points 5 et 6, le taux de réfaction de 23 % finalement accordé et la contenance des verres retenue par l'administration sont justifiés. Ainsi, contrairement à ce que soutient la société New Auld Alliance, la méthode de reconstitution utilisée par l'administration n'est ni radicalement viciée ni excessivement sommaire.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la société New Auld Alliance n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté de sa demande.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête à hauteur du dégrèvement prononcé en cours d'instance le 4 juillet 2024.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la société New Auld Alliance est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société New Auld Alliance et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris (pôle contrôle fiscal et affaires juridiques).
Délibéré après l'audience du 3 avril 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Barthez, président de chambre,
- Mme Milon, présidente assesseure,
- Mme Lellig, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 mai 2025.
La rapporteure,
W. LELLIGLe président,
A. BARTHEZ
La greffière,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23PA04835 2