Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a saisi le tribunal administratif de Montreuil d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 août 2023 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande d'admission exceptionnelle au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2310335 du 18 mars 2024, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 15 avril 2024, M. B..., représenté par Me Mohamed, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 18 mars 2024 du tribunal administratif de Montreuil ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté mentionné ci-dessus du 7 août 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et un titre de séjour temporaire dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à défaut, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans le même délai et sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'erreur de droit quant à son insertion professionnelle en France ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité du refus de séjour ;
- elle est entachée d'incompétence ;
- elle est entachée d'insuffisance de motivation ;
- elle a été prise en méconnaissance du droit d'être entendu ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis, lequel n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Pagès a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant tunisien né le 22 juillet 1991, entré en France en 2016 selon ses déclarations, a demandé le 9 juin 2022 son admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 7 août 2023, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande d'admission exceptionnelle au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... a saisi le tribunal administratif de Montreuil d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Par un jugement du 18 mars 2024, dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Sur la décision portant refus de séjour :
2. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 (...) ". Aux termes de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 visé ci-dessus : " Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent Accord, reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an et renouvelable et portant la mention "salarié" ".
3. Portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaire prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 435-1 n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Il fixe ainsi, notamment, les conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-tunisien prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant tunisien souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 435-1 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-tunisien, au sens de l'article 11 de cet accord. Toutefois, si l'accord franco-tunisien ne prévoit pas, pour sa part, de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, il y a lieu d'observer que ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un titre de séjour à un ressortissant tunisien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.
4. M. B..., qui soutient résider habituellement en France depuis 2016, produit un contrat de travail daté du 8 juin 2020 et justifie travailler depuis lors, soit depuis trois ans à la date de la décision attaquée. Aussi, et même si le requérant justifie d'une réelle volonté d'insertion professionnelle, eu égard à la relative faible ancienneté de son activité professionnelle à la date de l'arrêté litigieux, le préfet de la Seine-Saint-Denis a pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, estimer qu'il ne justifiait pas de motifs exceptionnels pour pouvoir prétendre à une admission exceptionnelle au séjour. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait entaché sa décision d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation quant à son insertion professionnelle.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
5. En premier lieu, compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, le requérant n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant refus de séjour.
6. En deuxième lieu, par un arrêté du 10 mars 2023 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Seine-Saint-Denis du même jour, le préfet a donné à M. C..., chef du bureau de l'accueil et de l'admission au séjour, délégation pour signer la décision contestée. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté manque en fait et doit, par suite, être écarté.
7. En troisième lieu, la décision litigieuse indique les motifs de droit et les circonstances de fait qui en constituent le fondement. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit donc également être écarté.
8. En quatrième lieu, le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour. Il n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français ou sur la décision le plaçant en rétention dans l'attente de l'exécution de la mesure d'éloignement, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement. Enfin, une atteinte au droit d'être entendu n'est susceptible d'entraîner l'annulation de la décision en litige que si la procédure administrative en cause aurait pu, en fonction des circonstances de fait et de droit de l'espèce, aboutir à un résultat différent du fait des observations et éléments que l'étranger a été privé de faire valoir.
9. En l'espèce, dans sa demande de titre de séjour, M. B... s'est prévalu de l'ensemble des éléments relatifs à ce situation personnelle et familiale, de sorte que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'était pas tenu de le mettre à même de présenter de nouveau des observations de façon spécifique sur une éventuelle mesure d'éloignement. Le moyen tiré de la méconnaissance du principe du droit d'être entendu doit donc être écarté.
10. En dernier lieu, compte tenu de ce qui a été dit au point 4 ci-dessus sur l'insertion professionnelle de M. B... et eu égard à la circonstance qu'il est célibataire sans charges de famille et qu'il ne justifie ni n'allègue d'autres éléments d'insertion particuliers dans la société française, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle doit également être écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 6 mai 2025 à laquelle siégeaient :
- Mme Bonifacj, présidente de chambre,
- M. Niollet, président assesseur,
- M. Pagès, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 mai 2025.
Le rapporteur,
D. PAGES La présidente,
J. BONIFACJ
La greffière,
A. LOUNIS
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°24PA01716