Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 6 août 2024 par lequel le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné et a édicté à son encontre une interdiction de circuler sur le territoire français d'une durée de trois ans.
Par un jugement n° 2421416 du 16 août 2024, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté contesté.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 13 septembre 2024, le préfet de police demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de M. C....
Il soutient que :
- la présence en France de l'intéressé constitue, du point de vue de l'ordre public et de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société française ;
- il a donc pu, sans faire une inexacte application des dispositions du 2° de l'article L. 251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, estimer qu'il y avait urgence à l'éloigner ;
- les autres moyens soulevés en première instance par M. C... ne sont pas fondés.
M. C... n'ayant communiqué à l'administration aucune adresse, la procédure n'a pas pu lui être communiquée.
Par une ordonnance du 9 janvier 2025, la clôture de l'instruction a été fixée au 11 février suivant.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le préfet de police a été régulièrement averti du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Lellig a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant portugais né en 1969, entré en France en 1990 selon ses déclarations, a fait l'objet d'un arrêté du 6 août 2024 par lequel le préfet de police, après avoir constaté la caducité de son droit au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné et a pris à son encontre une interdiction de circulation sur le territoire français d'une durée de trois ans. Le préfet de police relève appel du jugement du 16 août 2024 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes des dispositions de l'article L. 251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable aux citoyens de l'Union européenne : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger les étrangers dont la situation est régie par le présent livre, à quitter le territoire français lorsqu'elle constate les situations suivantes : (...) 2° Leur comportement personnel constitue, du point de vue de l'ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société ; (...) L'autorité administrative compétente tient compte de l'ensemble des circonstances relatives à leur situation, notamment la durée du séjour des intéressés en France, leur âge, leur état de santé, leur situation familiale et économique, leur intégration sociale et culturelle en France, et l'intensité des liens avec leur pays d'origine ".
3. Ces dispositions doivent être interprétées à la lumière des objectifs de la directive du 29 avril 2004 et notamment de ses articles 27 et 28. Il appartient ainsi à l'autorité administrative d'un Etat membre qui envisage de prendre une mesure d'éloignement à l'encontre d'un ressortissant d'un autre Etat membre de ne pas se fonder sur la seule existence d'une infraction à la loi, mais d'examiner, d'après l'ensemble des circonstances de l'affaire, si la présence de l'intéressé sur le territoire français est de nature à constituer une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société française. Ces conditions doivent être appréciées en fonction de la situation individuelle de la personne, notamment de la durée de son séjour en France, de sa situation familiale et économique et de son intégration.
4. Pour obliger M. C... à quitter le territoire français, le préfet de police s'est fondé sur la circonstance que ce dernier constituait une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société française du fait de sa condamnation, le 27 mars 2024, par la cour d'appel de Paris à douze mois d'emprisonnement pour agression sexuelle et harcèlement moral d'une personne suivi d'une incapacité n'excédant pas huit jours. M. A... ne justifie par ailleurs pas résider en France depuis 1990, ni même y exercer un emploi stable, comme il le soutient. Il se déclare célibataire et sans charge de famille et a reconnu avoir déjà fait l'objet d'une incarcération en 1997 pour des faits de tentative de cambriolage. Dans ces conditions, malgré le caractère relativement isolé de la condamnation du 27 mars 2024 et les aménagement et remise de peine dont M. C... a bénéficié, le préfet de police a légalement pu considérer que, compte tenu de la gravité des faits dont l'intéressé s'est rendu coupable, son comportement constituait une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société française, en application des dispositions précitées du 2° de l'article L. 251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. Il s'ensuit que le préfet de police est dès lors fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a, pour ce motif, annulé l'arrêté contesté.
6. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... devant le tribunal administratif de Paris.
Sur les autres moyens de la requête de première instance :
En ce qui concerne l'arrêté pris dans son ensemble :
7. En premier lieu, l'arrêté litigieux vise les textes dont il est fait application et expose de manière suffisamment précise les faits qui en constituent le fondement, permettant ainsi au requérant d'en contester utilement le bien-fondé. Par suite, le moyen tiré de son insuffisance de motivation manque en fait et doit être écarté.
8. En deuxième lieu, il ressort des dispositions du livre II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment de ses articles L. 251-1 et suivants, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation de quitter le territoire français. Dès lors, l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ne saurait être utilement invoqué à l'encontre d'une décision portant obligation de quitter le territoire français prise sur le fondement de l'article L. 251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par ailleurs, M. C... ne fournit aucune précision sur les éléments pertinents qu'il aurait été empêché de faire valoir préalablement à l'obligation de quitter le territoire français dont il a fait l'objet et qui auraient été susceptibles d'influer sur le contenu de la décision prise à son encontre. En tout état de cause, il ressort des pièces du dossier, et notamment du procès-verbal d'audition du 10 mai 2024, que M. C... a été interrogé sur sa situation au regard du droit au séjour et qu'il a apporté des réponses précises et circonstanciées. Dans ces conditions, M. C... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté contesté a été pris en méconnaissance du droit à être entendu.
9. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment des termes de l'arrêté du 6 août 2024, que le préfet de police de Paris n'aurait pas procédé à un examen réel et sérieux de la situation du requérant avant de prendre les décisions contestées.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
10. En premier lieu, aux termes de l'article L. 251-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français en application de l'article L. 251-1 les citoyens de l'Union européenne ainsi que les membres de leur famille qui bénéficient du droit au séjour permanent prévu par l'article L. 234-1 ". Aux termes de cet article L. 234-1 : " Les citoyens de l'Union européenne mentionnés à l'article L. 233-1 qui ont résidé de manière légale et ininterrompue en France pendant les cinq années précédentes acquièrent un droit au séjour permanent sur l'ensemble du territoire français (...) ". L'article L. 233-1 dispose que : " Les citoyens de l'Union européenne ont le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'ils satisfont à l'une des conditions suivantes : / 1° Ils exercent une activité professionnelle en France (...) ".
11. En l'espèce, si M. C... soutient résider en France depuis plus de trente ans et y exercer une activité professionnelle, il ne verse au dossier aucune pièce de nature à étayer ses allégations. En tout état de cause, ainsi qu'il a été exposé au point 4, le préfet de police a légalement pu édicter une obligation de quitter le territoire français à son encontre sur le fondement du 2° de l'article L. 251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
12. En second lieu, M. C... ne justifie ni de la date de son entrée en France, ni de la durée de sa présence sur le territoire français, ni des conditions de son séjour. Il est célibataire, sans charge de famille et a déclaré retourner régulièrement dans son pays d'origine. Dans ces conditions, malgré la présence en France de sa mère, un frère et une sœur, le requérant, dont le comportement constitue une menace pour l'ordre public, n'est pas fondé à soutenir qu'en lui faisant obligation de quitter le territoire français, le préfet de police aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle.
En ce qui concerne l'interdiction de circulation :
13. Aux termes de l'article L. 251-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut, par décision motivée, assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français édictée sur le fondement des 2° ou 3° de l'article L. 251-1 d'une interdiction de circulation sur le territoire français d'une durée maximale de trois ans ".
14. Conformément à ce qui a été exposé aux points 4 et 12, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'en édictant à son encontre une interdiction de circulation sur le territoire français d'une durée de trois ans, le préfet de police aurait méconnu les dispositions de l'article L. 251-4 précitées ou entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle.
15. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 6 août 2024.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2421416 du 16 août 2024 du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande de M. C... présentée devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 3 avril 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Barthez, président de chambre,
- Mme Milon, présidente assesseure,
- Mme Lellig, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 mai 2025.
La rapporteure,
W. LELLIGLe président,
A. BARTHEZ
La greffière,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 24PA04007 2