Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 25 avril 2023 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2324459 du 30 avril 2024, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 17 mai 2024, M. B..., représenté par Me Sangue, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2324459 du 30 avril 2024 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du 25 avril 2023 du préfet de police ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " ou " vie privée et familiale " dans un délai de huit jours à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans le même délai et sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ont été signées par une autorité incompétente ;
- elles sont entachées d'un défaut de motivation et d'examen de sa situation personnelle ;
- elles sont entachées d'une inexactitude matérielle des faits et d'une erreur de droit ;
- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaissent les dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense enregistré le 14 mars 2025, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Irène Jasmin-Sverdlin a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant philippin né le 17 juin 1985, est entré en France le 21 septembre 2014 selon ses déclarations. Le 29 août 2022, il a sollicité son admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 25 avril 2023, le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... relève appel du jugement du 30 avril 2024 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
3. Il ressort des pièces du dossier, produites pour la première fois en cause d'appel, que M. B..., qui justifie de sa résidence continue en France depuis septembre 2019, est marié depuis le 18 juin 2010 avec une compatriote, qui vit régulièrement en France sous couvert d'une carte de séjour temporaire en cours de validité à la date de l'arrêté litigieux, et que le couple est parent de deux enfants, dont l'aînée est née aux Philippines le 17 mars 2011 et est scolarisée au collège et la seconde est née en France le 3 septembre 2019 et est scolarisée à l'école maternelle. Par ailleurs, le requérant justifie exercer un emploi familial depuis mars 2021. Dans ces conditions, compte tenu de l'intensité de la vie privée et familiale de M. B... sur le territoire national et nonobstant la circonstance que le requérant conserve des attaches familiales dans son pays d'origine, la décision par laquelle le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts qu'elle poursuit, en méconnaissance des stipulations citées au point précédent et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation. Il s'ensuit que cette décision doit être annulée ainsi que, par voie de conséquence, la décision portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et celle fixant le pays de destination.
4. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police. Le requérant est, dès lors, fondé à demander l'annulation de ce jugement et celle de l'arrêté du préfet de police du 25 avril 2023 dans toutes ses dispositions.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
5. Eu égard à ses motifs, le présent arrêt implique nécessairement que le préfet de police délivre à M. B... un titre de séjour. Il y a lieu d'enjoindre à ce préfet de lui délivrer ce titre dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés à l'instance :
6. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des conclusions présentées par M. B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2324459 du 30 avril 2024 du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 25 avril 2023 du préfet de police est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de police de délivrer à M. B... un titre de séjour, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à M. B... la somme de 1 000 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au préfet de police et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 15 mai 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Ivan Luben, président de chambre,
- Mme Irène Jasmin-Sverdlin, première conseillère,
- Mme Hélène Brémeau-Manesme, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 juin 2025.
La rapporteure,
I. JASMIN-SVERDLINLe président,
I. LUBEN
La greffière,
Y. HERBER
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 24PA02223 2