Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 16 avril 2024 par lequel le préfet des Hauts de Seine l'a obligée à quitter le territoire français, lui a refusé l'octroi d'un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination vers lequel elle sera éloignée et a pris à son encontre une décision d'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de vingt-quatre mois.
Par un jugement n° 2409653/8 du 20 mai 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté la demande.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête enregistrée le 24 mai 2024 sous le n° 24PA02310, Mme B..., représenté par Me Piffault, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 20 mai 2024 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 16 avril 2024 du préfet des Hauts de Seine ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'obligation de quitter le territoire qui a été édictée à son encontre a été prise en méconnaissance de son droit d'être entendue dès lors qu'elle a été assistée d'un interprète en langue Ourdou alors qu'elle ne maitrise pas ce dialecte ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 611-3 5° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle est mère d'un jeune enfant mineur dont elle justifie avoir la charge de l'entretien et de l'éducation ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 611-3 9° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a méconnu l'article R.611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en l'absence de saisine du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ;
- en l'absence d'examen de son état de santé, l'obligation de quitter le territoire français n'a pas été précédée d'un examen réel et sérieux de sa situation.
Par un mémoire en défense, enregistrés le 30 juillet 2024, le préfet des Hauts-de-Seine conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 6 août 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 9 septembre 2024.
II. Par une requête enregistrée le 24 mai 2024, sous le numéro 24PA2313, Mme B..., représentée par Me Piffault, demande à la Cour de surseoir à l'exécution du jugement n° 2409653/8 du 20 mai 2024 du tribunal administratif de Paris.
Elle soutient que les conditions prévues aux articles R. 811-15 et R. 811-17 du code de justice administrative sont remplies dès lors que les moyens qu'elle invoque à l'appui de sa requête au fond paraissent sérieux et de nature à justifier l'annulation du jugement comme le rejet des conclusions accueillies par ce jugement.
Par un mémoire en défense, enregistrés le 30 juillet 2024, le préfet des Hauts-de-Seine conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 6 août 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 9 septembre 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- les arrêts de la Cour de justice de l'Union européenne C-383/13 du 10 septembre 2013, C-166/13 du 5 novembre 2014 et C-249/13 du 11 décembre 2014 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Bruston a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D... B..., ressortissante népalaise née le 30 juillet 1991, relève appel du jugement du 20 mai 2024 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 16 avril 2024 par lequel le préfet des Hauts de Seine l'a obligée à quitter le territoire français, lui a refusé l'octroi d'un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination vers lequel elle sera éloignée et a pris à son encontre une décision d'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de vingt-quatre mois.
Sur la requête n° 24PA02310 :
En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance du droit à être entendu :
2. Ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé, notamment par son arrêt C-383/13 M. A..., N. R./Staatssecretaris van Veiligheid en Justitie du 10 septembre 2013 visé
ci-dessus, les auteurs de la directive du 16 décembre 2008, s'ils ont encadré de manière détaillée les garanties accordées aux ressortissants des Etats tiers concernés par les décisions d'éloignement ou de rétention, n'ont pas précisé si et dans quelles conditions devait être assuré le respect du droit de ces ressortissants d'être entendus, qui fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union européenne. Si l'obligation de respecter les droits de la défense pèse en principe sur les administrations des Etats membres lorsqu'elles prennent des mesures entrant dans le champ d'application du droit de l'Union, il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles doit être assuré, pour les ressortissants des Etats tiers en situation irrégulière, le respect du droit d'être entendu. Ce droit, qui se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts, ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.
3. Dans le cadre ainsi posé, et s'agissant plus particulièrement des décisions relatives au séjour des étrangers, la Cour de justice de l'Union européenne a jugé, dans ses arrêts C-166/13 Sophie Mukarubega du 5 novembre 2014 et C-249/13 Khaled Boudjlida du 11 décembre 2014 visés ci-dessus, que le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour. Ce droit n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement.
4. Enfin, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, notamment de son arrêt du 10 septembre 2013 cité au point 2, que toute irrégularité dans l'exercice des droits de la défense lors d'une procédure administrative concernant un ressortissant étranger en vue de son éloignement ne saurait constituer une violation de ces droits et, en conséquence, que tout manquement, notamment, au droit d'être entendu n'est pas de nature à entacher systématiquement d'illégalité la décision prise. Il revient à l'intéressé d'établir devant le juge chargé d'apprécier la légalité de cette décision que les éléments qu'il n'a pas pu présenter à l'administration auraient pu influer sur le sens de cette décision et il appartient au juge saisi d'une telle demande de vérifier, lorsqu'il estime être en présence d'une irrégularité affectant le droit d'être entendu, si, eu égard à l'ensemble des circonstances de fait et de droit spécifiques de l'espèce, cette violation a effectivement privé celui qui l'invoque de la possibilité de mieux faire valoir sa défense dans une mesure telle que cette procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent.
5. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... a été auditionnée par les services de police le 16 avril 2024. Si elle soutient avoir bénéficier du concours d'un interprète en langue Ourdou alors qu'elle ne comprendrait pas ce dialecte et si elle conteste avoir pu porter à la connaissance de l'administration l'ensemble des informations pertinentes relatives à sa situation personnelle, il ressort du procès-verbal d'audition dressé par les services de police que Mme B... a pu répondre aux questions qui lui ont été posées de façon assez précise sans demander un interprète dans une autre langue. Elle a ainsi notamment précisé qu'elle avait un fils et qu'elle se faisait soigner en France et a fait part de son intention de contester l'obligation de quitter le territoire français. Dans ces conditions, le droit d'être entendu de Mme B... n'a pas été méconnu.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
6. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 5 que Mme B... a pu faire part des éléments de sa situation personnelle avant l'intervention de la décision contestée qui reprend les informations portées à la connaissance du préfet. Dès lors, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français n'a pas été précédée d'un examen réel et sérieux de sa situation.
7. En second lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 5° L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans ; (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".
8. D'une part, si Mme B... soutient qu'elle est mère d'un jeune enfant mineur dont elle justifie avoir la charge de l'entretien et de l'éducation, elle n'établit ni même n'allègue que cet enfant disposerait de la nationalité française.
9. D'autre part, Mme B... n'ayant pas évoqué la gravité de son état de santé à l'occasion de son audition par les services de police, le moyen qu'elle invoque, tiré d'un vice de procédure entachant la décision contestée, faute de consultation, pour avis, du collège de médecins de
l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), ne peut qu'être écarté.
10. Par ailleurs, Mme B... soutient qu'elle fait l'objet d'un suivi médical en France en raison, notamment, d'une maladie rénale. Elle ajoute qu'elle a déjà subi l'ablation d'un rein et que l'autre n'est plus fonctionnel qu'à 80%. Toutefois, s'il ressort des pièces médicales produites que l'intéressée a subi une néphrectomie, elle ne produit aucun document permettant d'établir que son autre rein ne serait pas fonctionnel. Par ailleurs, elle ne justifie par aucune pièce qu'elle serait dans l'impossibilité de bénéficier d'un suivi médical approprié au Népal. Elle n'a d'ailleurs jamais demandé son admission au séjour en raison de son état de santé. Le moyen qu'elle invoque tiré d'une violation des dispositions citées ci-dessus doit donc être écarté.
11. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, sa requête, y compris les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doit être rejetée.
Sur la demande de sursis à exécution du jugement :
12. Le présent arrêt statuant sur la demande d'annulation du jugement n° 2409653/8 du 20 mai 2024 du tribunal administratif de Paris, les conclusions de la requête n° 24PA02313 tendant au sursis à exécution de ce jugement sont devenues sans objet. Dès lors, il n'y a plus lieu d'y statuer.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 24PA02313 de Mme B....
Article 2 : La requête n° 24PA02310 de Mme B... est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Hauts-de-Seine.
Délibéré après l'audience du 22 mai 2025, à laquelle siégeaient :
Me Douumergue, présidente,
Mme Bruston, présidente assesseure,
Mme Saint-Macary, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juin 2025.
La rapporteure,
S. BRUSTON
La présidente,
M. C... La greffière,
E. FERNANDO
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°s 24PA02310-24PA02313 2