Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Commerciale de télécommunication (SCT) a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge du rappel de taxe sur les services fournis par des opérateurs de communications électroniques mis à sa charge au titre des années 2011 à 2014 et des pénalités correspondantes après avoir, le cas échéant, désigné un expert indépendant afin de se prononcer sur la ventilation de son chiffre d'affaires.
Par un jugement n° 1711689 du 21 mars 2019, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Versailles et renvoyée, par ordonnance de la présidente du tribunal n° 1903776 du 11 juin 2019 à la Cour administrative d'appel de Versailles, où elle a été enregistrée le 20 mai 2019, complétée par un mémoire enregistré le 29 septembre 2020, la SCT, représentée par le cabinet d'avocats Cazals, Manzo, Pichot, Saint Quentin, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge du rappel de taxe sur les services fournis par des opérateurs de communications électroniques mis à sa charge au titre des années 2011 à 2014 et des pénalités correspondantes ;
3°) le cas échéant, de désigner un expert indépendant afin de se prononcer sur la ventilation de son chiffre d'affaires ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les prestations de mise à disposition de services de communications électroniques facturés à différentes sociétés n'ayant pas le caractère de " consommateur final ", non inscrites auprès de l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCE), sont exclues de l'assiette de la taxe prévue à l'article 302 bis KH en application du 1° du II de cet article ;
- soumettre à la taxe en litige une communication de ses clients de la France vers l'étranger crée une distorsion de concurrence avec les sociétés non résidentes françaises offrant la même prestation et non soumis à cette taxe ;
- les factures d'abonnement comprennent des prestations d'installation, de matériel, de maintenance et de conseil commercial à exclure de l'assiette de la taxe ;
- elle n'a pas commis de manquement délibéré en 2011 et 2012.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2021 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de M. Illouz, rapporteur public,
- et les observations de Me Valentin, avocat, pour la société SCT Telecom.
Considérant ce qui suit :
1. La SCT est un opérateur de télécommunication proposant des services de présélection téléphonique et de téléphonie mobile en partenariat avec des opérateurs alternatifs. Elle a fait l'objet de deux vérifications de comptabilité portant sur les années 2011 à 2014, à l'issue desquelles l'administration lui a notifié, pour chaque année vérifiée, des rappels de taxe sur les services fournis par des opérateurs de communications électroniques. La SCT fait appel du jugement du tribunal administratif de Montreuil du 21 mars 2019 rejetant sa demande en décharge, en droits et pénalités, de ces rappels.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
2. Aux termes du premier alinéa de l'article 302 bis KH du code général des impôts : " I. - Il est institué une taxe due par tout opérateur de communications électroniques, au sens de l'article L. 32 du code des postes et des communications électroniques, qui fournit un service en France et qui a fait l'objet d'une déclaration préalable auprès de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en vertu de l'article L. 33-3 du même code. / II.- La taxe est assise sur le montant, hors taxe sur la valeur ajoutée, des abonnements et autres sommes acquittés par les usagers aux opérateurs mentionnés au I en rémunération des services de communications électroniques qu'ils fournissent (...) / Sont toutefois exclues de l'assiette de la taxe : / 1° Les sommes acquittées par les opérateurs au titre des prestations d'interconnexion et d'accès faisant l'objet des conventions définies au I de l'article L. 34-8 du code des postes et des télécommunications électroniques (...) ".
3. En premier lieu, la société soutient que les prestations de mise à disposition de services de communications électroniques qu'elle a facturées à différentes sociétés n'ayant pas le caractère de " consommateur final " et non déclarées à l'ARCEP sont exclues de l'assiette de la taxe prévue à l'article 302 bis KH en application du 1° du II de cet article.
4. Cependant, d'une part, le terme " usagers " doit être entendu comme désignant à la fois non seulement les consommateurs finaux sur le marché résidentiel, mais également les entreprises sur le marché de détail professionnel et les opérateurs sur le marché de gros, ainsi que l'a d'ailleurs précisé l'ARCEP par un avis du 14 octobre 2008. D'autre part, à supposer que les clientes de la SCT soient des opérateurs de communications électroniques, comme le confirment les travaux parlementaires, le 1° du II de l'article 302 bis KH exclut de l'assiette de la taxe acquittée par les opérateurs possédant un réseau les sommes qui leur sont versées par un autre opérateur de réseau au titre d'une prestation d'interconnexion, afin d'éviter une double imposition des prestations de détail. Il n'exclut donc pas les prestations versées à des sociétés qui n'ont pas fait l'objet d'une déclaration préalable à l'ARCEP et qui, de ce fait, ne sont pas assujetties à la taxe sur les opérateurs de communications électroniques. Le moyen visé au point précédent doit, dès lors, être écarté.
5. En second lieu, la société soutient que soumettre à la taxe en litige une communication de ses clients de la France vers l'étranger crée une distorsion de concurrence avec les sociétés non résidentes françaises offrant la même prestation et non soumises à cette taxe. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par les premiers juges.
6. En troisième lieu, s'il est constant que l'administration n'a pas inclus dans l'assiette de la taxe sur les services fournis par des opérateurs de communications électroniques, les chiffres d'affaires correspondant aux prestations intitulées " installation ", " matériel ", " maintenance ", " conseil commercial " facturées aux clients de la SCT, qui sont enregistrées en tant que telles dans sa comptabilité, la SCT soutient cependant que les prestations d'abonnement comprennent également des prestations d'installation, de matériel, de maintenance et de conseil commercial, qu'il faut soustraire de l'assiette de cette taxe et produit à cette fin des attestations d'un tiers indépendant à qui elle a demandé d'identifier ces prestations pour chaque année en litige.
7. Cependant, d'une part, les factures d'abonnement n'identifient pas de telles prestations. D'autre part, la société ne donne aucune explication sur les raisons l'ayant conduites à identifier comptablement certaines de ces prestations et non la totalité. En outre, il n'est pas précisé si les montants retenus par la société auditrice missionnée par la SCT ne concernent que les prestations en cause facturées comme abonnement ou s'ils incluent l'ensemble de ces prestations, y compris celles comptabilisées en tant que telles. Enfin, pour les années 2013 et 2014, les montants retenus par le tiers missionné au titre des prestations " installation " " matériel ", " maintenance " " conseil commercial " sont sensiblement différents de ceux avancés par la société au cours des opérations de contrôle, alors que l'audit s'est fondé sur la comptabilité ayant servi de base à l'établissement des comptes annuels, ainsi qu'avec les données sous-tendant cette comptabilité, notamment les états de gestion service au suivi de l'activité de SCT. L'ensemble de ces circonstances ne permet pas de tenir pour établi que les prestations d'abonnement incluraient des prestations relevant de " l'installation ", " du matériel ", " de la maintenance ", " et du conseil commercial " non comptabilisées en tant que telles dans la comptabilité de la société requérante.
Sur les pénalités pour manquement délibéré :
8. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ".
9. Pour appliquer la majoration pour manquement délibéré aux rappels de taxe des années 2011 et 2012, l'administration a relevé dans la réponse aux observations du contribuable du 21 octobre 2014, que la SCT disposait d'une structure administrative importante, qui lui permettait de connaître ses obligations fiscales et qu'en qualité de membre de l'ARCEP, elle était dûment informée par cet organisme des impôts et taxes dus par les opérateurs de communication électronique. Ce faisant, l'administration établit l'existence d'une volonté délibérée de la SCT d'éluder la taxe sur les deux années en litige en ne déposant pas ses déclarations en 2011 et 2012. La circonstance que la Commission européenne avait introduit un recours en manquement contre la France le 28 janvier 2010 s'agissant de cette taxe, ne dispensait pas la SCT de satisfaire à ses obligations déclaratives dans l'attente de l'issue de ce recours. La SCT ne peut pas davantage utilement se prévaloir de ce qu'elle a spontanément régularisé sa situation pour les années 2013 et 2014 pour soutenir qu'elle n'avait pas l'intention de se soustraire au paiement de cette taxe en 2010 et 2011.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la SCT n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Sa requête doit, par suite, être rejetée, y compris les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Commerciale de télécommunication est rejetée.
N° 19VE01839 2