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23/11/2023 | FRANCE | N°20VE01760

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 23 novembre 2023, 20VE01760


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Locam a demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) Les Oiseaux à lui verser la somme de 118 287,18 euros au titre de l'indemnité de résiliation des contrats de location de photocopieurs nos 1191091 et 1249105 conclus avec cet établissement, à titre subsidiaire, la somme de 90 519 euros au titre de son manque à gagner et, à titre infiniment subsidiaire, la somme de 78 373,68 euros au titre de l'enrichis

sement sans cause, ces sommes étant assorties des intérêts et de leur capital...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Locam a demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) Les Oiseaux à lui verser la somme de 118 287,18 euros au titre de l'indemnité de résiliation des contrats de location de photocopieurs nos 1191091 et 1249105 conclus avec cet établissement, à titre subsidiaire, la somme de 90 519 euros au titre de son manque à gagner et, à titre infiniment subsidiaire, la somme de 78 373,68 euros au titre de l'enrichissement sans cause, ces sommes étant assorties des intérêts et de leur capitalisation.

Par un jugement no 1802041 du 28 mai 2020, le tribunal administratif de Versailles a condamné l'EHPAD Les Oiseaux à lui verser les sommes de 10 369,80 euros et 9 280,80 euros au titre des loyers impayés et les sommes de 1 037 euros et 928 euros au titre de la clause pénale, ces sommes étant assorties des intérêts et de la capitalisation, et a rejeté le surplus des conclusions de la société Locam.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 27 juillet 2020 et le 30 juin 2021, l'EHPAD Les Oiseaux, représenté par Me Lapisardi, avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par la société Locam devant le tribunal administratif ;

3°) de condamner la société Locam à lui verser la somme de 26 503,2 euros TTC ;

4°) de mettre à la charge de la société Locam la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il a retenu un moyen d'ordre public tiré de l'application de l'article 7 du décret n° 2013-269 du 29 mars 2013 sans en informer les parties ;

- le jugement attaqué est entaché d'erreurs de droit ;

- le tribunal administratif a retenu une conception extensive de la loyauté des relations contractuelles en la faisant prévaloir sur les graves irrégularités entachant les contrats ;

- les contrats comportaient une clause de reconduction tacite et une clause résolutoire irrégulières ;

- les contrats étaient dépourvus de cause, l'exposant disposant déjà de six photocopieurs à la date de leur conclusion et ses besoins étant déjà largement satisfaits ; le contrat conclu en janvier 2016 concernait exactement les mêmes prestations que le contrat conclu en avril 2015 ;

- l'absence totale de publicité et de mise en concurrence doit conduire à l'annulation des contrats ;

- le loyer des contrats a été très largement surfacturé ; il ne correspond à aucune réalité économique ; il s'agit d'une libéralité illicite qui entache de nullité ces contrats ;

- la société Locam a volontairement vicié son consentement ; compte tenu de son expérience, elle a commis des manœuvres dolosives ayant conduit l'exposant à conclure des contrats dans des conditions extrêmement désavantageuses ; elle est seule responsable de ce vice, étant le seul interlocuteur de l'exposant, qu'elle a démarché ; les clauses contractuelles ne lui ont pas été fournies et étaient, en tout état de cause, illisibles ;

- les contrats ont prévu une clause de reconduction tacite illicite ;

- la clause de résiliation avec indemnisation stipulée dans les contrats est nulle, l'application de cette clause conduisant à une indemnité manifestement disproportionnée et l'indemnité ne tenant pas compte des charges dont elle est libérée et des bénéfices que peuvent lui procurer la revente ou la relocation du matériel ;

- l'indemnisation ne peut intervenir sur le fondement de clauses irrégulières ; en l'absence d'élément justificatif, aucune indemnité n'est due ; il ne peut être fait application des intérêts au taux légal en cas de contrat nul ;

- la société Locam ne peut prétendre à une indemnité au titre de ses dépenses utiles dès lors qu'elle a intentionnellement vicié le consentement de l'exposant ;

- les sommes dont elle demande l'indemnisation n'ont pas été utiles ; la valeur réelle du matériel était largement amortie avant la résiliation ; la société Locam a tardé à demander la restitution du matériel ; elle aurait pu le revendre ou le recommercialiser ;

- les calculs effectués par la société Locam sont erronés ; la valeur réelle du matériel est bien inférieure au prix d'achat ; la somme due serait au maximum de 49 927 euros et non 78 373,68 euros ;

- la société Locam ne peut prétendre à aucune autre indemnisation ; la faute qu'elle a commise est la seule cause de son préjudice ; en tout état de cause, elle n'établit pas sa marge nette et son chiffrage est erroné ; seuls quatorze loyers et non dix-huit n'ont pas été payés pour le contrat n° 1191091 ;

- il entend demander la condamnation de la société Locam à lui verser la somme de 26 503,20 euros au titre de sa faute quasi-délictuelle ou de l'enrichissement sans cause.

Par deux mémoires en défense, enregistrés respectivement les 3 mars 2021 et 30 septembre 2021, la société Locam, représentée par Me Vacheron, avocat, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) à titre subsidiaire, de condamner l'EHPAD Les Oiseaux à lui verser la somme de 118 287,18 euros au titre de l'indemnité contractuelle de résiliation, augmentée des intérêts et de la capitalisation ;

3°) à titre très subsidiaire, de condamner l'EHPAD Les Oiseaux à lui verser la somme de 90 519 euros au titre du manque à gagner, augmentée des intérêts et de la capitalisation ;

4°) à titre infiniment subsidiaire, de condamner l'EHPAD Les Oiseaux à lui verser la somme de 78 373,68 euros au titre de l'enrichissement sans cause, augmentée des intérêts et de la capitalisation ;

5°) de mettre la somme de 5 000 euros à la charge de l'EHPAD Les Oiseaux au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est régulier ; elle a présenté une demande au titre des intérêts moratoires ; le tribunal administratif a substitué le texte applicable ;

- les contrats conclus avec l'EHPAD ne sont pas nuls ; les précédents invoqués par la commune ne peuvent conduire à reconnaître cette nullité ; le tribunal n'a pas fait une application extensive du principe de loyauté des relations contractuelles ; l'EHPAD ne peut utilement se prévaloir de la circonstance qu'il disposait déjà de photocopieurs ; les deux contrats de 2015 et 2016 ne portaient pas sur deux matériels identiques ; l'absence de mise en concurrence ne peut conduire à l'annulation des contrats compte tenu du principe de loyauté des relations contractuelles ; le prix des contrats n'était pas illicite ; la preuve de manœuvres dolosives pour vicier le consentement de l'EHPAD n'est pas apportée ; les clauses sont parfaitement lisibles et le locataire a reconnu en avoir pris connaissance ;

- elle est fondée à demander une indemnité de 118 287,18 euros en application des stipulations des contrats ;

- son manque à gagner s'élève au total à la somme de 90 519 euros correspondant aux loyers non perçus ;

- l'indemnité au titre de l'enrichissement sans cause s'élève à la somme de 78 373,68 euros correspondant à la différence entre le prix d'acquisition du matériel et les loyers perçus ;

- elle s'en rapporte au jugement pour les intérêts moratoires ;

- les conclusions indemnitaires de l'EHPAD sont irrecevables et infondées.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la commande publique ;

- le décret n° 2013-269 du 29 mars 2013 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Camenen,

- les conclusions de Mme Janicot, rapporteure publique,

- et les observations de Me Obrero, pour l'EHPAD Les Oiseaux.

Considérant ce qui suit :

1. L'EHPAD Les Oiseaux relève appel du jugement du tribunal administratif de Versailles du 28 mai 2020 en tant que le tribunal l'a condamné à verser à la société Locam les sommes de 10 369,80 euros et 9 280,80 euros au titre des loyers impayés de deux contrats de location de photocopieurs résiliés par cette dernière ainsi que les sommes de 1 037 euros et 928 euros au titre de la clause pénale de 10 % stipulée dans ces contrats. Il demande en outre à la cour de condamner la société Locam à lui verser la somme de 26 503,20 euros.

Sur la fin de non-recevoir opposée par la société Locam :

2. Les conclusions de l'EHPAD Les Oiseaux tendant à la condamnation de la société Locam à lui verser la somme de 26 503,20 euros, présentées directement devant la cour, sont irrecevables comme nouvelles en appel. Elles doivent, par suite, être rejetées.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. En premier lieu, il ressort de l'examen du jugement attaqué que, la société Locam ayant sollicité le versement d'intérêts moratoires sur le fondement de l'article R. 2192-31 du code de la commande publique, inapplicable en l'espèce, le tribunal administratif a substitué d'office les dispositions équivalentes antérieurement applicables résultant des articles 7 et 8 du décret du 29 mars 2013 relatif à la lutte contre les retards de paiement dans les contrats de la commande publique. Le tribunal s'est ainsi borné à exercer son office en se plaçant sur le terrain juridiquement approprié pour accorder à la société Locam les intérêts qui lui étaient dus. Alors même qu'aucune partie n'avait cité les dispositions du décret du 29 mars 2013, le tribunal n'a pas soulevé d'office un moyen d'ordre public qu'il aurait dû préalablement communiquer aux parties en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative et n'a, par suite, pas entaché son jugement d'irrégularité de ce chef.

4. En second lieu, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait entaché d'erreurs de droit au motif que le tribunal administratif aurait fait une application erronée du principe de loyauté des relations contractuelles et que plusieurs irrégularités graves auraient dû le conduire à écarter l'application des contrats, est sans incidence sur la régularité de ce jugement et doit, dès lors, être écarté.

Au fond :

5. Pour condamner l'EHPAD Les Oiseaux à verser à la société Locam les sommes correspondant aux loyers échus antérieurement à la date de résiliation des contrats, majorées de 10 %, le tribunal administratif a, d'une part, écarté l'exception de nullité de ces contrats opposée en défense par l'établissement, et, d'autre part, écarté l'exception d'illicéité de la clause de résiliation figurant dans ces contrats en tant qu'elle concerne ces loyers.

En ce qui concerne la nullité des contrats :

6. Lorsqu'une partie à un contrat administratif soumet au juge un litige relatif à l'exécution du contrat qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat. Toutefois, dans le cas seulement où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel. Lorsque le juge est saisi d'un litige relatif à l'exécution d'un contrat, les parties à ce contrat ne peuvent, en principe, invoquer un manquement aux règles de passation, ni le juge le relever d'office, aux fins d'écarter le contrat pour le règlement du litige. Par exception, il en va toutefois autrement lorsque, eu égard, d'une part, à la gravité de l'illégalité et, d'autre part, aux circonstances dans lesquelles elle a été commise, le litige ne peut être réglé sur le fondement de ce contrat.

7. En premier lieu, une convention peut être déclarée nulle lorsqu'elle est dépourvue de cause ou qu'elle est fondée sur une cause qui, en raison de l'objet de cette convention ou du but poursuivi par les parties, présente un caractère illicite.

8. En l'espèce, l'EHPAD Les Oiseaux soutient que les contrats litigieux conclus avec la société Locam sont dépourvus de cause dès lors, d'une part, que ses besoins étaient amplement satisfaits avant leur conclusion et, d'autre part, que le contrat conclu en janvier 2016 concernait exactement les mêmes prestations que celui conclu en avril 2015. Toutefois, s'il résulte de l'instruction que l'EHPAD Les Oiseaux disposait déjà, à la date de conclusion des contrats litigieux, de six autres photocopieurs, il est constant que ces derniers ont été loués auprès d'autres entreprises que la société Locam dans des conditions différentes de celles ayant fait l'objet des contrats litigieux. De même, les quatre photocopieurs loués auprès de la société Locam en 2015 et 2016 étaient au moins en partie différents, les conditions financières de ces deux contrats n'étant d'ailleurs pas les mêmes. En outre et en tout état de cause, la seule circonstance que la passation des deux contrats litigieux auprès de la société Locam a résulté d'une mauvaise appréciation de ses besoins par l'EHPAD, ceux-ci étant déjà satisfaits par les six photocopieurs déjà loués auprès d'autres entreprises, n'est pas, à elle seule, de nature à faire regarder ces contrats comme dépourvus de cause, ceux-ci ayant d'ailleurs été exécutés pendant plus d'un an sans que l'établissement n'en remette en cause l'utilité. Dès lors, le moyen tiré de la nullité des contrats litigieux en raison de leur absence de cause doit être écarté.

9. En deuxième lieu, l'EHPAD Les Oiseaux soutient que l'absence totale de publicité et de mise en concurrence préalable entache les contrats de location litigieux de nullité. Toutefois, si compte tenu de leur montant, la passation de ces contrats devait être précédée de procédures de publicité et de mise en concurrence, un tel vice, qui est d'ailleurs au moins en partie imputable à l'administration, n'est pas, en l'espèce, compte tenu de sa gravité ou des circonstances dans lesquels il est intervenu, de nature à entraîner l'annulation des contrats litigieux.

10. En troisième lieu, l'EHPAD Les Oiseaux soutient que les contrats de location litigieux comportent une libéralité illicite de nature à entraîner leur annulation. Il se prévaut, au soutien de ce moyen, d'un rapport sur les conditions financières de location de photocopieurs par l'EHPAD Les Oiseaux établi à sa demande le 20 juillet 2020 selon lequel, d'une part, le prix auquel la société Locam a acheté les matériels faisant l'objet des contrats litigieux aurait été surfacturé de 183,9 % à 762 % par rapport à leur valeur réelle et, d'autre part, les loyers pratiqués par la société Locam auraient eux-mêmes été surfacturés de 576,9 % à 1 426,5 % par rapport aux loyers réels constatés. Toutefois, la société Locam a produit les factures d'achat des photocopieurs concernés de son fournisseur ainsi que la preuve de leur acquittement. Il n'est pas établi ni même allégué que la société Locam et son fournisseur se seraient entendus pour surfacturer cet achat et en répercuter le coût auprès de l'EHPAD Les Oiseaux. Ainsi, les loyers résultant des contrats litigieux n'étant pas sans rapport avec le coût d'acquisition du matériel par la société Locam, l'EHPAD Les Oiseaux n'est pas fondé à soutenir que les contrats de location litigieux comportaient une libéralité illicite en faveur de son cocontractant.

11. En quatrième lieu, l'EHPAD Les Oiseaux soutient également que la société Locam a volontairement vicié son consentement lors de la signature des contrats litigieux, en lui louant en toute connaissance de cause des matériels à des prix entre trois et quinze fois supérieurs à leur valeur réelle, en effectuant un démarchage auprès de lui et en ne lui permettant pas d'avoir connaissance de l'étendue de son engagement. Toutefois, il résulte de ce qui précède que la société Locam ne peut être regardée comme ayant loué du matériel à l'EHPAD Les Oiseaux pour un prix entre trois et quinze fois supérieur à sa valeur réelle dès lors que ce prix n'est pas sans rapport avec le montant des factures d'achat qu'elle a acquittées. En outre, si la société Locam a effectué un démarchage commercial auprès de l'EHPAD Les Oiseaux et lui a fait souscrire des contrats conformes à un modèle type sans respecter les règles de publicité et de mise en concurrence applicables, il ne résulte pas de l'instruction qu'elle se serait livrée à des manœuvres dolosives pour obtenir leur signature malgré les conditions financières particulièrement désavantageuses qu'ils impliquaient pour l'établissement. Par ailleurs, il résulte des termes mêmes des contrats litigieux que l'EHPAD Les Oiseaux a accepté les conditions générales des contrats conclus avec la société Locam en signant la première page de chacun de ces deux contrats qui mentionnait notamment que " le locataire déclare avoir pris connaissance, reçu et accepte les conditions particulières et générales figurant au recto et verso ". Ainsi, le signataire ne pouvait ignorer le contenu et la portée des conditions générales et particulières de location. Si les parties n'ont pas paraphé les conditions générales de location et si ces conditions générales étaient rédigées en caractères de petite taille au verso du contrat signé, cette circonstance ne peut cependant être regardée comme ayant affecté le consentement de l'EHPAD. Par suite, le moyen tiré de ce que le consentement de l'EHPAD Les Oiseaux aurait été volontairement vicié par la société Locam manque en fait et doit être écarté.

12. Enfin, en cas de divisibilité de clauses illicites d'un contrat, le juge peut régler le litige dans le cadre contractuel en écartant l'application de ces seules clauses.

13. A l'appui de sa requête, l'EHPAD Les Oiseaux soutient que les contrats litigieux comportent notamment deux clauses illicites, l'une relative à la clause de reconduction tacite illimitée et l'autre concernant les conditions de leur résiliation. En effet, d'une part, les clauses de tacite reconduction contenues dans des contrats de la commande publique sont entachées d'illégalité. D'autre part, sont également illicites les clauses de résiliation amiable allouant au cocontractant de l'administration une indemnisation excédant le montant du préjudice qu'il a subi résultant du gain dont il a été privé ainsi que des dépenses qu'il a normalement exposées et qui n'ont pas été couvertes en raison de la résiliation du contrat. Toutefois, si les contrats litigieux comportaient effectivement de telles clauses illicites dans leurs articles 3 et 12, une part de l'indemnité de résiliation stipulée par ces articles 12 excédant le préjudice subi par la société Locam du fait de la résiliation, celles-ci n'affectent pas l'économie générale de ces contrats, sont divisibles de ceux-ci et peuvent être écartées. Par suite, l'illégalité de ces clauses n'entraîne pas la nullité de ces contrats.

14. Les contrats litigieux n'étant pas entachés de nullité, l'EHPAD Les Oiseaux n'est, en tout état de cause, pas fondé à soutenir que les condamnations ne pouvaient être assorties des intérêts moratoires.

En ce qui concerne les loyers échus impayés :

15. Aux termes des articles 12 des conditions générales des contrats litigieux : " (...) 2) Outre la restitution du matériel, le locataire devra verser au loueur une somme égale au montant des loyers impayés au jour de la résiliation majorée d'une clause pénale de 10 % ainsi qu'une somme égale à la totalité des loyers restant à courir jusqu'à la fin du contrat telle que prévue à l'origine majorée d'une clause pénale de 10 % (sans préjudice de tous dommages et intérêts qu'il pourrait devoir) (...) ".

16. L'EHPAD soutient que cette clause ne tient pas compte des charges dont la résiliation dispense le bailleur, des profits qu'il peut tirer du matériel restitué, qu'elle empêche la personne publique de résilier le contrat avant son terme et est disproportionnée. Toutefois, à supposer que cette clause puisse être regardée, dans son ensemble, comme conduisant à faire supporter à l'administration une indemnité disproportionnée en cas de résiliation, elle doit être regardée comme divisible en ce qu'elle stipule, d'une part, le versement des loyers impayés au jour de la résiliation majorés de 10 % et, d'autre part, une indemnité égale à la totalité des loyers restant à courir jusqu'à la fin des contrats également majorée de 10 %. Il n'est, en tout état de cause, pas davantage établi ni même allégué que l'indemnité correspondant aux seuls loyers impayés à la date de la résiliation, majorés de 10 %, serait excessive. Ainsi, cette indemnité n'est pas elle-même illicite. Les modalités de calcul du tribunal administratif n'étant pas contestées en appel, le moyen tiré de ce que la société Locam ne pouvait être indemnisée au titre des loyers échus impayés sur le fondement d'une clause nulle doit être écarté.

17. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que l'EHPAD Les Oiseaux n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles l'a condamné à verser les sommes litigieuses à la société Locam.

Sur les frais liés à l'instance :

18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la société Locam, qui n'est pas la partie perdante, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'EHPAD Les Oiseaux la somme de 2 000 euros à verser à la société Locam sur ce fondement.

DECIDE :

Article 1er : La requête de l'EHPAD Les Oiseaux est rejetée.

Article 2 : L'EHPAD Les Oiseaux versera la somme de 2 000 euros à la société Locam au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Les Oiseaux et à la société Locam.

Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Signerin-Icre, présidente de chambre,

M. Camenen, président assesseur,

Mme Houllier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 novembre 2023.

Le rapporteur,

G. CamenenLa présidente,

C. Signerin-IcreLa greffière,

C. FourteauLa République mande et ordonne au préfet des Yvelines en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

N° 20VE01760 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20VE01760
Date de la décision : 23/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-04 Marchés et contrats administratifs. - Fin des contrats.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: M. Gildas CAMENEN
Rapporteur public ?: Mme JANICOT
Avocat(s) : CABINET LAPISARDI AVOCAT

Origine de la décision
Date de l'import : 25/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2023-11-23;20ve01760 ?
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